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Qui fait tourner l’économie marocaine ? Peut-être pas ceux qu’on croit…

Informel, femmes et productivité : les trois angles morts de la croissance.


Rédigé par La Rédaction le Vendredi 25 Avril 2025

Avec 83 % d’entreprises informelles, le Maroc défie les modèles classiques de croissance. Analyse d’un paradoxe économique au cœur du réel.



Le Maroc face à un paradoxe : les entreprises invisibles sont celles qui font vivre l’économie.

Il y a des chiffres qui ne passent pas inaperçus. Celui-là, par exemple : 83 % des entreprises marocaines seraient informelles. Pas une coquille. Pas un abus de langage. Une réalité, documentée dans le dernier rapport de la Banque mondiale. Et cette réalité, aussi dérangeante qu’elle soit, invite à revoir sérieusement nos modèles économiques et nos dogmes sur ce qui crée de la richesse et de l'emploi.

La Banque mondiale, dans son étude « Changer de vitesse : le secteur privé, moteur de la croissance », tire la sonnette d’alarme sur la stagnation économique dans la région MENA. Une croissance à peine frémissante, estimée à 1,9 % pour 2024, et un léger sursaut en 2025 à 2,6 %. Rien de folichon. Mais derrière ces chiffres modestes se cache un mal bien plus profond : l’inefficacité chronique du secteur privé formel.

​Le paradoxe marocain : quand produire plus n’améliore pas la productivité

Au Maroc, les entreprises formelles ne brillent ni par leur capacité d’innovation, ni par leur productivité. Le chiffre qui fait grincer des dents : -1,2 % de croissance des ventes par travailleur, soit une baisse nette, même si elle reste moins dramatique que le -15 % enregistré en Égypte. En clair : les travailleurs marocains produisent moins de valeur qu’avant, malgré la stabilité démographique ou les investissements théoriques.

La Banque mondiale identifie un double verrou : un tissu productif à faible valeur ajoutée, et une sous-utilisation massive du capital humain, notamment féminin. Les femmes sont largement absentes de l’équation économique, alors que leur insertion représenterait, à elle seule, une hausse potentielle de 50 % du revenu par habitant dans une économie MENA type.

​Un secteur informel omniprésent mais invisible

Ce qui dérange encore plus, c’est que le secteur informel — souvent perçu comme un problème — est en fait devenu le principal moteur d’emploi dans le pays. Avec 40 à 80 % des postes de travail, il est impossible de continuer à l’ignorer ou à le criminaliser. D’autant plus que ces structures, bien qu’invisibles sur le radar fiscal, répondent à des logiques économiques cohérentes, face à la rigidité du formel.

Mais voilà : les données sur l’informel sont quasi inexistantes, ce qui empêche toute stratégie sérieuse d’intégration ou de valorisation. C’est comme essayer de piloter un avion dans le brouillard, sans radar.

​Le secteur privé marocain, ce faux ami de la croissance

Le tableau dressé par la Banque mondiale est sans appel : peu d’investissements dans le capital physique, peu de formation, très faible taux d’innovation. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : seuls 21,7 % des entreprises MENA investissent réellement, et moins de 15 % proposent des formations structurées. Un désintérêt généralisé pour l’innovation, la R&D, et l’élévation des compétences.

Roberta Gatti, économiste en chef pour la région, est claire : « Un secteur privé performant est essentiel à une croissance durable ». Oui, mais pas un secteur privé réservé à une minorité de grandes entreprises surprotégées. Il faut ouvrir les marchés, casser les rentes, fluidifier les règles, et surtout, reconnaître enfin le rôle structurant de l’informel dans l’économie réelle.

​Et si, finalement, c’était l’informel qui maintient debout l’économie marocaine ?

N’est-ce pas là un pied de nez aux modèles importés de croissance ? À force de vouloir formaliser à tout prix, ne risque-t-on pas d’étouffer une énergie économique vivace et organique ? La vraie question serait peut-être : comment tirer le meilleur de l’informel sans le tuer ?

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Vendredi 25 Avril 2025

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