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Des traitements reconnus, mais toujours pas reconnus… par la CNSS
Dans le jargon médical, tout commence par une AMM, une autorisation de mise sur le marché. Si cette AMM ne cite pas explicitement "cancer de l’estomac", alors même si le médicament est reconnu efficace par la communauté scientifique internationale, il est écarté par la CNSS.
Le cas est typique avec l’oxaliplatine et l’irinotecan. Deux anciens de la chimiothérapie, à l’origine conçus pour le cancer colorectal, qui se révèlent également efficaces dans le traitement du cancer gastrique. Pourtant, leur AMM n’a jamais été actualisée. Pourquoi ? Parce qu’entre-temps, leurs brevets sont tombés dans le domaine public, et les laboratoires n’ont plus aucun intérêt financier à faire évoluer la paperasse. Résultat : des traitements valables, mais toujours “hors cadre” administratif.
Des patients à découvert, dans tous les sens du terme
Le problème ne serait qu’administratif s’il ne se traduisait pas directement dans la vie des malades. Car si la CNSS (aujourd’hui fusionnée avec la CNOPS) reste sourde aux arguments médicaux tant qu’ils ne sont pas couchés noir sur blanc dans l’AMM, les malades, eux, n’ont pas d’autre choix que de sortir leur portefeuille. Et parfois pour des sommes exorbitantes.
Le Dr Mounir Bachouchi, oncologue reconnu, le confirme : « Ce sont des traitements de référence. Mais tant qu’ils ne sont pas listés comme tels dans les documents, la CNSS les ignore. » Une absurdité quand on sait que d’autres organismes, comme la CNOPS à l’époque ou les assurances privées, se montrent bien plus souples, prenant en compte l’avis des spécialistes et l’évolution des recommandations scientifiques.
Fusion CNSS-CNOPS : vers un statu quo… ou un tournant ?
Des solutions existent pourtant. La mise en place d’un comité mixte réunissant oncologues, représentants des caisses et laboratoires pharmaceutiques pourrait accélérer les choses. De même qu’une procédure simplifiée de mise à jour des AMM génériques sur la base des dernières données scientifiques internationales.
Mais ces évolutions nécessitent une volonté politique, administrative et éthique. Car derrière chaque ligne de remboursement, il y a des vies suspendues, des familles prises à la gorge, des patients contraints de choisir entre leurs traitements et leur quotidien.
Par Dr Anwar CHERKAOUI