Région Draa-Tafilalet : Atout tourisme et culture


Il y a des régions riches en potentiel mais qui accuse encore de grands déficits. A preuve, celle de Drâa Tafilalet. Les indicatifs sociaux du HCP l'attestent. Il faut œuvrer pour la faire sortir de la pauvreté et de l'enclavement.



Par Mustapha Sehimi

Cette problématique a fait l'objet, voici quelques semaines, le 17 juillet dernier, d'un Symposium organisé par le Conseil du Développement et de la Solidarité (CDS) présidé par Mohamed Benamour, à Rabat, sur le thème : "Maroc des Territoires: Inclusion, Solidarité et Équité - l'exemple de la Région Drâa-Tafilalet". Une rencontre à laquelle ont participé des décideurs nationaux - Nizar Baraka, ministre de l'Équipement et de l'Eau, Khalid Safir, directeur général de la CDG; Imad Barrakat, président de la SMIT; Hamid Bentahar, président de la CNT; Mohamed Rochdi Chraïbi, président de la Fondation du Grand Ouarzazate; des experts et des universitaires. Elle a été féconde : tournée vers la délibération et 1'échange de propositions, elle a mis en perspective, pour les politiques publiques, les axes d'un modèle de développement régional spécifique. Une problématique sur l'investissement et le rôle de l'État territorial et la question des inégalités frappant les "territoires oubliés..."

 

L'un des professionnels, Samir Sahraoui, ancien directeur général de l'ONMT, aujourd'hui fondateur du Cabinet Chorus Consulting Hospitality & Leisure, a présenté une communication de référence sur la région. Un expert, Monceyf Fadili, spécialiste en planification urbaine et développement territorial (ONU-Habitat) a relevé les facteurs qui pénalisent cette région: 2,6% du PIB national, un PIB annuel/hab. de 15.000 DH pour une moyenne  nationale de 35.000 DH, un taux de pauvreté élevé de 20 % contre 9% à l'échelle nationale, avec plus de 30 % dans 25 communes rurales: Des ressources naturelles importantes avec l'espace oasien estimé comme réserve de biosphère à 80.000 km2 et l'oasis du Tafilalet - une palmeraie de 65.000 ha. L'investissement dans la région porte surtout sur les énergies renouvelables (station Noor d'une capacité de 580 MW), ainsi que sur l'extraction minière et des métaux stratégiques (barytine, cobalt, cuivre, fluorine, manganèse, nickel) sans retombées notables cependant sur la région. Dans le secteur tertiaire, surtout le tourisme: 20.000 emplois, 18.450 hits soit 7% de la capacité hôtelière mais 2% seulement des nuitées et une recette moyenne par touriste de 600 dollars dans la région contre 900 pour la moyenne au Maroc.
 
Contraintes naturelles

Une région avec un milieu naturel bien contraignant. Défavorable. Un climat semi-désertique, un manque de précipitations pluviométriques, des ressources en eau insuffisantes et la désertification: voilà à grands trait, la situation. Une région qui couvre les montagnes du Grand-Atlas pouvant culminer à plus de 3.000 m et la zone sud, avec des oasis entourées par des montagnes de l'Anti-Atlas avec des températures jusqu'à 48° durant l'été. La pluviométrie est marquée par sa forte irrégularité spatiotemporelle aggravée par une évaporation élevée variant entre 200 et 3.000mm/an. L'organisation administrative, elle, s'articule depuis le découpage de 2015 autour de cinq provinces (Errachidia comme chef-lieu, Midelt, Ouarzazate, Tinghir et Zagora). L'on y compte 125 communes dont 16 en milieu urbain. Cette région représente 12,5 % du territoire national et 46 % de la superficie oasienne marocaine. Elle compte, selon le recensement de 2014, I.635.008 habitants, soit 4,8 % de la population totale du Royaume. Un bon tiers (34,3 %) de la population sont des ruraux, un taux largement inférieur à celui de 60% enregistré au niveau national.
 

Pour ce qui est des infrastructures, le sous-équipement de la région présente plusieurs traits. Un réseau de 1.512 km de routes nationales, autant de routes provinciales et 805 km de routes régionales; un transport aérien desservant les aéroports de Moulay Ali Cherif d'Errachidia (ERH) avec une capacité d'accueil annuelle de 300.000 passagers, de Ouarzazate (OZZ) 260.000 passagers / an et celui de Zagora (OZG) réservé aux vols de liaison intra-région. Quant au transport terrestre, il dispose de 9 gares routières - dont 4 dans la province d'Errachidia) ; d'une trentaine de places de grands taxis, de 400 véhicules de transport routier et d'une centaine de départs d'autocars, sans oublier quelque 130 agences de location de voitures. L'infrastructure touristique se distingue par un large éventail d'établissements d'hébergement: 311 hôtels classés, plus de 3.000 auberge et maisons d'hôtes et 1.500 gîtes et résidences touristiques. En  matière de santé, il faut mentionner 10 hôpitaux publics dont 3 spécialisés, 26 centres de santé urbains et 192 centres ruraux, sans parler de plusieurs cliniques privées et cabinets médicaux. 
 


