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Par El Mahdi Gaouane
Au Maroc, le sport occupe une place de plus en plus importante dans la société. Le pays dispose de nombreux atouts qui favorisent l’épanouissement du sport à divers niveaux. D'abord, une géographie diversifiée, offrant un cadre idéal pour la pratique de nombreuses disciplines sportives, allant du surf sur les côtes atlantiques aux sports de montagne dans l’Atlas, en passant bien évidemment par le football, véritable passion nationale. Le potentiel du pays est indéniable, avec une jeunesse dynamique et passionnée par le sport, des infrastructures en développement, et un soutien croissant de la part des pouvoirs publics.
En effet, le budget annuel alloué au ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication est d'environ 3 à 4 milliards de dirhams marocains (MAD), avec un investissement total dans les infrastructures estimé entre 8 et 10 milliards de dirhams (800 millions à 1 milliard de dollars US) sur plusieurs années.
Malgré les progrès réalisés, nous pouvons et devons encore améliorer nos performances sportives, au vu du potentiel exceptionnel dont dispose notre pays. Le Nouveau Modèle de Développement mis en place par le Maroc fait du sport un vecteur d’intégration sociale des jeunes, mais aussi de rayonnement international. Pour atteindre cet objectif, il faut toutefois éviter de concevoir le sport uniquement sous l’angle de la performance. En effet, le succès des athlètes ne constitue que la partie visible de l’iceberg. Il représente le sommet auquel beaucoup aspirent, mais que très peu atteignent, souvent grâce à un entraînement acharné, un encadrement de haute qualité et des moyens conséquents.
Le sport, c’est surtout du développement. Son impact n’est plus à prouver aujourd’hui. C’est une réalité qui se mesure d'abord en termes de santé et de bien-être. Les études montrent que la pratique sportive permet de réduire de 30 à 50 % les risques de maladies chroniques (cardiovasculaires, diabète, cancer et santé mentale). L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que l'inactivité physique coûte au système de santé mondial environ 54 milliards de dollars par an en dépenses directes de santé.
Le sport, c’est aussi de l’emploi, de la croissance et de l’innovation. À l’échelle mondiale, l’industrie du sport s’élève à 500 milliards de dollars US en 2023, avec deux marchés en pleine expansion : l’Afrique et l’Asie. L'industrie sportive englobe l'ensemble des activités économiques, commerciales et organisationnelles liées au sport (événements sportifs, médias et diffusion, clubs et équipes, mais surtout équipements et matériel, et tourisme sportif).
Au Maroc, l'industrie du sport a généré un chiffre d'affaires estimé à environ 1 milliard de dollars US en 2023. Ce chiffre inclut les recettes provenant des événements sportifs, des droits de diffusion, des parrainages, des ventes de billets, et des équipements sportifs. Le secteur représente environ 0,5 à 1 % du PIB du pays, un chiffre modeste par rapport aux normes mondiales, mais en augmentation.
Le budget de l’État marocain dédié au sport n’est pas extensible à l’infini. Nos belles réalisations en football ont été possibles grâce à une vision royale, une gouvernance révisée, mais aussi à des moyens conséquents, ou du moins plus importants que ceux alloués aux autres disciplines sportives. Dès lors, la question principale est de savoir comment mener une politique nationale des sports tout en assurant son financement de manière pérenne et à long terme.
Vers la mise en place d’une politique industrielle sportive au Maroc et la création d’un marché du sport, pour le sport
Le sport au Maroc reste fortement centré sur le football, qui constitue un marché naturel au vu de l’engouement des Marocains pour ce sport. Mais cela laisse peu de place aux autres disciplines. L’État marocain ne peut à lui seul supporter cet effort. Plutôt que d’avoir une politique des sports ciblant les disciplines sportives et axée sur leurs résultats et performances, il conviendrait d’envisager les conditions pour la création d’un véritable marché du sport, qui pourrait trouver des débouchés naturels tant au Maroc que sur le continent africain. Une telle approche nous aiderait à sortir, ou du moins à rectifier, le schéma classique de gouvernance hérité de la France, où l’État joue un rôle central (avec une gouvernance chevauchant plusieurs acteurs), vers un schéma plus nord-américain, où le secteur privé constitue le principal acteur du sport, avec une régulation limitée et efficace de l’État.
