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Par Naim Kamal
Dans son discours d’ouverture du Colloque international sur ‘’Et si l'Afrique réécrivait l'Histoire de l'Afrique ?’’, organisé les 25 et 26 février par l’Académie du Royaume du Maroc, le Secrétaire perpétuel Abdejlil Lahjomri a invité les Africains à ‘’entendre [enfin] la voix du dedans après avoir tant subi celle du dehors’’.
Un plaidoyer implacable et argumenté pour la réappropriation de l’histoire du continent par ses continentaux. Un acte aussi – le colloque -, et un propos – celui de Abdejlil Lahjomri -, exposés au grand risque de n’être perçus par les chancelleries occidentales que comme l’amorce d’un mouvement subversif tendant à disputer aux puissants et aux vainqueurs l’apanage exclusif (pardonnez le pléonasme) d’écrire l’histoire et de lui dicter son tempo.
Le petit caporal
Ainsi va l’histoire, jusqu’à maintenant du moins : une construction d’un récit national idéalisé et sublimé, presque une fiction qui, par exemple, fera qu’en France on a voulu à un moment voter une loi prétendant l’apport de la colonisation.
Se fondant sur l’autolégitimation, l’histoire déroule et s’écrit selon le bon gré des plus forts, voir à ce sujet La Fontaine, et il appartiendra aux vrais historiens, bien plus tard, quand il sera trop tard, de vérifier les faits, d’authentifier ou de démystifier les célébrations consacrées des évènements pour en tirer des leçons qu’on ne retiendra que très peu.
L’histoire n’est-elle pas toujours une histoire de prisme et d’angle ?
Et à prendre un exemple, prenons celui, pour le plaisir de la démonstration, du petit caporal et du caporal. Le premier c’est Napoléon, le second, Hitler. Bien sûr, d’un certain point de vue on frôle le blasphème. Mais lorsqu’on appelle Bonaparte ‘’ Le petit caporal’’ c’est, explique-t-on, ‘’un surnom affectueux donné à Napoléon par ses soldats’’.
Quand on traite le Führer de caporal, c’est évidemment pour dire tout le mépris de l’univers que le monde a pour lui.
Pont d’Iéna
Hitler est trop proche de nous pour qu’on ne soit pas au courant du mal qu’on pense et dit de lui. Napoléon, lui, du moins chez nous au Maghreb et dans cette partie de l’Afrique à laquelle on inculquait ses ‘’ancêtres les Gaulois’’, c’est encore pour quelques-uns une gloire. En France, pour de nombreux Français, c’est aussi une passion, une napoléonophélie frisant la napoléonite.
Qui peut les en blâmer ?
Quelque part, Napoléon est le fondateur de la France que l’on connaissaient avant qu’elle n’entame son déclassement dans l’échelle des puissances. Le franc, avant l’arrivée de l’euro, c’est lui. Le Code civile, c’est aussi lui. La plupart des institutions françaises et l’organisation administrative, c’est également lui…
Les grandes conquêtes, un euphémisme, c’est encore lui, conquérant. Sous son règne, la France domine (pour ne pas dire occupe) de la tête et des épaules une Europe ‘’conquise’’ par ses épopées.
Ses invasions ? Des conquêtes. Ses guerres ? Des campagnes. Et si à Paris on trouve aujourd’hui une rue de Rivoli, une gare d’Austerlitz ou un pont d’Iéna, c’est pour poursuivre la célébration de ses triomphes avant la descente aux abîmes.
Un plaidoyer implacable et argumenté pour la réappropriation de l’histoire du continent par ses continentaux. Un acte aussi – le colloque -, et un propos – celui de Abdejlil Lahjomri -, exposés au grand risque de n’être perçus par les chancelleries occidentales que comme l’amorce d’un mouvement subversif tendant à disputer aux puissants et aux vainqueurs l’apanage exclusif (pardonnez le pléonasme) d’écrire l’histoire et de lui dicter son tempo.
Le petit caporal
Ainsi va l’histoire, jusqu’à maintenant du moins : une construction d’un récit national idéalisé et sublimé, presque une fiction qui, par exemple, fera qu’en France on a voulu à un moment voter une loi prétendant l’apport de la colonisation.
Se fondant sur l’autolégitimation, l’histoire déroule et s’écrit selon le bon gré des plus forts, voir à ce sujet La Fontaine, et il appartiendra aux vrais historiens, bien plus tard, quand il sera trop tard, de vérifier les faits, d’authentifier ou de démystifier les célébrations consacrées des évènements pour en tirer des leçons qu’on ne retiendra que très peu.
L’histoire n’est-elle pas toujours une histoire de prisme et d’angle ?
Et à prendre un exemple, prenons celui, pour le plaisir de la démonstration, du petit caporal et du caporal. Le premier c’est Napoléon, le second, Hitler. Bien sûr, d’un certain point de vue on frôle le blasphème. Mais lorsqu’on appelle Bonaparte ‘’ Le petit caporal’’ c’est, explique-t-on, ‘’un surnom affectueux donné à Napoléon par ses soldats’’.
Quand on traite le Führer de caporal, c’est évidemment pour dire tout le mépris de l’univers que le monde a pour lui.
