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Par Taoufiq Boudchiche, économiste.
Pour ceux qui ont l’habitude d’observer depuis plusieurs décennies la relation Afrique-Europe, cette rencontre a mis en évidence combien les anciennes formes de partenariat et d’aide publique au développement sont désormais associées, aux yeux des sociétés civiles des deux côtés de la méditerranée, à des partenariats devenus caduques et inefficaces. Lors du sommet « Europe-Afrique » tenu en février 2022 à Bruxelles, les Chefs d’Etat et de gouvernement, en ont pris acte en décidant de renouveler le cadre du partenariat entre les deux continents.
L’appel à rénover les outils de la relation est d’autant plus importante qu’elle s’impose au regard des enjeux et des nombreux défis communs à affronter ensemble (climat, énergie, santé, éducation, inégalités, migrations, terrorisme…). Un changement de paradigmes devenu nécessaire pour y introduire plus d’écologie, plus d’attention aux valeurs démocratiques, aux droits humains et pour plus « d’inclusivité ».
Dans ce contexte, la société civile, notamment la diaspora africaine au regard des talents et des compétences qui la composent, est appelée à jouer pleinement son rôle. Il est en effet mieux reconnu à la « diaspora africaine », une action clé de consolidation du lien humain, social, culturel et économique, en mesure d’enrichir et de démultiplier le partenariat entre les deux continents.
Dans ses propos introductifs, le député Bruno Fuchs, en fin connaisseur de l’Afrique, a tenu à souligner l’importance qu’il accorde personnellement à l’écoute du point de vue des représentants de la diaspora africaine sur ces sujets. Il s’agit, selon lui, de ne pas reproduire les erreurs du passé, de renouveler le regard sur le partenariat euro-africain et du côté Français, gagner en efficacité, vu la densité des liens au sein du continent.
Cela est d’autant plus fortement ressenti que les anciennes formules d’aide publique au développement et d’alliances mises en œuvre n’ont pas eu l’effet escompté, ni sur les progrès économiques et sociaux, ni sur les droits humains et encore moins sur les changements démocratiques souhaités. Parfois, il en a résulté des situations de rente et de capture de l’aide vers les élites et les institutions qui préservent les intérêts d’un système qui perpétue les inégalités issues du modèle colonial.
L’Afrique est l’objet de convoitises et de rivalités des puissances (Chine, Russie, Inde, Turquie, Etats-Unis …). Des rivalités accompagnées d’une guerre d’influences pour conquérir les esprits et les opinions publiques africaines comme l’ont montré les positionnements des uns et des autres, sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Un contexte où les coups d’Etat ne sont plus considérés comme un tabou politique ainsi qu’une sensibilité accrue aux discours nationalistes et extrémistes exploités par des puissances émergentes en quête de positionnement sur le continent.
A l’avenir, il conviendrait d’encourager les partenariats Nord-Sud-Sud, selon une vision plus globale consistant à considérer l’Europe et l’Afrique, comme un « puissant pôle régional de développement intégré et de prospérité partagée et plus équilibrée », face à l’Asie et aux Amériques.
L’Ambassadeur Alain Le Roy, en charge précédemment du sommet Europe-Afrique, a exposé la stratégie « Global Gateway » lancée par l’Union Européenne pour la période 2021 à 2027. Elle est assortie de mécanismes financiers mobilisables d’un montant annoncé de 300 milliards d’euros.
Pour rappel, les besoins en investissements en infrastructures dans le monde sont estimés à 1.300 milliards d’euros. Sont prévus des investissements conséquents dans les infrastructures destinés à la transition écologique, la transition numérique, la croissance durable et la création d’emplois décents, le renforcement des systèmes de santé, l’amélioration de l’éducation et de la formation. Une stratégie euro-africaine qui s’inscrirait dans la trajectoire qui devrait conduire collectivement vers l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) des Nations-Unies à l’horizon 2030.
L’ancien ambassadeur, Monsieur Stéphane Gompertz, membre éminent de l’Institut Afrique Monde(IAM), a fait ressortir en guise de synthèse, quelques idées fortes telles que : le repositionnement du partenariat euro-africain dans le cadre d’une relation « d’égal à égal » et d’échanges « gagnant-gagnant », l’importance accordée par les sociétés civiles africaines au respect de la souveraineté dans un monde multipolaire et la nécessaire valorisation des apports de l’Afrique au monde.
L’Afrique, a-t-il été rappelé, est un vaste continent riche de ses diversités et de ses ressources naturelles. Elle est fière de ses valeurs sociales, culturelles et humaines. Des richesses matérielles et immatérielles qui ne sont pas suffisamment valorisées en Europe. Les modèles d’affaires et d’investissement reproduisent les termes d’un « échange inégal ». Des produits primaires contre des produits manufacturés malgré les milliards d’aide consentis.
D’où l’importance de créer en Afrique de nouvelles formes de partenariat incitant à la création des chaines de valeur conjointes dans le domaine industriel, agricole, …. Au Maroc, des partenariats Nord-Sud-Sud ont été des exemples réussis dans plusieurs secteurs novateurs (automobile, aéronautique, offshoring...), ai-je quant à moi, souligné dans mon intervention sur les enjeux structurants de la relation Afrique-Europe.
Par ailleurs, sur le financement du partenariat, le ciblage est considéré comme étant un vrai sujet. Des jeunes femmes entrepreneurs issues de la diaspora africaine, Ileana SANTOS et Arlande JOERGER ont par exemple, évoqué l’impossibilité pour elles en tant que chefs de petites entreprises, d’accéder aux aides de l’Europe alors même qu’elles ont des compétences et des projets pertinents à destination de leur pays d’origine. Elles ont plaidé en faveur d’une simplification des procédures et d’une levée des obstacles bureaucratiques d’accès aux financements disponibles.
Il y a aussi une nécessité de faire de sorte que les financements octroyés puissent cibler les secteurs de l’économie populaire, désignées également sous le vocable de l’économie sociale et solidaire. Un secteur qui au-delà de ses fonctions traditionnelles de lutte contre la pauvreté et de pratiques vertueuses - de lutte contre le changement climatique (préservation de savoirs ancestraux en gestion de la rareté hydrique, en agroforesterie, pastoralisme, cultures oasiennes,..), de génération d’activités et de sources de revenus pour les populations les plus fragiles-est un facteur de fixation des populations dans leur territoire et de résilience contre les migrations et contre les tentations aux offres de recrutement par les organisations criminelles et terroristes…
La rencontre a été marquée par une franchise de ton qui ne peut-être que louable pour toutes les parties. Certains des intervenants, par exemple, n’ont pas manqué de faire observer si la stratégie « Global Gateway », ne serait-pas uniquement le volet européen des « stratégies mondiales d’alliances et d’influences » à l’œuvre en direction de l’Afrique que génère le contexte mondial marqué par la« multipolarité » et la « polylatéralité » ?
Celles qui sont notamment, en concurrence actuellement au sein du continent, à l’instar du projet chinois dit « Routes de la Soie » lancée en 2013 et/ou celle des États-Unis dévoilé en 2021 dans le cadre du projet dit Blue Dot Network (BDN). L’Inde, la Turquie, le Japon ne sont pas en reste puisque des sommets Afrique-Inde, Afrique-Turquie, Afrique-Japon ont été programmés en 2022. Il convient donc aux dirigeants européens et africains d’imaginer les voies et moyens distinctifs de tirer avantage d’un partenariat renouvelé.
PS. « L'Institut Afrique Monde » est une organisation civile accréditée auprès de l'UNESCO et de la Francophonie. Elle était représentée par Monsieur Claude MUSAVYI, qui a pris part à l'ingénierie et l'organisation de l'événement.