En somme, il s’agit d’appliquer au sport le principe de la doctrine du NMD, qui prône la création d’un équilibre vertueux entre un État fort et une société forte (le secteur privé étant inclus dans cette dernière). Cela passe notamment par les pistes suivantes :
L’établissement d’une vision pour le Sport : Faire du Maroc la première nation sportive de l’Afrique à l’horizon 2035, par exemple. À l’instar du NMD, cette vision doit être co-construite avec les acteurs concernés, mais pas seulement. L’idée est de mener une consultation large, citoyenne, ainsi qu’auprès des écoles et des universités, afin de déterminer une liste de sports les plus prisés au Maroc (après le football). Il faut garder à l’esprit que dans ce type de consultations, ce n’est pas tant le résultat qui importe, mais davantage le processus qui permet de faire adhérer les acteurs à la vision finale adoptée.
La mise en place des conditions économiques pour attirer les investissements et favoriser l’émergence des acteurs nationaux, notamment dans le domaine des équipements sportifs. Une stratégie similaire à celle mise en place dans les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile pourrait être envisagée, permettant par exemple :
Création de Zones Spécialisées pour le Sport : Comprenant des infrastructures pour la fabrication d'équipements sportifs, la formation, et l'organisation d'événements sportifs. Ces zones pourraient être situées dans des régions stratégiques pour maximiser l'impact économique.
Clusters Sportifs : Développer des clusters sportifs où des entreprises, des centres de recherche, et des institutions éducatives se concentrent sur le développement d'une spécialisation sportive, comme les technologies sportives, la médecine du sport, ou l'équipement sportif.
Instituts de Formation Spécialisés : Créer des centres de formation pour développer des compétences spécifiques dans le domaine du sport, tels que le management sportif, le coaching, la fabrication d'équipements, et la médecine du sport.
Partenariats avec les Universités : Collaborer avec les universités pour développer des programmes académiques et de recherche dans le domaine du sport, intégrant des disciplines comme la gestion sportive, la technologie sportive, et la physiologie du sport.
Exonérations Fiscales : Offrir des incitations fiscales aux entreprises investissant dans le secteur sportif, y compris celles impliquées dans la fabrication d'équipements, l'organisation d'événements, et les services sportifs.
Encouragement de la Fabrication Locale : Promouvoir la production locale d'équipements sportifs, de vêtements, et de technologies liées au sport. Cela pourrait inclure la création de marques marocaines et le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) dans ce domaine.
Poursuite des efforts pour l’accueil de Compétitions Majeures : Positionner le Maroc comme une destination pour des événements sportifs internationaux, tels que des championnats du monde, des tournois régionaux, ou des conférences sportives. Ces événements stimuleraient non seulement l'économie, mais renforceraient aussi l'image du Maroc en tant que hub sportif.
Vers une rénovation du mode de gouvernance et la conduite du changement
Le passage d’une logique de performance à une logique de marché peut rencontrer des résistances, notamment de la part des structures sportives habituées à une gestion centralisée par l'État. De plus, une logique de marché pourrait exacerber les inégalités entre les sports populaires et ceux moins médiatisés.
C’est là que la doctrine du NMD trouve toute sa cohérence. L’État doit créer les conditions d’émergence du secteur privé tout en veillant à sa régulation, de manière à instaurer un cercle vertueux où tous les acteurs peuvent s’exprimer et prospérer. La régionalisation des disciplines sportives et la sensibilisation dans les écoles et les universités sont autant de moyens pour agir dans ce sens.
Le NMD avait préconisé de gérer les grands chantiers nationaux par des task-forces combinant une dimension sectorielle, interministérielle, mais aussi l’implication du secteur privé et de tous les acteurs concernés dans l’élaboration de la stratégie et sa mise en œuvre. Cette méthode de gouvernance, inspirée des meilleures pratiques en management, pourrait être appliquée au sport au Maroc. Cela se traduirait par la mise en place de cellules sport au sein des collectivités locales et l’activation d’un Comité National pour le Développement du Sport (CNDS), dont la mission serait de mettre en œuvre la vision nationale, en coordination avec les acteurs de terrain.
Dans ce cadre, des comités régionaux du sport (sous la tutelle du CNDS) pourraient être créés, avec pour mission de promouvoir les disciplines spécifiques à chaque région et de s’assurer que les financements sont distribués de manière équitable. Ces comités joueraient un rôle crucial dans la coordination des initiatives locales avec la stratégie nationale.