Pont d’Iéna
Hitler est trop proche de nous pour qu’on ne soit pas au courant du mal qu’on pense et dit de lui. Napoléon, lui, du moins chez nous au Maghreb et dans cette partie de l’Afrique à laquelle on inculquait ses ‘’ancêtres les Gaulois’’, c’est encore pour quelques-uns une gloire. En France, pour de nombreux Français, c’est aussi une passion, une napoléonophélie frisant la napoléonite.
Qui peut les en blâmer ?
Quelque part, Napoléon est le fondateur de la France que l’on connaissaient avant qu’elle n’entame son déclassement dans l’échelle des puissances. Le franc, avant l’arrivée de l’euro, c’est lui. Le Code civile, c’est aussi lui. La plupart des institutions françaises et l’organisation administrative, c’est également lui…
Les grandes conquêtes, un euphémisme, c’est encore lui, conquérant. Sous son règne, la France domine (pour ne pas dire occupe) de la tête et des épaules une Europe ‘’conquise’’ par ses épopées.
Ses invasions ? Des conquêtes. Ses guerres ? Des campagnes. Et si à Paris on trouve aujourd’hui une rue de Rivoli, une gare d’Austerlitz ou un pont d’Iéna, c’est pour poursuivre la célébration de ses triomphes avant la descente aux abîmes.
Bérézina
Vu d’ailleurs, bien sûr on se demandera pourquoi il n’y a pas une station de métro de Waterloo ou un boulevard Bérézina qui couronne la défaite napoléonienne dans l’invasion de la Russie, même si l’on trouve des historiens pour y voir une victoire tactique.
On reconnaitra toutefois que bérézina est entrée, une entorse à la règle, dans le dictionnaire de la langue française pour signifier, selon le Larousse : ‘’échec complet de quelque chose ; défaite catastrophique de quelqu'un’’.
Les victimes des guerres napoléoniennes se chiffrent par millions et vu d’ailleurs toujours, on ne peine pas trop à imaginer ce qu’auraient été ses ‘’campagnes’’ militaires si l’Empereur avait à sa disposition l’armement du Führer. Sans doute, encore un blasphème.
N’en reste pas moins que vu d’Afrique, le Grand Général, c’est surtout le rétablissement de l’esclavage.
Ce qui nous ramène à Abdejlil Lahjomri et à son invitation à réécrire l’histoire de l’Afrique par les Africains. L’un des passages forts de son exposé est à mon sens celui-ci : ‘’Le contrat social [a été] mu en contrat racial qui, en infériorisant certains, a fixé l’ordre dissymétrique à partir d’une échelle des races renvoyant à des positions avantageuses pour certains et désavantageuses pour d’autres, en fonction de la blanchité ou non’’.
Un clin d’œil, il y en avait d’autres dans son discours, au philosophe noir américain, passé par la Jamaïque, Charles W. Mills, auteur de The Racial Contract, traduit en français par le rappeur canadien Webster, de son vrai nom Aly Ndiaye.
Charles W. Mills, après une belle démonstration, y déclame sa sentence : ‘’Il n’y a pas de monde moderne sans l’esclavage transatlantique des Africains. Il n’y a pas de monde moderne sans la dépossession territoriale autochtone, sans le génocide autochtone. La révolution industrielle n’existe pas sans ces crimes contre l’humanité.’’
Rédigé par Naim Kamal sur Quid
Vu d’ailleurs, bien sûr on se demandera pourquoi il n’y a pas une station de métro de Waterloo ou un boulevard Bérézina qui couronne la défaite napoléonienne dans l’invasion de la Russie, même si l’on trouve des historiens pour y voir une victoire tactique.
On reconnaitra toutefois que bérézina est entrée, une entorse à la règle, dans le dictionnaire de la langue française pour signifier, selon le Larousse : ‘’échec complet de quelque chose ; défaite catastrophique de quelqu'un’’.
Les victimes des guerres napoléoniennes se chiffrent par millions et vu d’ailleurs toujours, on ne peine pas trop à imaginer ce qu’auraient été ses ‘’campagnes’’ militaires si l’Empereur avait à sa disposition l’armement du Führer. Sans doute, encore un blasphème.
N’en reste pas moins que vu d’Afrique, le Grand Général, c’est surtout le rétablissement de l’esclavage.
Ce qui nous ramène à Abdejlil Lahjomri et à son invitation à réécrire l’histoire de l’Afrique par les Africains. L’un des passages forts de son exposé est à mon sens celui-ci : ‘’Le contrat social [a été] mu en contrat racial qui, en infériorisant certains, a fixé l’ordre dissymétrique à partir d’une échelle des races renvoyant à des positions avantageuses pour certains et désavantageuses pour d’autres, en fonction de la blanchité ou non’’.
Un clin d’œil, il y en avait d’autres dans son discours, au philosophe noir américain, passé par la Jamaïque, Charles W. Mills, auteur de The Racial Contract, traduit en français par le rappeur canadien Webster, de son vrai nom Aly Ndiaye.
Charles W. Mills, après une belle démonstration, y déclame sa sentence : ‘’Il n’y a pas de monde moderne sans l’esclavage transatlantique des Africains. Il n’y a pas de monde moderne sans la dépossession territoriale autochtone, sans le génocide autochtone. La révolution industrielle n’existe pas sans ces crimes contre l’humanité.’’
Rédigé par Naim Kamal sur Quid