Par Ikbal Sayah Economiste, expert en développement.
La multiplication des tentatives d’émigration clandestine de jeunes Marocains vers l’Europe qui ont marqué l’actualité l’été dernier a mis en lumière l’importance du phénomène des NEET, ces jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi et ni en formation. Ils sont en effet 1,5 million de jeunes âgés de 15 à 24 ans qui font partie de cette catégorie de la population.
Ces chiffres traduisent l’enjeu crucial que signifie l’insertion des jeunes sur le marché du travail. Celle-ci est encore faible dans notre pays, avec un taux d’emploi des 15-24 ans de seulement 14,5%. Le reste des jeunes Marocains, dont une partie participe encore aux études, se situe alors en dehors du marché du travail. Aussi, lorsqu’ils sont actifs, les jeunes Marocains se retrouvent au chômage pour 35,8% d’entre eux. De plus, le taux de chômage des jeunes est, au Maroc, particulièrement sensible à la conjoncture économique. Dès lors, si la dynamique de transition entre les études et la vie active est cassée, réintégrer ces jeunes sur le marché du travail peut s’avérer très difficile.
Au final, 25,2% des jeunes de 15-24 ans sont des NEET au Maroc. De plus, la part des NEET varie fortement avec l’âge. Selon le rapport sur le développement humain de l’ONDH, cette part s’est établie à 41,3% en 2019 lorsque l’on considère l’ensemble des jeunes dont l’âge varie entre 15 et 29 ans. C’est dire l’ampleur des répercussions du chômage subi dès le début de la vie active d’abord sur la carrière des individus, puis notre système de solidarité entre les générations et enfin l’équilibre de notre corps social tout entier.
Ces NEET constituent à l’évidence un coût et un manque à gagner considérable pour l’économie marocaine. Ils impliquent des coûts directs pour les finances publiques et un manque à gagner pour la croissance tout à fait majeur. Car les NEET sont avant tout des jeunes qui pourraient contribuer au développement de l’activité économique, en y apportant une main-d’œuvre considérable et une approche nouvelle. Cette aubaine démographique que constituerait l’inclusion des NEET sur le marché du travail devrait être prise avec précaution, notamment du fait de l’hétérogénéité des NEET.
Ces derniers recouvrent effectivement des situations diverses. Les NEET ont tous en commun de ne pas avoir d’emploi, mais leur comportement vis-à-vis du marché du travail peut être différent. 27,6% des NEET sont au chômage. Le reste des NEET sont inactifs et au moment où certains ne manifestent pas d'intérêt particulier pour le travail pour diverses raisons (enfants, problèmes de santé, etc.), d’autres désirent travailler sans pour autant répondre aux critères de disponibilité et de recherche d’emploi leur permettant d’être considérés comme chômeurs, et se retrouvent à la frontière de l’inactivité et du chômage.
Concrètement, parmi les 1,5 million de NEET, on peut distinguer les jeunes chômeurs, y compris ceux nouvellement diplômés, les jeunes en transition à la recherche d’un emploi idéal, les jeunes qui se consacrent temporairement à d’autres activités, des jeunes malades ou handicapés, des jeunes femmes ayant des responsabilités familiales et des jeunes marginalisés ou délinquants. Ces différents profils vont en partie à l’encontre des préjugés selon lesquels les NEET seraient des jeunes sans motivation et dépourvus de compétences. Une partie des NEET est en fait des jeunes mus par une motivation, mais pas forcément celle d’intégrer directement le marché du travail. Certains ont préféré développer des projets personnels.
D’autres restent à l’affût de nouvelles opportunités ou choisissent de consacrer leur temps à leurs passions. En revanche, beaucoup d’entre eux, tant parmi les ruraux que les citadins, sont découragés et ne sont plus motivés pour rechercher un emploi. Ils sont exposés à des déviances diverses et à la tentation de quitter le pays. Leur intégration économique demanderait alors plus de temps et un accompagnement vigilant, conduit au niveau territorial.
Enfin, le niveau d’éducation constitue un facteur déterminant de la situation des NEET : d’après une étude du HCP, les jeunes qui n’ont pas achevé leur cursus scolaire encourent un risque nettement plus élevé d’être NEET. Ce risque est 15 fois plus élevé pour ceux dont le niveau d’éducation n’excède pas le primaire par rapport à ceux ayant un niveau d’études supérieur.