Mais toute vision, toute stratégie, tout marché ne peut réellement émerger qu’à la faveur d’un discours politique à même de favoriser l’adhésion de tous les acteurs. L’accueil par le Maroc de la coupe du Monde en 2030 est visionnaire à plus d’un égard. C’est un excellent point d’entrée qui nous permettra certainement de mettre sur place cette Vision et faire du Maroc la première Nation Africaine du Sport.
En effet, le budget annuel alloué au ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication est d'environ 3 à 4 milliards de dirhams marocains (MAD), avec un investissement total dans les infrastructures estimé entre 8 et 10 milliards de dirhams (800 millions à 1 milliard de dollars US) sur plusieurs années.
Malgré les progrès réalisés, nous pouvons et devons encore améliorer nos performances sportives, au vu du potentiel exceptionnel dont dispose notre pays. Le Nouveau Modèle de Développement mis en place par le Maroc fait du sport un vecteur d’intégration sociale des jeunes, mais aussi de rayonnement international. Pour atteindre cet objectif, il faut toutefois éviter de concevoir le sport uniquement sous l’angle de la performance. En effet, le succès des athlètes ne constitue que la partie visible de l’iceberg. Il représente le sommet auquel beaucoup aspirent, mais que très peu atteignent, souvent grâce à un entraînement acharné, un encadrement de haute qualité et des moyens conséquents.
Le sport, c’est surtout du développement. Son impact n’est plus à prouver aujourd’hui. C’est une réalité qui se mesure d'abord en termes de santé et de bien-être. Les études montrent que la pratique sportive permet de réduire de 30 à 50 % les risques de maladies chroniques (cardiovasculaires, diabète, cancer et santé mentale). L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que l'inactivité physique coûte au système de santé mondial environ 54 milliards de dollars par an en dépenses directes de santé.
Le sport, c’est aussi de l’emploi, de la croissance et de l’innovation. À l’échelle mondiale, l’industrie du sport s’élève à 500 milliards de dollars US en 2023, avec deux marchés en pleine expansion : l’Afrique et l’Asie. L'industrie sportive englobe l'ensemble des activités économiques, commerciales et organisationnelles liées au sport (événements sportifs, médias et diffusion, clubs et équipes, mais surtout équipements et matériel, et tourisme sportif).
Au Maroc, l'industrie du sport a généré un chiffre d'affaires estimé à environ 1 milliard de dollars US en 2023. Ce chiffre inclut les recettes provenant des événements sportifs, des droits de diffusion, des parrainages, des ventes de billets, et des équipements sportifs. Le secteur représente environ 0,5 à 1 % du PIB du pays, un chiffre modeste par rapport aux normes mondiales, mais en augmentation.
Le budget de l’État marocain dédié au sport n’est pas extensible à l’infini. Nos belles réalisations en football ont été possibles grâce à une vision royale, une gouvernance révisée, mais aussi à des moyens conséquents, ou du moins plus importants que ceux alloués aux autres disciplines sportives. Dès lors, la question principale est de savoir comment mener une politique nationale des sports tout en assurant son financement de manière pérenne et à long terme.
Vers la mise en place d’une politique industrielle sportive au Maroc et la création d’un marché du sport, pour le sport
Le sport au Maroc reste fortement centré sur le football, qui constitue un marché naturel au vu de l’engouement des Marocains pour ce sport. Mais cela laisse peu de place aux autres disciplines. L’État marocain ne peut à lui seul supporter cet effort. Plutôt que d’avoir une politique des sports ciblant les disciplines sportives et axée sur leurs résultats et performances, il conviendrait d’envisager les conditions pour la création d’un véritable marché du sport, qui pourrait trouver des débouchés naturels tant au Maroc que sur le continent africain. Une telle approche nous aiderait à sortir, ou du moins à rectifier, le schéma classique de gouvernance hérité de la France, où l’État joue un rôle central (avec une gouvernance chevauchant plusieurs acteurs), vers un schéma plus nord-américain, où le secteur privé constitue le principal acteur du sport, avec une régulation limitée et efficace de l’État.
En somme, il s’agit d’appliquer au sport le principe de la doctrine du NMD, qui prône la création d’un équilibre vertueux entre un État fort et une société forte (le secteur privé étant inclus dans cette dernière). Cela passe notamment par les pistes suivantes :
L’établissement d’une vision pour le Sport : Faire du Maroc la première nation sportive de l’Afrique à l’horizon 2035, par exemple. À l’instar du NMD, cette vision doit être co-construite avec les acteurs concernés, mais pas seulement. L’idée est de mener une consultation large, citoyenne, ainsi qu’auprès des écoles et des universités, afin de déterminer une liste de sports les plus prisés au Maroc (après le football). Il faut garder à l’esprit que dans ce type de consultations, ce n’est pas tant le résultat qui importe, mais davantage le processus qui permet de faire adhérer les acteurs à la vision finale adoptée.
