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Par Mustapha Sehimi
La demande de reconnaissance de l'État palestinien a été déposée par l'Autorité palestinienne le 2 avril. Elle a été ensuite soumise à un comité pour examen avant d'être inscrite à l'ordre du jour du Conseil de sécurité le 19 avril. Les États-Unis y ont opposé leur véto ; deux autres membres se sont prononcés, eux, pour l'abstention (Royaume-Uni et Suisse).
La procédure d'admission requiert une majorité des 15 membres du Conseil de sécurité dont les cinq membres permanents. En cas de vote favorable, la reconnaissance doit être validée par une majorité des deux tiers des 193 membres de 1'ONU, soit 129 voix. Or l'Autorité palestinienne est reconnue comme État par pas moins de 139 États membres.
A n'en pas douter, le véto de Washington est un déni du droit international. L'Ambassadeur de la Palestine auprès des Nations-unies, Riyad Mansour, a dénoncé un tel rejet, déclarant que cela "ne brisera pas notre détermination et n'arrêtera pas nos efforts, l'État palestinien étant réel et sa reconnaissance inévitable".
Le représentant adjoint américain, Robert A. Wood, a expliqué que le vote américain «ne reflète pas une opposition à un État palestinien, mais une reconnaissance qui ne peut naître que de négociations directes avec les parties"; et que l'Autorité palestinienne doit faire des réformes nécessaires à la création d'un État, "Hamas exerçant pouvoir et influence à Gaza et étant de ce fait une partie intégrante de l'État envisagé".
Deux États : pas d’alternative
Cela dit, l'idée de la reconnaissance officielle d'un État palestinien avance de plus en plus manifeste en Occident. Lors de leur réunion du 22 janvier 2024, à Bruxelles, les 27 ministres des Affaires étrangères de 1'Union européenne, ont déclaré que la création d'un État palestinien était indispensable: "la solution à deux États est la seule, aucune autre alternative n'étant sur la table".
L’on a remarqué à cet égard la position plus marquée du Chef du gouvernement espagnol, Pédro Sanchez, qui a fait état d'une reconnaissance dans deux mois à venir et celle de deux autres pays, l'Irlande et l'Australie ; qui pivotent dans ce même sens d’ici la fin de l'année. A noter encore que le président français Macron a déclaré le 16 février dernier que " la reconnaissance d'un État palestinien n'est pas un tabou pour la France". Sauf à préciser dans cette même ligne qu'en 2014 le Parlement français avait instamment invité 1'exécutif à finaliser cette reconnaissance; et que, par ailleurs, l'ambassadeur français, le 16 avril au Conseil de sécurité avait voté dans ce même sens. Reste l’acte formel de la reconnaissance.
Reconnaître 1'État palestinien est avant tout une décision éminemment politique. Elle n'est pas nécessaire pour nouer des relations bilatérales. I1 faut rappeler à cet égard que les États-Unis et d'autres pays occidentaux - la majorité des pays de l'UE et le Canada - ainsi que la Corée du Sud, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ne reconnaissent pas - encore ?- 1'État de Palestine. Pour autant, ils entretiennent des relations officielles avec l'Autorité palestinienne à Ramalah.
Une institution reconnue également par le gouvernement israélien, comme représentante légitime du peuple palestinien en vertu des accords d'Oslo en 1993. La reconnaissance d'un État palestinien est un acte diplomatique fort, avec un contenu et une dimension allant au-delà de sa signification historique et symbolique. Mais peut-elle et suffit-elle à porter des solutions justes et équitables sur les frontières, la sécurité, le retour des réfugiés, le statut de Jérusalem, l'accès à l'eau, les relations économiques, etc.
C'est qu'en effet tant que la Palestine restera un territoire occupé et fragmenté et qu'elle continuera dans cette situation sans s'accompagner de pressions et de sanctions contre les violations commises par Israël - un fait génocidaire - la reconnaissance même massive d'un État palestinien n'aura pratiquement que bien peu d'effets sur les conditions de travail et de vie de la population. Ce constat fait, i1 est évident cependant que cette reconnaissance est - et demeure - une étape indispensable pour la pleine consécration de la personnalité internationale et pour un avenir de paix au Moyen-Orient.