Pour autant, comme l’illustrent les chiffres du chômage des jeunes diplômés, l’allongement des études n’est pas toujours la garantie d’accéder à un emploi stable. De ce fait, le développement des compétences, au-delà du diplôme, apparaît fondamental pour permettre l’insertion des jeunes sur le marché du travail et résoudre en partie le phénomène des NEET. L’employabilité, reliant formation, compétences et soft skills devient alors un enjeu stratégique pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes éloignés du marché du travail. Les transformations induites par la transition énergétique, la révolution numérique et l’économie du care sont autant de perspectives d’insertion professionnelle pour les jeunes, à condition de les former de manière adéquate.
Or, à ce sujet, le système éducatif marocain accuse un fort déterminisme social fort : l’origine sociale des enfants pèse lourdement sur leur devenir scolaire et l’emprise sociale du diplôme est suffisamment marquée pour laisser le champ à d’autres voies pour une insertion réussie des jeunes issues des classes populaires.
En effet, les NEET sont le plus souvent issus des ménages les moins aisés. Ce sont le plus souvent des décrocheurs scolaires qui quittent le système éducatif sans qualification. Ils sont particulièrement vulnérables et leurs familles ne peuvent les épauler pour surmonter leurs difficultés.
Aussi, au regard de ces éléments, ce phénomène des NEET ne pourra être résorber qu’à long terme, au fur et à mesure de la réduction des déterminismes sociaux qui discriminent l’accès à la qualification des jeunes issus des classes populaires.
On l’a vu, l’inclusion des NEET est mal assurée, surtout pour les moins formés d’entre eux lorsqu’ils sont dépourvus de soutiens familiaux. Pourtant, dans notre pays, les dispositifs en faveur des jeunes en situation difficile sont nombreux, mais sont sous-dimensionnés et relèvent plus de l’empilement, sans réelle coordination et cohérence. Ils en deviennent alors inefficaces.
Par ailleurs, ces dispositifs ont tendance à cibler les jeunes en fonction de critères d’âge et de statut, ce qui peut être source de discontinuité au sein de leur parcours. Or chaque rupture constitue un risque de fragilisation et de précarisation pour ces jeunes. En fait, leur parcours vers l’autonomie n’est plus linéaire. Certains jeunes seront autonomes très tôt, et d’autres bien plus tard, en fonction de leurs situations personnelles.
Dans ces conditions, il est impératif que les politiques publiques se mettent en capacité de s’adapter à cette réalité, tant au niveau national qu’au niveau local, pour replacer les jeunes au cœur de l’action publique qui leur est destinée. Les ruptures étant désormais admises, il convient de sécuriser ces parcours pour éviter que les jeunes ne soient durablement confrontés à un nœud de difficultés, sans accompagnement aucun. Une politique publique de jeunesse, impliquant une approche plus transversale, non seulement préventive mais aussi, corrective et réparatrice, doit être pensée.
De ce point de vue, l’obligation de former jusqu’à l’âge de 18 ans constituera un grand progrès, une sorte de deuxième chance, afin qu’aucun mineur ne soit laissé dans une situation où il ne serait ni en études, ni en formation, ni en emploi. Cette obligation de formation (et non de scolarisation) permet de repérer et d’amener vers un parcours d’accompagnement les jeunes en risque d’exclusion en leur offrant la possibilité de concrétiser un projet d’insertion professionnelle et sociale, en s’appuyant sur un réseau d’acteurs relevant de l’accompagnement social, de l’éducation, de la formation, du monde de l’entreprise, du sport, de la culture ou de l’art. Ce parcours va permettre aux jeunes de découvrir des métiers et des opportunités dans leur région ou ailleurs, développer leur estime de soi, construire un projet de vie et un projet professionnel et valider leurs compétences et expériences.
A l’issue du parcours, ceux qui n’ont pas pu eu l’opportunité d’accéder à l’emploi, à une formation qualifiante ou à des dispositifs d’apprentissage pourront alors disposer d’une garantie jeunes leur proposant un accompagnement individuel et intensif, dans un cadre exigeant. Le jeune touchera une allocation qui, en plus de lui faciliter son parcours d’insertion au quotidien (mobilité, logement, vie sociale, etc.), va l’inciter à se faire connaître auprès des services de l’ANAPEC.