La mise en place des conditions économiques pour attirer les investissements et favoriser l’émergence des acteurs nationaux, notamment dans le domaine des équipements sportifs. Une stratégie similaire à celle mise en place dans les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile pourrait être envisagée, permettant par exemple :
Création de Zones Spécialisées pour le Sport : Comprenant des infrastructures pour la fabrication d'équipements sportifs, la formation, et l'organisation d'événements sportifs. Ces zones pourraient être situées dans des régions stratégiques pour maximiser l'impact économique.
Clusters Sportifs : Développer des clusters sportifs où des entreprises, des centres de recherche, et des institutions éducatives se concentrent sur le développement d'une spécialisation sportive, comme les technologies sportives, la médecine du sport, ou l'équipement sportif.
Instituts de Formation Spécialisés : Créer des centres de formation pour développer des compétences spécifiques dans le domaine du sport, tels que le management sportif, le coaching, la fabrication d'équipements, et la médecine du sport.
Partenariats avec les Universités : Collaborer avec les universités pour développer des programmes académiques et de recherche dans le domaine du sport, intégrant des disciplines comme la gestion sportive, la technologie sportive, et la physiologie du sport.
Exonérations Fiscales : Offrir des incitations fiscales aux entreprises investissant dans le secteur sportif, y compris celles impliquées dans la fabrication d'équipements, l'organisation d'événements, et les services sportifs.
Encouragement de la Fabrication Locale : Promouvoir la production locale d'équipements sportifs, de vêtements, et de technologies liées au sport. Cela pourrait inclure la création de marques marocaines et le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) dans ce domaine.
Poursuite des efforts pour l’accueil de Compétitions Majeures : Positionner le Maroc comme une destination pour des événements sportifs internationaux, tels que des championnats du monde, des tournois régionaux, ou des conférences sportives. Ces événements stimuleraient non seulement l'économie, mais renforceraient aussi l'image du Maroc en tant que hub sportif.
Vers une rénovation du mode de gouvernance et la conduite du changement
Le passage d’une logique de performance à une logique de marché peut rencontrer des résistances, notamment de la part des structures sportives habituées à une gestion centralisée par l'État. De plus, une logique de marché pourrait exacerber les inégalités entre les sports populaires et ceux moins médiatisés.
C’est là que la doctrine du NMD trouve toute sa cohérence. L’État doit créer les conditions d’émergence du secteur privé tout en veillant à sa régulation, de manière à instaurer un cercle vertueux où tous les acteurs peuvent s’exprimer et prospérer. La régionalisation des disciplines sportives et la sensibilisation dans les écoles et les universités sont autant de moyens pour agir dans ce sens.
Le NMD avait préconisé de gérer les grands chantiers nationaux par des task-forces combinant une dimension sectorielle, interministérielle, mais aussi l’implication du secteur privé et de tous les acteurs concernés dans l’élaboration de la stratégie et sa mise en œuvre. Cette méthode de gouvernance, inspirée des meilleures pratiques en management, pourrait être appliquée au sport au Maroc. Cela se traduirait par la mise en place de cellules sport au sein des collectivités locales et l’activation d’un Comité National pour le Développement du Sport (CNDS), dont la mission serait de mettre en œuvre la vision nationale, en coordination avec les acteurs de terrain.
Dans ce cadre, des comités régionaux du sport (sous la tutelle du CNDS) pourraient être créés, avec pour mission de promouvoir les disciplines spécifiques à chaque région et de s’assurer que les financements sont distribués de manière équitable. Ces comités joueraient un rôle crucial dans la coordination des initiatives locales avec la stratégie nationale.
Mais toute vision, toute stratégie, tout marché ne peut réellement émerger qu’à la faveur d’un discours politique à même de favoriser l’adhésion de tous les acteurs. L’accueil par le Maroc de la coupe du Monde en 2030 est visionnaire à plus d’un égard. C’est un excellent point d’entrée qui nous permettra certainement de mettre sur place cette Vision et faire du Maroc la première Nation Africaine du Sport.
El Mahdi Gaouane
Mehdi Gaouane auteur d'une thèse Paris Dauphine sur la Commission spéciale sur le modèle de developement "défis quête de consensus et continuité de l Etat"