Par Aziz Boucetta
Assistons-nous aux prémices d’une guerre mondiale qui ne dirait pas son nom mais qui occasionnerait les ravages attendus ? Rien n’est moins sûr. Sommes-nous alors face à une redistribution des cartes sur un échiquier mondial poussiéreux depuis trente ans et qui doit fatalement changer ? C’est plus probable. Ce qui se déroule aujourd’hui en Ukraine en est un jalon, voire un palier.
Depuis la chute du mur de Berlin et l’effondrement conséquent de l’URSS, le monde a connu une accalmie d’une trentaine d’années, mais une accalmie simplement apparente, du fait essentiellement d’un activisme incessant de l’OTAN qui a continué de considérer l’URSS comme un adversaire potentiel et sans doute même systémique. La dernière décade du 20ème siècle était assurément celle où la Russie pouvait et devait être intégrée dans le bloc occidental.
Las… Ce dernier, fort de l’hyperpuissance américaine et encouragé par une Europe alors conquérante qui conquerrait les pays de l’ancien Pacte de Varsovie, a mis à profit la faiblesse russe – portée à son paroxysme par la crise de 1998 – pour placer ses pions ici et en avancer d’autres là. En 2003, le premier choc eut lieu avec l’invasion (illégale sur le plan du droit international) de l’Irak par les Etats-Unis, certains de ses alliés (Royaume-Uni, Espagne, …) et plusieurs pays de l’ancienne Europe de l’Est.
Vladimir Poutine a alors quelques années de règne et entreprend la remise en ordre et en marche de son armée, à une époque où la Chine émerge sur la scène économique mondiale. Le monde se divise alors en deux grands pôles, le premier constitué par un Occident toujours aussi sûr de lui et assuré de sa prise sur le monde et son emprise sur son économie, volontiers donneur de leçons aux autres puissances, qualifiées d’autoritaires (en comparaison aux « démocraties » d’Europe et d’Amérique) et formant l’autre pôle.
Puis survient la question ukrainienne… La complexité de cette affaire émane du jaillissement de la grande histoire de l’Europe centrale dans la nouvelle donne européenne du 21ème siècle. Les Etats Baltes, qui formaient naguère un seul et même pays avec la Pologne, se sont alignés sur l’UE et l’OTAN et, avec la Roumanie, envisageaient l’adhésion de l’Ukraine dans leur bloc.
Mais le problème avec les Occidentaux est qu’ils agissent comme s’ils étaient seuls, faisant peu de cas des sentiments, voire du ressentiment, des autres peuples. Et ce problème est aggravé par le fait que, sûrs de leur puissance économique, ils ne se donnent pas les moyens de leur politique. Ainsi, en cette moitié de la 2nde décennie du siècle, les Américains ont changé d’adversaire systémique, désormais la Chine, laissant les Européens aux prises avec un Vladimir Poutine dont personne à l’Ouest n’a vraiment mesuré la rancœur de voir son pays relégué au rang d’une puissance moyenne, traité avec condescendance et menacé de harcèlement par ses anciens vassaux.
Adviennent alors les cas de la Géorgie, en 2008, puis de la Crimée, en 2014. L’interventionnisme russe reprend tout son éclat et, comme dans la période URSS, est dirigé contre l’Occident. En Syrie d’abord, qui assure l’accès aux mers chaudes, puis en Turquie pour planter une banderille dans le corps OTAN, en Iran à travers des accords commerciaux et des rapprochements politiques, puis en Afrique…
Sur le continent, Moscou intervient au Soudan, s’implante lentement dans la Corne de l’Afrique, envoie ses milices en République Centrafricaine, parvient à remplacer la France au Mali et œuvre à la surclasser au Burkina Faso, après avoir maintenu, sauvegardé et protégé son implantation en Algérie, où la Russie projette d’installer une base navale, face à l’Europe...
Au final, si on regarde une carte, l’Europe se trouve encerclée par un arc russe qui se renforce et s’appuie désormais sur la puissance économique chinoise. Et l’affaire ukrainienne, qui finira bien par se résoudre, marque l’alliance de fait et porteuse d’effets entre Russes et Chinois.
Et si l’UE aspire à l’endiguement/affaiblissement de Moscou à travers cette guerre en Ukraine, c’est au final elle qui s’expose et menace d’exploser quand la question du gaz russe en Europe sera sérieusement posée, Allemands, Autrichiens, Bulgares et d’autres encore n’étant ni prêts ni désireux de mettre en place des solutions alternatives à l’énergie russe.
C’est donc à travers un prisme d’encerclement planétaire que la question ukrainienne doit être appréhendée, avec les Américains qui observent une étrange distance face à cette guerre qui ravage le centre de l’Europe, laquelle est soumise à une vaste manœuvre d’encerclement par la Russie et d’entrisme économique par la Chine, alliée de cette dernière.