Il faudra néanmoins prévoir l’évaluation de l’efficacité de cette garantie jeunes et donc de veiller à la performance des acteurs qui les mettent en œuvre. Cette garantie jeunes pourrait également être étendu aux activités associatives, pas forcément rémunérées mais contraignantes. S’impliquer dans des associations peut en effet permettre une expérience plus proche de celle du travail au sens classique du terme, et ainsi aider les jeunes en difficultés, d’acquérir les clés et l’expérience pour intégrer le marché du travail par la suite.
En définitive, notre jeunesse fait face à une crise structurelle et les difficultés qui affectent leur devenir social sont bien une réalité qu’il ne s’agit pas de nier. Un discours de vérité est inévitable. En temps de crise, la vérité est source de confiance, et la confiance de cohésion et d’action. Pour instaurer des marges de manœuvre, créer de la richesse (à travers l’enclenchement d’un cercle macroéconomique vertueux) et instruire sont les deux piliers incontournables. Créer de la richesse est indispensable pour retenir nos jeunes et en faire un capital pour construire le Maroc de demain. Les instruire et les former permettra à notre économie de progresser sur les chaines de valeur et à nos jeunes de disposer de revenus plus élevés.
Pour autant, la vérité et la méthode ne constitue pas à elles seules un espoir. Il faut donner à nos jeunes une perspective, un espoir, une sortie par le haut. Notre pays a de la ressource, est une vieille nation, ancrée dans l’histoire, le patrimoine, les valeurs. Notre pays reçoit de plus en plus de visiteurs, venant des quatre coins de la planète. Le cycle de la mondialisation n’est pas terminé et nous envoie un défi que nous devons relever en libérant toutes les énergies, notamment celle de la jeunesse.
Cette jeunesse n’est pas simplement exclue. Elle est fracturée, traversée par des inégalités, ce qui frustre les plus fragiles d’entre eux. Par conséquent, la réduction des inégalités entre jeunes est urgente. Elle requiert des politiques ciblées pour traiter les injustices les plus criantes, mais aussi des réformes de notre système éducatif et social, qui constitue la clé de voûte de toute intervention publique adressée aux jeunes.
L’acteur public a une importante responsabilité. Mais il ne répondra pas aux enjeux des inégalités sans une mobilisation de l’ensemble du corps social, la société civile, le secteur privé, les collectivités, les organisations socio-professionnelles …, et les jeunes eux-mêmes, dans le cadre d’un dialogue institutionnel.
Ikbal Sayah
Economiste, expert en développement.
Ces chiffres traduisent l’enjeu crucial que signifie l’insertion des jeunes sur le marché du travail. Celle-ci est encore faible dans notre pays, avec un taux d’emploi des 15-24 ans de seulement 14,5%. Le reste des jeunes Marocains, dont une partie participe encore aux études, se situe alors en dehors du marché du travail. Aussi, lorsqu’ils sont actifs, les jeunes Marocains se retrouvent au chômage pour 35,8% d’entre eux. De plus, le taux de chômage des jeunes est, au Maroc, particulièrement sensible à la conjoncture économique. Dès lors, si la dynamique de transition entre les études et la vie active est cassée, réintégrer ces jeunes sur le marché du travail peut s’avérer très difficile.
Au final, 25,2% des jeunes de 15-24 ans sont des NEET au Maroc. De plus, la part des NEET varie fortement avec l’âge. Selon le rapport sur le développement humain de l’ONDH, cette part s’est établie à 41,3% en 2019 lorsque l’on considère l’ensemble des jeunes dont l’âge varie entre 15 et 29 ans. C’est dire l’ampleur des répercussions du chômage subi dès le début de la vie active d’abord sur la carrière des individus, puis notre système de solidarité entre les générations et enfin l’équilibre de notre corps social tout entier.
Ces NEET constituent à l’évidence un coût et un manque à gagner considérable pour l’économie marocaine. Ils impliquent des coûts directs pour les finances publiques et un manque à gagner pour la croissance tout à fait majeur. Car les NEET sont avant tout des jeunes qui pourraient contribuer au développement de l’activité économique, en y apportant une main-d’œuvre considérable et une approche nouvelle. Cette aubaine démographique que constituerait l’inclusion des NEET sur le marché du travail devrait être prise avec précaution, notamment du fait de l’hétérogénéité des NEET.
Ces derniers recouvrent effectivement des situations diverses. Les NEET ont tous en commun de ne pas avoir d’emploi, mais leur comportement vis-à-vis du marché du travail peut être différent. 27,6% des NEET sont au chômage. Le reste des NEET sont inactifs et au moment où certains ne manifestent pas d'intérêt particulier pour le travail pour diverses raisons (enfants, problèmes de santé, etc.), d’autres désirent travailler sans pour autant répondre aux critères de disponibilité et de recherche d’emploi leur permettant d’être considérés comme chômeurs, et se retrouvent à la frontière de l’inactivité et du chômage.
Concrètement, parmi les 1,5 million de NEET, on peut distinguer les jeunes chômeurs, y compris ceux nouvellement diplômés, les jeunes en transition à la recherche d’un emploi idéal, les jeunes qui se consacrent temporairement à d’autres activités, des jeunes malades ou handicapés, des jeunes femmes ayant des responsabilités familiales et des jeunes marginalisés ou délinquants. Ces différents profils vont en partie à l’encontre des préjugés selon lesquels les NEET seraient des jeunes sans motivation et dépourvus de compétences. Une partie des NEET est en fait des jeunes mus par une motivation, mais pas forcément celle d’intégrer directement le marché du travail. Certains ont préféré développer des projets personnels.
D’autres restent à l’affût de nouvelles opportunités ou choisissent de consacrer leur temps à leurs passions. En revanche, beaucoup d’entre eux, tant parmi les ruraux que les citadins, sont découragés et ne sont plus motivés pour rechercher un emploi. Ils sont exposés à des déviances diverses et à la tentation de quitter le pays. Leur intégration économique demanderait alors plus de temps et un accompagnement vigilant, conduit au niveau territorial.
Enfin, le niveau d’éducation constitue un facteur déterminant de la situation des NEET : d’après une étude du HCP, les jeunes qui n’ont pas achevé leur cursus scolaire encourent un risque nettement plus élevé d’être NEET. Ce risque est 15 fois plus élevé pour ceux dont le niveau d’éducation n’excède pas le primaire par rapport à ceux ayant un niveau d’études supérieur.
Pour autant, comme l’illustrent les chiffres du chômage des jeunes diplômés, l’allongement des études n’est pas toujours la garantie d’accéder à un emploi stable. De ce fait, le développement des compétences, au-delà du diplôme, apparaît fondamental pour permettre l’insertion des jeunes sur le marché du travail et résoudre en partie le phénomène des NEET. L’employabilité, reliant formation, compétences et soft skills devient alors un enjeu stratégique pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes éloignés du marché du travail. Les transformations induites par la transition énergétique, la révolution numérique et l’économie du care sont autant de perspectives d’insertion professionnelle pour les jeunes, à condition de les former de manière adéquate.
Or, à ce sujet, le système éducatif marocain accuse un fort déterminisme social fort : l’origine sociale des enfants pèse lourdement sur leur devenir scolaire et l’emprise sociale du diplôme est suffisamment marquée pour laisser le champ à d’autres voies pour une insertion réussie des jeunes issues des classes populaires.
En effet, les NEET sont le plus souvent issus des ménages les moins aisés. Ce sont le plus souvent des décrocheurs scolaires qui quittent le système éducatif sans qualification. Ils sont particulièrement vulnérables et leurs familles ne peuvent les épauler pour surmonter leurs difficultés.
Aussi, au regard de ces éléments, ce phénomène des NEET ne pourra être résorber qu’à long terme, au fur et à mesure de la réduction des déterminismes sociaux qui discriminent l’accès à la qualification des jeunes issus des classes populaires.
On l’a vu, l’inclusion des NEET est mal assurée, surtout pour les moins formés d’entre eux lorsqu’ils sont dépourvus de soutiens familiaux. Pourtant, dans notre pays, les dispositifs en faveur des jeunes en situation difficile sont nombreux, mais sont sous-dimensionnés et relèvent plus de l’empilement, sans réelle coordination et cohérence. Ils en deviennent alors inefficaces.
Par ailleurs, ces dispositifs ont tendance à cibler les jeunes en fonction de critères d’âge et de statut, ce qui peut être source de discontinuité au sein de leur parcours. Or chaque rupture constitue un risque de fragilisation et de précarisation pour ces jeunes. En fait, leur parcours vers l’autonomie n’est plus linéaire. Certains jeunes seront autonomes très tôt, et d’autres bien plus tard, en fonction de leurs situations personnelles.