L’association Diplomatie Sud-Nord en cours de création quant à elle regroupe des anciens diplomates, des universitaires, des chercheurs et doctorants …. Elle se propose de croiser des regards et les points de vue sur la relation Nord-Sud dans le contexte des bascules géopolitiques à l’œuvre.
L’appel à rénover les outils de la relation est d’autant plus importante qu’elle s’impose au regard des enjeux et des nombreux défis communs à affronter ensemble (climat, énergie, santé, éducation, inégalités, migrations, terrorisme…). Un changement de paradigmes devenu nécessaire pour y introduire plus d’écologie, plus d’attention aux valeurs démocratiques, aux droits humains et pour plus « d’inclusivité ».
Dans ce contexte, la société civile, notamment la diaspora africaine au regard des talents et des compétences qui la composent, est appelée à jouer pleinement son rôle. Il est en effet mieux reconnu à la « diaspora africaine », une action clé de consolidation du lien humain, social, culturel et économique, en mesure d’enrichir et de démultiplier le partenariat entre les deux continents.
Dans ses propos introductifs, le député Bruno Fuchs, en fin connaisseur de l’Afrique, a tenu à souligner l’importance qu’il accorde personnellement à l’écoute du point de vue des représentants de la diaspora africaine sur ces sujets. Il s’agit, selon lui, de ne pas reproduire les erreurs du passé, de renouveler le regard sur le partenariat euro-africain et du côté Français, gagner en efficacité, vu la densité des liens au sein du continent.
Cela est d’autant plus fortement ressenti que les anciennes formules d’aide publique au développement et d’alliances mises en œuvre n’ont pas eu l’effet escompté, ni sur les progrès économiques et sociaux, ni sur les droits humains et encore moins sur les changements démocratiques souhaités. Parfois, il en a résulté des situations de rente et de capture de l’aide vers les élites et les institutions qui préservent les intérêts d’un système qui perpétue les inégalités issues du modèle colonial.
L’Afrique est l’objet de convoitises et de rivalités des puissances (Chine, Russie, Inde, Turquie, Etats-Unis …). Des rivalités accompagnées d’une guerre d’influences pour conquérir les esprits et les opinions publiques africaines comme l’ont montré les positionnements des uns et des autres, sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Un contexte où les coups d’Etat ne sont plus considérés comme un tabou politique ainsi qu’une sensibilité accrue aux discours nationalistes et extrémistes exploités par des puissances émergentes en quête de positionnement sur le continent.
A l’avenir, il conviendrait d’encourager les partenariats Nord-Sud-Sud, selon une vision plus globale consistant à considérer l’Europe et l’Afrique, comme un « puissant pôle régional de développement intégré et de prospérité partagée et plus équilibrée », face à l’Asie et aux Amériques.
L’Ambassadeur Alain Le Roy, en charge précédemment du sommet Europe-Afrique, a exposé la stratégie « Global Gateway » lancée par l’Union Européenne pour la période 2021 à 2027. Elle est assortie de mécanismes financiers mobilisables d’un montant annoncé de 300 milliards d’euros.
Pour rappel, les besoins en investissements en infrastructures dans le monde sont estimés à 1.300 milliards d’euros. Sont prévus des investissements conséquents dans les infrastructures destinés à la transition écologique, la transition numérique, la croissance durable et la création d’emplois décents, le renforcement des systèmes de santé, l’amélioration de l’éducation et de la formation. Une stratégie euro-africaine qui s’inscrirait dans la trajectoire qui devrait conduire collectivement vers l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) des Nations-Unies à l’horizon 2030.
L’ancien ambassadeur, Monsieur Stéphane Gompertz, membre éminent de l’Institut Afrique Monde(IAM), a fait ressortir en guise de synthèse, quelques idées fortes telles que : le repositionnement du partenariat euro-africain dans le cadre d’une relation « d’égal à égal » et d’échanges « gagnant-gagnant », l’importance accordée par les sociétés civiles africaines au respect de la souveraineté dans un monde multipolaire et la nécessaire valorisation des apports de l’Afrique au monde.
