Quand les éléphants se battent, ce sont les fourmis qui meurent …


Le monde se souviendra très certainement de ces années 20 du 21ème siècle… Alors que les pays peinaient encore à s’extirper de la grande crise de 2008 et qu’ils reprenaient des couleurs, un virus venu de la lointaine Chine s’est invité dans nos poumons, les asphyxiant en même temps que nos économies.



Par Aziz Boucetta

Le monde se souviendra très certainement de ces années 20 du 21ème siècle… Alors que les pays peinaient encore à s’extirper de la grande crise de 2008 et qu’ils reprenaient des couleurs, un virus venu de la lointaine Chine s’est invité dans nos poumons, les asphyxiant en même temps que nos économies. Deux ans après, on semble enfin s’en débarrasser et chaque Etat pense à la reprise, mais c’est à ce moment précis que le monde plonge dans une crise tout aussi grave, mais politique et militaire cette fois.

Le président russe Vladimir Poutine a bien lu Clausewitz et, se sentant incompris et surtout bousculé, il décide de continuer la politique par d’autres moyens… les avions et les chars, les bombardements et la cyberguerre. Et comme d’habitude, on sait quand et comment cela commence, et comme toujours, on ignore comment et quand cela finit.

Le monde entre dans une sinistre période de turbulences, militaires, économiques, financières, technologiques. La batterie de mesures prises à l’encontre de la Russie est impressionnante. Le monde occidental a décidé d’enferrer Vladimir Poutine en enfermant son pays : Blocage des transactions financières, blocage des échanges économiques, blocage des liaisons aériennes, blocage de la coopération technologique… avec de sérieux risques de dérapage global.

Pour l’instant, on ne connaît pas encore l’étendue des dégâts, pas plus qu’on ne sait quand les Russes, acculés, prendront des mesures de rétorsion, car ils en ont, eux aussi, les moyens. M. Poutine menace l’Occident (Etats-Unis et Europe) « de conséquences comme il n’en a jamais vu dans son histoire ». A donner froid dans le dos et même dans le reste quand on sait qu’il combine déjà désinformation, cyberguerre et menace nucléaire.

Qu’est-ce que « le monde n’a jamais connu » ? Une conflagration nucléaire et/ou une brutale rupture des approvisionnements énergétiques, dont l’Europe est très dépendante. Paris, Londres, Washington peuvent camper sur le déni et dans le défi, mais l’activation de la seconde mesure plongerait les économies européennes dans le chaos, avec tous les risques que cela engendrerait pour la paix mondiale, et avec l’Allemagne qui a d’autres enjeux avec la Russie, c’est l’UE qui menace d’imploser à terme.

La guerre spatiale (Moscou ayant apporté la preuve de sa maîtrise des destructions de satellites) et la capacité russe à couper une part considérable des câbles sous-marins est un autre enjeu majeur de cette guerre, classique dans sa première phase, inédite et effrayante dans la suite. Les équilibres géopolitiques et surtout géoéconomiques en seront durablement et profondément bouleversés. Un scénario dantesque de conflit entre géants…

Or, ne dit-on pas que quand les éléphants se battent, ce sont les fourmis qui meurent ? Et qui sont les fourmis ? Et bien, nous autres, pays du Sud, essentiellement africains, si dépendants (encore) d’une Europe qui entre dans une extraordinaire phase de turbulences où les intérêts nationaux et communautaires primeront, au détriment de leurs alliés/partenaires d’Afrique.

Comment un pays comme le Maroc pourra-t-il donc se prémunir, durablement, contre ce nouvel ordre mondial en germe ? Comment assurera-t-il ses approvisionnements énergétiques déjà malmenés par la flambée des prix et menaçant de se compliquer par une sérieuse crise de l’offre, sachant que les pays producteurs du Golfe seront soumis à de fortes tensions des demandes européennes ? Comment compensera-t-il les effets de la sécheresse cette année en se procurant ses céréales, alors même que ses fournisseurs russe et ukrainien sont en guerre et en crise ?

Dans ce combat de titans qui se profile à l’horizon (proche), ce ne sont pas les propos lénifiants du porte-parole du gouvernement Mustapha Baitas qui rassureront les esprits et assureront des solutions… « Il y aura un impact sur les prix, mais cela n'affectera pas l'offre de notre marché. Le gouvernement supportera le coût de cette facture », a-t-il dit. Mais au vu de l’ampleur de ce qui s’annonce, l’Etat aura-t-il les moyens de sa confiance, sachant qu’il est déjà confronté à la perspective de dépenses considérables pour relancer la machine économique post-covid ?

Le secteur touristique, déjà sévèrement malmené par la crise sanitaire, devra faire face à une chute des arrivées et l’industrie pâtira immanquablement du renchérissement des chaînes d’approvisionnement et des coûts à l’export. Entre autres secteurs qui devront s’attendre à des lendemains qui pleurent…

Personne ne souhaite une déflagration militaire mondiale, mais tout le monde devra d’ores et déjà s’attendre à une guerre mondiale économique avec un bouleversement de tous les paramètres. Le Maroc a su montrer ses capacités à l’anticipation, mais peut-on véritablement anticiper ce qui promet d’être inédit ?

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panora Post


Mercredi 2 Mars 2022

Dans la même rubrique :