Par Aziz Boucetta
Il est toujours difficile de se sentir cerné par des gens qui ne vous veulent pas forcément du bien. Et le sentiment est d’autant plus exacerbé quand il s’agit d’un pays, le nôtre en l’occurrence. Ce qui se produit actuellement avec l’Espagne devient préoccupant, voire inquiétant. Quelque chose a mal tourné, ici ou chez le voisin du nord…
Le 10 décembre 2020 est un tournant. Ce jour-là, suite à des années de négociations et de marchandages, de tractations et de calculs politiques de toutes natures, les Etats-Unis de Donald Trump avaient reconnu la souveraineté marocaine sur l’ensemble de son territoire. Deux événements se sont greffés à cet épisode, l’un visible, et c’est la reprise des relations entre le Maroc et Israël, et l’autre imperceptible… Il s’agit du profond rejet de cette décision par notre voisinage immédiat.
Si, pour les Algériens, les choses sont naturelles car naturellement hostiles, avec les Espagnols, il en va différemment. Un temps divisée autour de la colère du Maroc suite à l’hospitalisation de Brahim Ghali, la classe politique espagnole s’est finalement réunifiée et, mobilisée, elle a su fédérer le parlement européen contre le Maroc. On peut crier victoire autant que l’on veut, cela relève de Coué plus que d’une politique cohérente et rationnelle.
Le Maroc ne nous a pas habitués à cette rugosité diplomatique. Bien au contraire, le comportement « oulad nass » est ce qui nous a toujours caractérisés. Nous nous en éloignons… et nous ne nous reconnaissons plus. En 2002, et au plus fort de la crise de l’îlot Laila, quand l’Espagne de Jose Maria Aznar nous avait attaqués avec son armada en formation, le Maroc avait su raison garder, lançant plus tard sa politique de Tanger Med, dont on a pu voir les résultats plus que positifs.
Certes, comme le dit Nasser Bourita, le Maroc d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier, mais le Maroc d’aujourd’hui n’est pas non plus celui de demain, et beaucoup de choses restent à faire. Le ministre des Affaires étrangères devrait ravaler sa hargne et rengainer ses armes, agir comme un homme d’Etat et non comme un homme dans tous ses états.
Alors que les Américains soufflent le chaud et le froid, nous restons dans le show. Alors que l’Espagne et l’Union européenne font globalement cause commune contre nous, nous restons dans l’invective. Et le « nous » signifie la diplomatie nationale. Les actes sont-ils bien calculés ? Les conséquences ont-elles été bien mesurées ? Connaissons-nous vraiment le jeu des Américains ? Où en sommes-nous avec la Chine et la Russie, avec l’Afrique et le monde arabe ? Quel est le rôle des Français ?
Une grande bascule géopolitique se produit à nos portes. La France se retire du Sahel, ou du moins y réduit sa présence, les Américains ont l’intention affichée de venir en Afrique, mais à leurs conditions, les Anglais aussi, après avoir claqué la porte de l’Europe, les Algériens se rapprochent des Espagnols, lesquels se dissimulent derrière l’UE et aussi l’OTAN, dont ils reçoivent le sommet en 2022.
Notre diplomatie s’insère dans ce jeu mondial et régional, mais sans un mot d’explication. Alors elle devrait savoir ceci : aucune nation ne sera jamais respectée par les autres tant qu’elle n’accorde aucune importance à son opinion intérieure (à moins d’être une grande puissance militaire, à l’autocratie assumée, comme la Russie ou la Chine, et ce que le Maroc n’est pas). Bouder l’Allemagne et botter l’Espagne est sûrement une bonne chose pour notre ego, pour notre aura internationale et, oui, nous avons parfaitement les moyens de le faire car nous avons des leviers de puissance et de négociation.
Mais ouvrir plusieurs fronts, simultanément, sans expliquer, en attaquant sans cesse, en usant de mots parfois inappropriés, en ignorant superbement l’opinion intérieure, en arguant bruyamment du soutien d’obscurs inconnus européens ou de parlements aussi éloignés qu’insignifiants est une erreur… Contourner l’Epagne pour l’opération Marhaba n’est pas l’idée du siècle, et voilà qui mènera notre diplomatie à une possible défaite d’image, peut-être plus.
On peut comprendre qu’un pays se défende et protège ses intérêts. Mais dès lors qu’il devient inutilement agressif, même s’il dispose de bien des atouts, il doit s‘attendre à une très forte réplique. En avons-nous les moyens ? Chacun répondra à sa manière.
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