Une nouvelle configuration géopolitique et géoéconomique se dessine, encore à ses débuts, à laquelle chaque pays devra s’adapter, choisir son bord, ou « jouer » tous les camps.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panora Post
Depuis la chute du mur de Berlin et l’effondrement conséquent de l’URSS, le monde a connu une accalmie d’une trentaine d’années, mais une accalmie simplement apparente, du fait essentiellement d’un activisme incessant de l’OTAN qui a continué de considérer l’URSS comme un adversaire potentiel et sans doute même systémique. La dernière décade du 20ème siècle était assurément celle où la Russie pouvait et devait être intégrée dans le bloc occidental.
Las… Ce dernier, fort de l’hyperpuissance américaine et encouragé par une Europe alors conquérante qui conquerrait les pays de l’ancien Pacte de Varsovie, a mis à profit la faiblesse russe – portée à son paroxysme par la crise de 1998 – pour placer ses pions ici et en avancer d’autres là. En 2003, le premier choc eut lieu avec l’invasion (illégale sur le plan du droit international) de l’Irak par les Etats-Unis, certains de ses alliés (Royaume-Uni, Espagne, …) et plusieurs pays de l’ancienne Europe de l’Est.
Vladimir Poutine a alors quelques années de règne et entreprend la remise en ordre et en marche de son armée, à une époque où la Chine émerge sur la scène économique mondiale. Le monde se divise alors en deux grands pôles, le premier constitué par un Occident toujours aussi sûr de lui et assuré de sa prise sur le monde et son emprise sur son économie, volontiers donneur de leçons aux autres puissances, qualifiées d’autoritaires (en comparaison aux « démocraties » d’Europe et d’Amérique) et formant l’autre pôle.
Puis survient la question ukrainienne… La complexité de cette affaire émane du jaillissement de la grande histoire de l’Europe centrale dans la nouvelle donne européenne du 21ème siècle. Les Etats Baltes, qui formaient naguère un seul et même pays avec la Pologne, se sont alignés sur l’UE et l’OTAN et, avec la Roumanie, envisageaient l’adhésion de l’Ukraine dans leur bloc.
Mais le problème avec les Occidentaux est qu’ils agissent comme s’ils étaient seuls, faisant peu de cas des sentiments, voire du ressentiment, des autres peuples. Et ce problème est aggravé par le fait que, sûrs de leur puissance économique, ils ne se donnent pas les moyens de leur politique. Ainsi, en cette moitié de la 2nde décennie du siècle, les Américains ont changé d’adversaire systémique, désormais la Chine, laissant les Européens aux prises avec un Vladimir Poutine dont personne à l’Ouest n’a vraiment mesuré la rancœur de voir son pays relégué au rang d’une puissance moyenne, traité avec condescendance et menacé de harcèlement par ses anciens vassaux.
Adviennent alors les cas de la Géorgie, en 2008, puis de la Crimée, en 2014. L’interventionnisme russe reprend tout son éclat et, comme dans la période URSS, est dirigé contre l’Occident. En Syrie d’abord, qui assure l’accès aux mers chaudes, puis en Turquie pour planter une banderille dans le corps OTAN, en Iran à travers des accords commerciaux et des rapprochements politiques, puis en Afrique…
Sur le continent, Moscou intervient au Soudan, s’implante lentement dans la Corne de l’Afrique, envoie ses milices en République Centrafricaine, parvient à remplacer la France au Mali et œuvre à la surclasser au Burkina Faso, après avoir maintenu, sauvegardé et protégé son implantation en Algérie, où la Russie projette d’installer une base navale, face à l’Europe...
Au final, si on regarde une carte, l’Europe se trouve encerclée par un arc russe qui se renforce et s’appuie désormais sur la puissance économique chinoise. Et l’affaire ukrainienne, qui finira bien par se résoudre, marque l’alliance de fait et porteuse d’effets entre Russes et Chinois.
Et si l’UE aspire à l’endiguement/affaiblissement de Moscou à travers cette guerre en Ukraine, c’est au final elle qui s’expose et menace d’exploser quand la question du gaz russe en Europe sera sérieusement posée, Allemands, Autrichiens, Bulgares et d’autres encore n’étant ni prêts ni désireux de mettre en place des solutions alternatives à l’énergie russe.
C’est donc à travers un prisme d’encerclement planétaire que la question ukrainienne doit être appréhendée, avec les Américains qui observent une étrange distance face à cette guerre qui ravage le centre de l’Europe, laquelle est soumise à une vaste manœuvre d’encerclement par la Russie et d’entrisme économique par la Chine, alliée de cette dernière.
Une nouvelle configuration géopolitique et géoéconomique se dessine, encore à ses débuts, à laquelle chaque pays devra s’adapter, choisir son bord, ou « jouer » tous les camps.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panora Post