Le Ciné- Tourisme, un vecteur de développement

 

Voilà bien un secteur avec un fort potentiel de développement que celui du ciné-tourisme dans la région. Il y a là une synergie entre ces deux domaines: ils ont un impact sur la création d'emplois, la croissance économique et la visibilité régionale aussi; ils offrent en effet des opportunités d'investissement dans les secteurs du tourisme et du cinéma; ils encouragent des échanges productifs entre les multiples acteurs entreprises, professionnels, élus, investisseurs, élus, CRI, etc) ainsi qu'entre les initiatives de partenariat public-privé. Le 14 décembre dernier, s'est tenu à Ouarzazate, le Premier Forum Régional sur le Tourisme et le cinéma sur le thème : "Ciné-Tourisme, vision et synergie", à l'initiative de la Chambre de commerce d'industrie et des services de la Région". Une rencontre qui a fait des recommandations concrètes sur la promotion du tourisme et du cinéma dans le développement économique et social de Draâ Tafilalet et ce sur la base de la valorisation des attraits naturels, du patrimoine culturel et d'un environnement d'affaires attractif.

 

L'année 2023 a vu la région enregistrer un rayonnement artistique et culturel important attesté par le nombre et la dimension d'évènements organisés dans la région. Parmi les rendez-vous phares, il faut citer notamment le Festival international des nomades à M'Hamid El Ghizlane en avril, le Festival national des arts d'Ahwaach en mai avec plus de 1.000 artistes, la Rencontre Sijilmassa de l'art du Melhoun le même mois à Rissani, le Festival international du conte et des arts populaires à Zagora, le Salon international de la rose à parfum au Maroc à Kelâat M'Gouna, la 28ème session de "L' Université Moulay Ali Cherif" en novembre à Rissani, le Festival international du film transsaharien en décembre dans la même ville et d'autres manifestations encore -Festival international du film documentaire arabo-africain, le Festival international du théâtre d'Amannay, le Salon régional du livre de Drâa Tafilalet, etc). Un pôle culturel en construction qui se consolide.

 
Une dynamique de croissance

Voici plus d'un an, Fatim-Zahra Ammor, ministre du Tourisme, de 1'Artisanat et de l'Économie Sociale et Solidaire, avait présenté à Errachidia la Feuille de route du tourisme 2023 -2026 dans le cadre des tournées régionales de son plan d'action. La région s'inscrit dans quatre filières touristiques: " Désert & Oasis Adventure" "Nature, Treekking & Hiking", "Circuits culturels", et "Nature et Découvertes". Cela nécessite le développement de prérequis : ils sont nécessaires à la valorisation de cette offre et ce en matière d'infrastructures, d'hébergement et de services. Un partenariat global a été conclu en 2021 pour mettre en œuvre un ambitieux programme culturel et touristique baptisé "Oasis Trésor du Maroc" axé sur la région. L'investissement public est de 1,4 milliard (MMDH) de dirhams; il doit créer plus de 1.500 emplois directs et plus du triple pour ce qui est des indirects. Il se décline notamment sur les programmes suivants : circuits touristiques complémentaires, centre culturel et d'animation touristique, une salle de spectacle de 460 places à Midelt, réalisation d'un grand belvédère. Une enveloppe de 210 MDH est prévue 106 entre 2023-2024 et 104 entre 2025-2027. Un autre écosystème intéresse le programme "Jardins et Oasis" (découverte du Ziz, reconstitution du circuit caravanier du Tafilalet, golf du désert à Merzouga, musée des Khettara à Fezna...). Un investissement de 283 MDH pour la période 2023 2027. La troisième thématique," Géo-Oasis", est celle d'un autre écosystème centré sur la province de Tinghir (gorges de Toudgha, centre d'escalade, haltes panoramiques...) avec un investissement de 47 MDH. Il faut y ajouter des plates-formes pour l'aéroplane et les sports mécaniques. Un investissement total de 210 MDH (2023-2027). Enfin, le quatrième écosystème : "Cure Oasis" dans la province de Zagora (centre de sablothérapie, reconversion des ksours et kasbahs en hébergement touristique, création d'un centre d'interprétation du patrimoine archéologique) - un investissement global de 260 MDH. Enfin, le dernier écosystème, "Oasis Cinéma Solar", sera à Ouarzazate. Au centre de ce programme, l'industrie du 7 ème art (création d'un centre scénographique ludique, un mini parc ludique aussi autour de la thématique des dinosaures et des météorites) - un investissement de 283 MDH (2023-2027).
 

Un tel programme a été initié par la Région et la SMIT. Il a requis des études d'ingénierie, des concertations avec les autorités locales et les collectivités territoriales. Un partenariat est nécessaire : il doit garantir la bonne réalisation des projets retenus. Une dynamique forte de croissance est à engager et à consolider - pour mobiliser davantage le secteur privé et arriver à améliorer durablement l'attractivité touristique de la région.



Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid 



Mercredi 14 Aout 2024

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