Pour une police des mœurs… routières !!


Il est toujours un temps où il faut se rendre à l’évidence… Malgré la loi, la foi et les bonnes intentions contre les mauvaises pulsions, les chauffards pullulent dans nos villes et nos campagnes et les probabilités de mourir sur une route continuent d’être élevées. La mort est une fatalité certes, mais elle n’est pas obligée d’être idiote, et surtout prématurée. D’autres actions pourraient être entreprises, en plus de celles qui le sont déjà.



Par Aziz Boucetta

La sécurité routière au Maroc s’est organisée, faisant évoluer le poussiéreux Comité national pour la prévention des accidents de la circulation, le CNPAC, en une agence de sécurité routière, NARSA, plus sobre, plus déterminée, plus professionnelle. De pleines batteries de mesures sont prises, mais n’auront pas vraiment prise sur les criminels du volant ou les imbéciles du guidon.

Est-il besoin de rappeler les chiffres ? Oui. En 2019, plus de 100.000 accidents corporels, 3.600 tués, plus de 10.000 handicapés physiques ou psychiques. En 2020, année Covid avec confinement et restrictions de déplacements, 2.700 tués ! De 2011 à 2020, 37.000 tués et 100.000 handicapés permanents.

Il est temps de prendre des mesures d’accompagnement pour les mesures légales, car il manque un maillon au dispositif de Narsa, et ce maillon est la justice ! Les juges n’ont pas compris, ou n’admettent pas encore qu’un inconscient au volant d’une voiture, d’un camion, d’une moto, est potentiellement aussi dangereux qu’un criminel « classique », et bien plus dangereux qu’un voleur de téléphones récidiviste.

Mais en 2018, un jeune homme qui avait mortellement heurté une nonagénaire avant de prendre la fuite avait été condamné à quelques mois de prison avec sursis, ce qui avait conduit le fils de la victime à parler de « hogra ». Passons sur les fils et filles de…

Il est temps de reconnaître que la loi, dans ce pays, est peu ou pas respectée, que le sport national en matière routière est de grandement ignorer le code de la route et le civisme qui va avec, sauf en cas de présence de la maréchaussée, police ou gendarmerie. Les chauffeurs de taxis persistent à rouler dans une logique de non-droit, brûlant les feux rouges, prohibant la ceinture de sécurité, roulant souvent dans des épaves qui représentent un danger pour la circulation… Un nombre considérable de jeunes, en principe biberonnés à la loi et au droit, s’amusent comme des écervelés qu’ils sont avec leurs drifts autour des ronds-points, jouant aux trompe-la-mort, et souvent ne la trompant pas !

Sur les autoroutes, ce n’est pas mieux… Les puissantes cylindrées rivalisent de puissance et de vitesse, doublant n’importe où, n’importe comment, n’importe quand, et les voies d’arrêt d’urgence servent à dépasser quand il y a encombrement suite à un accident, empêchant ce faisant les gendarmes et, plus grave, les ambulances, à atteindre rapidement les lieux d’un sinistre.

Il semblerait qu’en plus de la digitalisation effrénée du secteur de la conduite, du durcissement des lois à l’encontre des mauvais conducteurs, et d’une meilleure tenue des agents de police ou de gendarmerie, d’autres mesures doivent encore être prises. La plus importante de ces mesures, comme pour tout autre secteur, est l’éducation.

Il y a bien des campagnes de sensibilisation menées par la police dans des établissements scolaires, et c’est très bien fait, mais cela reste des opérations ponctuelles. Il est important de penser à une régularité de cette sensibilisation, qui passerait par une heure ou deux par semaine de cours dédiés à la sécurité routière et au civisme sur les routes. L’objectif est que « les enfants éduquent leurs parents ».

En plus de la sensibilisation des plus jeunes, la coercition des moins jeunes devient indispensable.  Une loi plus sévère encore que celle qui existe déjà est plus que nécessaire, et un service de police devrait être exclusivement consacré à ce fléau, avec des moyens, humains et matériels.

Aujourd’hui, les équipements installés sur nos routes, caméras et radars (très) intelligents ne suffisent plus. Ils agissent quand une infraction est enregistrée, alors même que la meilleure action est dans la prévention : verbaliser les gens à la conduite dangereuse, en les privant pour longtemps de leur véhicule, ou de leur permis de conduire, ou des deux, sermonner ceux qui prennent des libertés avec le civisme (stationnement en double voire triple file, klaxonnement intempestif, roulage sur les bandes d’arrêt d’urgence, nonchalance dans la conduite, en s’alimentant par exemple, non-respect des passages protégés pour piétons, ou par les piétons…).

La sécurité routière est une activité à plein temps, surtout lorsque nous avons une population aussi indisciplinée, aussi incivique, que nous déplorons tant de morts et d’handicapés sévères dus aux accidents de la circulation, que ces sinistres coûtent 2% du PIB… L’agence NARSA fait certes son travail, mais nous en voyons le résultat ! Elle doit être secondée par un service dédié, avec des agents bien rémunérés et eux-mêmes contrôlés, non pour leur nonchalance supposée, mais contre leur complaisance probable. Une véritable police des mœurs routières, avec une justice spéciale (oui, spéciale !) qui sévit durement

Autrement, tous les plans, programmes, études et restrictions ne nous éviteront pas nos 3.500 morts annuels (10 par jour !) et nos 10.000 handicapés permanents (27 par jour !). A nos dirigeants de décider…

Rédigé par Aziz Boucetta sur PanoraPost


Mardi 31 Mai 2022

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