Quels sont aujourd’hui les paramètres qui ne permettent pas encore une reconnaissance de l'État palestinien ? Pour certains, cela tient au ferme soutien à Israël. Tel est le cas de 1'Allemagne, toujours opposée à ce sujet de manière plus marquée que la majorité de ses voisins européens - le legs de la seconde guerre mondiale et de 1a Shoah... . I1 y a aussi un certain découragement qui s'est installé par suite du peu d'effets qui ont suivi la reconnaissance de la Palestine par certains pays.
L'exemple est celui des sociaux-démocrates en Suède qui ont porté, un temps, ce projet alors qu'ils étaient au pouvoir et qu'ils ont constaté qu'aucun mouvement n'avait suivi dans d'autres capitales occidentales. Il y a même un effet inverse aujourd'hui dans ce pays avec la coalition gouvernementale de droite et d'extrême droite menant une politique nettement pro-israélienne.
Alors ? Seul un pays comme les États-Unis, indéfectibles alliés d'Israël, serait en mesure de peser et d'ouvrir la voie à une dynamique plus massive, suivie par des pays européens. Depuis des mois, 1'équipe de sécurité nationale du président Biden travaillerait sur un plan pour Gaza. Le Chef de l'exécutif américain insiste pour sa part sur la recherche d'un "horizon politique"; et Antony Blinken, Secrétaire d'État, multiplie les tournées dans la région dans cette même perspective. Reste la capacité de la Maison Blanche à faire fléchir le cabinet Netanyahu toujours opposé à la formule des "Deux États" impliquant un premier pré requis, celui d'un cessez-le- feu.
Un rappel historique permet de mieux appréhender les termes de référence de la reconnaissance de l'État de Palestine. C'est lors des assises du Conseil national palestinien, le 15 novembre 1988, à Alger, qu'est adoptée la Déclaration d'indépendance par Yasser Arafat, alors président du Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). L'État de Palestine est alors proclamé sur un territoire couvrant la bande de Gaza et la Cisjordanie, avec Jérusalem - Est comme capitale.
A ce jour, rappelons-le, 139 membres de l'ONU reconnaissent la souveraineté de la Palestine surtout des pays du Sud et de l'Est. Depuis 2012, la Palestine est un observateur non-membre de l'ONU. Cela ne lui octroie pas le droit de vote à l’Assemblée générale mais lui donne cependant la possibilité d'adhérer aux agences de 1'ONU comme 1'organisation mondiale de la santé (OMS).
Grace à ce statut, il vaut de noter encore que la Palestine est désormais membre de la Cour pénale internationale (CPI) depuis le 2 janvier 2015- ce qui lui a permis de saisir cette juridiction internationale permanente à différentes reprises à propos de la répression et des exactions d'Israël dans les territoires occupée.
Fondement juridique : la résolution 181
Cela dit, la création d'un État palestinien est l'unique solution. Elle a d'ailleurs un fondement juridique et ce à travers la résolution 181 adoptée par l'Assemblée générale des Nations-Unies le 29 novembre 1947 recommandant le partage de la Palestine entre un État arabe et un État arabe, la ville de Jérusalem étant placée sous un régime international de tutelle.
Pour l'heure, la Palestine est un embryon d'État. I1 importe de revoir les règles du droit international relatives aux critères de formation d'un État palestinien et de chercher à transcender les obstacles qui compliquent et retardent l'application effective d'une telle création.
Dans le détail, les obstacles juridiques sont les suivants : 1'occupation - sanctionnée par des dizaines de résolution des Nations Unies- l'édification d'un mur entre Israël et les territoires palestiniens, les colonies de peuplement israéliennes dépassant les 800.000 personnes en territoire palestinien occupé, la question de Jérusalem et enfin le droit au retour des réfugiés. Un État palestinien devrait être créé en droit mais sa viabilité reste conditionnée par le refus d'Israël. La communauté internationale et les grandes puissances sont aujourd'hui fortement interpellées sur cette question. Surtout les États-Unis...
Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid