Par Aziz Boucetta
Comme toutes les vieilles nations, et même les jeunes, le patriotisme marque de plus en plus le comportement des populations, par appartenance, par attachement, par nostalgie d’un passé aussi grand que révolu, ou simplement par fierté. Et en cette phase aussi précise que critique que traverse le Maroc, le sentiment patriotique apparaît de plus en plus et s’impose de mieux en mieux, et aussi son pendant… pas l’antipatriotisme, car personne ne l’est, mais la décision de ringardisation de la notion de patriotisme.
Dans ce monde oscillant ente libéralisme et ultralibéralisme, marqué par une forme de déterminisme occidental qui s’évertue peu ou prou, sciemment ou non, à nier tout relativisme culturel, un nombre croissant de nations se rebellent et vont puiser leur « énergie » dans leur histoire, leur passé, leur présence à travers les siècles. Les Russes reviennent à leur période tsariste et louent sa grandeur, les Turcs à l’Empire ottoman dont ils expriment la nostalgie, et les Chinois se souviennent de l’humiliation qui leur avait été infligée par les puissances européennes au 19ème siècle. Il y a également l’Iran, la Hongrie ou même la Pologne...
Aujourd’hui, le Maroc se rappelle à et de son passé historique. Dans l’imaginaire collectif marocain, largement inspiré par la phase et la culture coloniales, il y a le Maroc d’avant le Protectorat, celui de la présence française, et celui d’après. On omet cependant de dire que dans ce « Maroc d’avant le Protectorat » a évolué un empire remontant au moins au 8ème siècle, avec les Idrissides, alors même que parmi les Cinq permanents du Conseil de Sécurité, seule la Chine existait… L’Europe évoluait encore sous la forme de duchés « laborieux », de territoires éclatés et de principautés isolées, aux conflits incessants et aux guerres récurrentes, et que l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie n’avaient aucune existence.
Le Maroc d’aujourd’hui n’est non seulement pas celui d’hier, mais il se rappelle même d’avant-hier, des siècles passés… Aujourd’hui, sa volonté de peser sur sa région et dans son continent se heurte à ces manœuvres déstabilisatrices dont le monde actuel est devenu coutumier contre toute puissance régionale qui tend à s‘affirmer en tant que telle et qui en a la volonté. « Complotisme de mauvais aloi ! », s’écriront aussitôt les bienpensants de notre époque… ceux-là mêmes qui, dans cette affaire Pegasus, déroulent des arguments du type : « 17 grands journaux internationaux l’ont affirmé », ce qui vaudrait preuve… « Le Monde l’a écrit »… France24 l’a dit, aussi… ce qui devrait faire autorité.
C’était le bon vieux temps où les nôtres ne disaient rien, ou bien n’importe quoi, et que les autres parlaient pour nous et nous décrivaient comme ils nous voyaient, et comme ils nous faisaient voir à nous-mêmes. Donc nous étions « coupables », et que les nôtres disaient ou dénéguaient, cela n’avait aucune importance.
Pour le cas de Pegasus, nous sommes encore dans cette logique de nous juger à travers les prismes des autres. Il suffit que le Monde, ah le Monde, dise quelque chose pour que cela devienne une réalité, une vérité. Même quand le même Monde avait dit voici quelques semaines qu’il fallait changer le regard plein de naïveté porté sur le Maroc, il s’était trouvé certains des nôtres pour dire, oui, nous sommes ce qu’ils disent que nous sommes. Aucun sens critique, aucune distance par rapport à des manipulations ou la défense d’intérêts occultes… peu de patriotisme dans le sens de la défense de ses intérêts nationaux face à des actions étrangères agressives, hostiles, ou simplement inamicales. Peut-être pourrions-nous hasarder comme explication la manifestation d’un certain complexe du colonisé…
Il est temps que nous prenions confiance en nous-mêmes et de ce que nous sommes, de ce que nous fûmes des siècles durant et de ce que nous aspirons à être dans les années à venir, avec nos hauts et nos bas, avec nos justes combats et nos interminables débats.
Car, en effet, s’il y a encore bien des problèmes à régler sur nos terres, il nous revient à nous et à nous seuls de nous y atteler, sans prendre à témoin ou demander l’assistance de pays ou lobbies étrangers… qui, eux, travaillent pour leurs propres intérêts.
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com