L’Afrique, a-t-il été rappelé, est un vaste continent riche de ses diversités et de ses ressources naturelles. Elle est fière de ses valeurs sociales, culturelles et humaines. Des richesses matérielles et immatérielles qui ne sont pas suffisamment valorisées en Europe. Les modèles d’affaires et d’investissement reproduisent les termes d’un « échange inégal ». Des produits primaires contre des produits manufacturés malgré les milliards d’aide consentis.
D’où l’importance de créer en Afrique de nouvelles formes de partenariat incitant à la création des chaines de valeur conjointes dans le domaine industriel, agricole, …. Au Maroc, des partenariats Nord-Sud-Sud ont été des exemples réussis dans plusieurs secteurs novateurs (automobile, aéronautique, offshoring...), ai-je quant à moi, souligné dans mon intervention sur les enjeux structurants de la relation Afrique-Europe.
Par ailleurs, sur le financement du partenariat, le ciblage est considéré comme étant un vrai sujet. Des jeunes femmes entrepreneurs issues de la diaspora africaine, Ileana SANTOS et Arlande JOERGER ont par exemple, évoqué l’impossibilité pour elles en tant que chefs de petites entreprises, d’accéder aux aides de l’Europe alors même qu’elles ont des compétences et des projets pertinents à destination de leur pays d’origine. Elles ont plaidé en faveur d’une simplification des procédures et d’une levée des obstacles bureaucratiques d’accès aux financements disponibles.
Il y a aussi une nécessité de faire de sorte que les financements octroyés puissent cibler les secteurs de l’économie populaire, désignées également sous le vocable de l’économie sociale et solidaire. Un secteur qui au-delà de ses fonctions traditionnelles de lutte contre la pauvreté et de pratiques vertueuses - de lutte contre le changement climatique (préservation de savoirs ancestraux en gestion de la rareté hydrique, en agroforesterie, pastoralisme, cultures oasiennes,..), de génération d’activités et de sources de revenus pour les populations les plus fragiles-est un facteur de fixation des populations dans leur territoire et de résilience contre les migrations et contre les tentations aux offres de recrutement par les organisations criminelles et terroristes…
La rencontre a été marquée par une franchise de ton qui ne peut-être que louable pour toutes les parties. Certains des intervenants, par exemple, n’ont pas manqué de faire observer si la stratégie « Global Gateway », ne serait-pas uniquement le volet européen des « stratégies mondiales d’alliances et d’influences » à l’œuvre en direction de l’Afrique que génère le contexte mondial marqué par la« multipolarité » et la « polylatéralité » ?
Celles qui sont notamment, en concurrence actuellement au sein du continent, à l’instar du projet chinois dit « Routes de la Soie » lancée en 2013 et/ou celle des États-Unis dévoilé en 2021 dans le cadre du projet dit Blue Dot Network (BDN). L’Inde, la Turquie, le Japon ne sont pas en reste puisque des sommets Afrique-Inde, Afrique-Turquie, Afrique-Japon ont été programmés en 2022. Il convient donc aux dirigeants européens et africains d’imaginer les voies et moyens distinctifs de tirer avantage d’un partenariat renouvelé.
PS. « L'Institut Afrique Monde » est une organisation civile accréditée auprès de l'UNESCO et de la Francophonie. Elle était représentée par Monsieur Claude MUSAVYI, qui a pris part à l'ingénierie et l'organisation de l'événement.
L’association Diplomatie Sud-Nord en cours de création quant à elle regroupe des anciens diplomates, des universitaires, des chercheurs et doctorants …. Elle se propose de croiser des regards et les points de vue sur la relation Nord-Sud dans le contexte des bascules géopolitiques à l’œuvre.