Dans ces conditions, il est impératif que les politiques publiques se mettent en capacité de s’adapter à cette réalité, tant au niveau national qu’au niveau local, pour replacer les jeunes au cœur de l’action publique qui leur est destinée. Les ruptures étant désormais admises, il convient de sécuriser ces parcours pour éviter que les jeunes ne soient durablement confrontés à un nœud de difficultés, sans accompagnement aucun. Une politique publique de jeunesse, impliquant une approche plus transversale, non seulement préventive mais aussi, corrective et réparatrice, doit être pensée.
De ce point de vue, l’obligation de former jusqu’à l’âge de 18 ans constituera un grand progrès, une sorte de deuxième chance, afin qu’aucun mineur ne soit laissé dans une situation où il ne serait ni en études, ni en formation, ni en emploi. Cette obligation de formation (et non de scolarisation) permet de repérer et d’amener vers un parcours d’accompagnement les jeunes en risque d’exclusion en leur offrant la possibilité de concrétiser un projet d’insertion professionnelle et sociale, en s’appuyant sur un réseau d’acteurs relevant de l’accompagnement social, de l’éducation, de la formation, du monde de l’entreprise, du sport, de la culture ou de l’art. Ce parcours va permettre aux jeunes de découvrir des métiers et des opportunités dans leur région ou ailleurs, développer leur estime de soi, construire un projet de vie et un projet professionnel et valider leurs compétences et expériences.
A l’issue du parcours, ceux qui n’ont pas pu eu l’opportunité d’accéder à l’emploi, à une formation qualifiante ou à des dispositifs d’apprentissage pourront alors disposer d’une garantie jeunes leur proposant un accompagnement individuel et intensif, dans un cadre exigeant. Le jeune touchera une allocation qui, en plus de lui faciliter son parcours d’insertion au quotidien (mobilité, logement, vie sociale, etc.), va l’inciter à se faire connaître auprès des services de l’ANAPEC.
Il faudra néanmoins prévoir l’évaluation de l’efficacité de cette garantie jeunes et donc de veiller à la performance des acteurs qui les mettent en œuvre. Cette garantie jeunes pourrait également être étendu aux activités associatives, pas forcément rémunérées mais contraignantes. S’impliquer dans des associations peut en effet permettre une expérience plus proche de celle du travail au sens classique du terme, et ainsi aider les jeunes en difficultés, d’acquérir les clés et l’expérience pour intégrer le marché du travail par la suite.
En définitive, notre jeunesse fait face à une crise structurelle et les difficultés qui affectent leur devenir social sont bien une réalité qu’il ne s’agit pas de nier. Un discours de vérité est inévitable. En temps de crise, la vérité est source de confiance, et la confiance de cohésion et d’action. Pour instaurer des marges de manœuvre, créer de la richesse (à travers l’enclenchement d’un cercle macroéconomique vertueux) et instruire sont les deux piliers incontournables. Créer de la richesse est indispensable pour retenir nos jeunes et en faire un capital pour construire le Maroc de demain. Les instruire et les former permettra à notre économie de progresser sur les chaines de valeur et à nos jeunes de disposer de revenus plus élevés.
Pour autant, la vérité et la méthode ne constitue pas à elles seules un espoir. Il faut donner à nos jeunes une perspective, un espoir, une sortie par le haut. Notre pays a de la ressource, est une vieille nation, ancrée dans l’histoire, le patrimoine, les valeurs. Notre pays reçoit de plus en plus de visiteurs, venant des quatre coins de la planète. Le cycle de la mondialisation n’est pas terminé et nous envoie un défi que nous devons relever en libérant toutes les énergies, notamment celle de la jeunesse.
Cette jeunesse n’est pas simplement exclue. Elle est fracturée, traversée par des inégalités, ce qui frustre les plus fragiles d’entre eux. Par conséquent, la réduction des inégalités entre jeunes est urgente. Elle requiert des politiques ciblées pour traiter les injustices les plus criantes, mais aussi des réformes de notre système éducatif et social, qui constitue la clé de voûte de toute intervention publique adressée aux jeunes.
L’acteur public a une importante responsabilité. Mais il ne répondra pas aux enjeux des inégalités sans une mobilisation de l’ensemble du corps social, la société civile, le secteur privé, les collectivités, les organisations socio-professionnelles …, et les jeunes eux-mêmes, dans le cadre d’un dialogue institutionnel.
Ikbal Sayah
Economiste, expert en développement.