Une étoile qui s’effondre
Budgétivore et insatiable, l’école marocaine serait ce trou noir, cette étoile qui, au fur et à mesure du gavage argenté qu’on lui soumet, si tant est qu’elle puisse briller un jour, un gavage qui compte, et c’est à ne plus compter, plus de la moitié du budget fonctionnel de l’État.
Peut-être sommes-nous animés d’un pas empressé, d’un pas aussi lumineux que doit l’être notre ambition, peut-être que cette marche, valeur aujourd’hui, titubante et désordonnée, devrait interpeller nos vielles méthodes. Car notre volonté, aussi récalcitrante soit-elle, se devrait conjuguer à une pratique idoine, à même d’en faire l’exercice.
Encore faut-il que cette dite pratique soit réajustée d’un temps l’autre. Comme le souligne le dicton populaire, quoique le populaire, ici, est à fuir, un dicton qu’on peut mâcher à satiété sur les bancs parfois bancales de cette même école que l’on veut altière.
Un dicton à la résonnance scientifique, donc vérifiable, et qui stipule du haut de son autorité que les mêmes causes ne peuvent qu’engendrer les mêmes effets. Dit autrement, prétendre à un résultat différent en usant et abusant de la même technique relèverait de l’aberration la plus achevée.
Tout ça pour ça
C’est dire que l’on n’est pas près de résoudre ce dérèglement en pompant comme des impulsifs les caisses de Dame État. Pour les inconditionnels de cette manie simplette, nous pouvons ,de ce pas, opposer que le budget alloué pour la tant attendue relève scolaire est déjà assez rond eu égard d'autres pays.
Malheur est de constater, qu’en dépit de cette manne béatement ouverte et qui répond de la primauté indéfectible de l’enseignement dans l’ordre de nos choix politiques, six élèves sur dix âgés de dix ans seraient dans l’incapacité de lire, encore moins d’appréhender un texte soit-il des plus simples.
Le Maroc n’a nul besoin de la banque mondiale pour le lui apprendre tant ses investigations propres n’ont de cesse que de déboucher sur des résultats tout aussi honteux. Puis ne sommes-nous pas à même d’appréhender nos carences, serait-ce, dans leurs recoins les plus intimes et mieux que quiconque ?
La facilité est de mise
Bien sûr pouvons-nous déjà distinguer de là, ceux qui ne rechignent point à donner libre cours à leurs colères, et ce n’est point leur foi, encore moins leur citoyenneté, que nous remettons en doute. De ceux qui crient sur les toits pour nous scander haut et fort que le budget reste insuffisant et qu’en moyenne nous ne disposerions en tout et pour tout que d’un malheureux professeur pour une quarantaine d’élèves bien que la norme mondiale soit de vingt.
Que le pauvre élève marocain serait de 90 % moins couteux pour l’État que dans certains pays. Pour rappel, le budget alloué à ce dernier serait de 6000 dhs annuels. Que 9000 classes ont dû fermer leurs portes, car jugés insalubres. La trame est la même.
Nous pouvons énumérer de ces cas redondants mais digne d’intérêt et qui portent sans ménagement sur des solutions tout aussi répétitives à savoir l’éternel grossissement du budget de l’enseignement. Peut-être serait-il à propos de faire un pas de côté et d’émettre la question qui suit : Ne faisons-nous pas face à un problème de gouvernance, ou pour emprunter un lexique à l’air du temps, de management ? Qu’avions-nous fait du principe de l’efficience ? En d’autres termes, ne pouvons-nous pas prétendre à mieux avec ce peu que l’on a?
Une volonté royale
Mais ne soyons pas ingrats, nous ne pouvons adresser les torts sans pour autant reconnaitre les mérites. L’école marocaine n’a eu de cesse que de grimper les échelons des priorités de l’État marocain. Nous pouvons à raison évoquer et sans nous y attarder le discours de Sa Majesté Le Roi Hassan II lors du colloque d’IFRANE en 1970, ou encore celui de Sa Majesté Le Roi Mohamed VI marquant son début de règne en l’année 1999.
Un discours faisant état d’une nécessité pressante, couronnée d’une volonté royale déterminée à redresser la barre de notre enseignement marocain. Comme nous pouvons rallonger ce fil du temps jusqu’en 2015 où Sa Majesté le Roi a énoncé sa vision stratégique de l’enseignement (2015-2030).
Le souverain a tenu à prendre à bras le corps ce projet qui a tôt fait d’être traduit dans les lignes d’une loi-cadre. Une volonté royale veillant à la continuité de l’application de cette vision stratégique à travers les gouvernements qui se succèdent. Car malheur est que tout gouvernement investi du pouvoir exécutif, élu pour un mandat limité dans le temps, s’échine à saper les avancées faites jusque-là par le gouvernement qui le précède. D’où l’imminence de ce changement de paradigme.
Cette vision stratégique qui s’étale sur quinze ans est donc promue pour prévaloir sur tout calcul politique, sur toute basse manœuvre partisane. Car en l’état, l’école marocaine ne peut souffrir de ces piètres surenchères.
Face aux solutions
Notons que ce projet porte en son sein deux fleurons essentiels : D’abord, la généralisation du préscolaire, ensuite, le rallongement de l’enseignement obligatoire de 6 à 16 ans au lieu que de 15.
Eu égard du rapport de la banque mondiale qui pointe de toutes les inquiétudes de ces élèves incapables de lire et de saisir un texte soit-il des plus rudimentaires, la généralisation du préscolaire nous importe davantage ici. Ne nous gavons pas de technicités lourdes, ou de subtilités pédagogiques, si tant est que celles-ci soient à même d’annihiler ce problème échevelé qui nous guette.
Ou du moins, ne nous perdons point avant que de revenir à l’essentiel. Toutefois, par subtilité pédagogique, nous entendons cette méthode globale ou encore celle syllabique mises en œuvre pour faciliter la lecture chez les enfants. Soit dit en passant, la méthode globale consiste à considérer le mot comme étant un bloc, alors que la méthode syllabique, elle, et comme son nom l’indique, éclate le mot en syllabes. D’après les avancées enregistrées dans le domaine de la neuroscience, cette dernière se serait avérée plus efficace du fait qu’elle fasse primer le côté phonique du mot ce qui faciliterait sa perception par l’hémisphère gauche du cerveau.
Et si nous aimions l’école ?
Selon Le ministre de l’éducation nationale Saïd Amzazi, cette méthode dernière est entrée en application dans nos classes marocaines. Mais comme il est dit plus haut, nécessité est de traiter ce problème en amont. Il s’avère que les enfants qui ont bénéficié d’une éducation préscolaire sont moins sujets à ces problèmes dits de lecture ou de compréhension.
Pour cela, la généralisation du préscolaire, ce fer de lance promu par la vision royale, et une fois qu’il aurait couvert un large pan de la population concernée, passera de 4 ans à 3 ans.
Oui mais... et si tant que l’on soit fidèle à la teneur de l’expression anglophone dont la traduction se décline en ces termes :
« Penser en dehors de la boite », ne serions-nous pas en passe de faire l’impasse sur une approche d'importance, laquelle approche serait de nourrir un appétit pour l’école et pour l’enseignement ?
Car malheur est de constater que nombre d’enfants expriment une répulsion quasi-naturelle pour le scolaire. Ne devrions-nous pas d’abord et avant tout les inciter à aimer l’école ?
Leur en apprendre l’utilité ?
Hicham Aboumerrouane