Najib Mikou : Consultant en Prospective et Etudes Stratégiques
Ceci dit, ma présente analyse sera structurée en deux points forts, deux points faibles et deux propositions complémentaires.
1- un point fort : des jugements de valeur sur la CSNMD, totalement démentis
Au lendemain de sa nomination par Sa Majesté Le Roi, l’essentiel des critiques assenées à l’encontre de l’équipe des 35, a porté sur trois maux qui allaient inéluctablement, nuire à la qualité de leur livrable.
> Ils ne seront qu’une caisse de résonance qui va accoucher d’un travail déjà écrit par des cercles du pouvoir,
> Ils sont un groupe de technocrates purs et durs, qui vont occulter la dimension politique, pourtant incontournable dans un NMD,
> Ils sont tous d’obédience d’une gauche trop laïque pour pouvoir décliner les tendances culturelles lourdes de la nation.
Avant même la perspective de le voir devenir le chemin et le temps du peuple marocain pour les 15 prochaines années et bien au-delà, le rapport de la CSNMD a déjà relevé trois défis majeurs :
a- il a surmonté l’obstacle populaire en réussissant à être la caisse de résonance sans le moindre ménagement, ni sur la forme ni sur le fond, plutôt de … millions de citoyennes et de citoyens pour le moins, désemparés, sans visibilité, sans espoir et donc très critiques.
La CSNMD y a rapporté leur désarroi déchirant, très inquiétant. Bien au-delà des dizaines de pages de ses rapports, il a transparu jusque dans la vidéo projetée à Sa Majesté Le Roi, à l’occasion de la présentation de son livrable.
Leur cri s’est effectivement invité en son et en images, devant la plus Haute Autorité du pays, et à travers Elle, devant tout le peuple marocain. Non pas seulement pour en faire écho par obligation d’objectivité, mais également par devoir de loyauté envers des franges importantes de la société, qu’il a tenu à rassurer que leur cri, leur malaise, leur message, ont été fidèlement transmis à qui de droit.
Bien plus, le rapport n’a omis aucun point noir des frustrations collectives et des égoïsmes individuels, dont il a étalé les critiques sans la moindre retenue. l’Administration, la Justice, les Services Publics avec l’Enseignement et la Santé en peloton de tête des plus défaillants, la corruption, les rentes, les privilèges, les abus, le manque de civisme, l’injustice économique et sociale, la grande panne de l’ascenseur social…etc.
b- il a surmonté l’obstacle politique en ayant consacré la part nécessaire à l’axe politique, depuis un recensement exhaustif de ses points critiques liés notamment, à l’exercice démocratique, aux partis politiques, aux élus, aux majorités gouvernementales, à la gouvernance politique …etc, jusqu’aux réformes et recadrages qui s’imposent pour accéder à une démocratie représentative et participative pleine et entière et qualitative, aux libertés individuelles et publiques, à un rôle majeur des partis politiques et de la société civile, à une séparation claire des pouvoirs, à des majorités gouvernementales homogènes, à une Primature appelée à assumer des pouvoirs encore plus denses et à devoir les exercer dans leur intégralité, conformément à la Constitution.
Les gouvernements successifs de 2011 à aujourd’hui, en ont eu pour leur compte. Des critiques fermes et directes à leur manque d’homogénéité, aux opportunités ratées, à l’hésitation et au retard dans les prises de décisions et les mises en œuvre, à des scores de croissance économique encore plus faibles que ceux des années 90, où le pays frôlait la crise cardiaque…etc.
Par souci d’efficacité et d’obligation de résultats, le NMD recommande que plus jamais de gouvernement hétéroclite, plus jamais de Chef de gouvernement par défaut, tellement la tâche sera désormais encore plus rude. Outre les exigences minimales de patriotisme, de probité et de sens aigu d’homme d’Etat, le Chef du gouvernement doit être un grand manager très compétent, très expérimenté et d’une capacité sans faille de discernement, de communication, d’écoute, de proximité, de réactivité, de sagesse et d’humilité.
c- il a enfin surmonté l’obstacle socioculturel en ayant pris des positions sans équivoque sur la place de la religion, sur les valeurs communes, sur la place de la femme, sur la diversité culturelle, sur le fait d’être marocain, d’être citoyen, d’être patriote, et sur toutes les courroies de transmission de ces dimensions dans le comportement individuel et collectif.
L’islam Malikite, les valeurs partagées qui doivent encadrer la citoyenneté, la vie en société, le rôle de la famille, le rôle de la femme, les expressions d’appartenance à une nation, la diversité culturelle…etc, reprennent toute leur place naturelle, non pas seulement dans les espaces collectifs, les rapports sociaux et les discours, mais également dans l’Enseignement et le noyau familial, qui constituent les deux principales machines à véhiculer et à transmettre ces repères, ces référentiels et ces choix socioculturels, et surtout à les pérenniser.
En outre, des réformes profondes sont préconisées pour l’Enseignement, la Santé, la Protection sociale …etc, dans l’objectif d’avoir des citoyennes et des citoyens épanouis, cultivés, patriotes, libres, autonomes, sécurisés, protégés et fiers de leur marocanité.
2- un point fort : un Modèle de Développement clé en main qui s’assume libéral
La CSNMD considère à juste titre, que le Maroc renferme tous les atouts qui le prédestinent à un bien meilleur destin économique et social. Pour forcer ce destin, un seul et unique scénario est préconisé : un chemin libéral et social qu’elle accompagne d’un manuel et d’un calendrier de mise en œuvre.
Il est visé :
> un État fort, stratège, accompagnateur, facilitateur, incitateur, régulateur, investisseur, impulseur.
> des opérateurs économiques entreprenants, audacieux, innovants, opportunistes, ambitieux et ouverts sur les marchés internationaux.
> des stratégies pour des secteurs économiques identifiés, des Task Force pour en suivre et évaluer la mise en œuvre, un organe de veille à l’harmonie d’ensemble au niveau de la Primature, et des arguments pour le ”Consommer Marocain”.
> un secteur bancaire sain, performant, ouvert à la concurrence et assumant la dose nécessaire du risque. Et une bourse revue et dynamisée pour jouer son rôle important dans le financement de l’économie.
> des ambitions fortes plus particulièrement, en termes de croissance économique et d’intégration de l’informel.
Pour assurer au NMD dans sa globalité, toutes les conditions et chances de succès, la Commission Spéciale propose deux préalables majeurs :
+ un Pacte National Pour le Développement,
+ un outil de supervision, placé sous l’Autorité Directe de Sa Majesté Le Roi.
Voilà l’essentiel du NMD construit par l’équipe des 35, pour une période de quinze ans, de 2021 à 2035. Un travail ardu d’écoute attentive, de production innovante, de reproduction constructive de choix pertinents des opérateurs auditionnés, et une rage patriotique de pousser le Maroc vers le meilleur.
Qu’en est-il maintenant, des deux points faibles :
1- un point faible : Le ratissage réducteur et le piège du carré
À avoir voulu tout dire, tout couvrir, dans des domaines tellement nombreux que complexes, le travail de la CSNMD a pâtit des revers du perfectionnisme. On a eu par conséquent, droit à des annonces stratégiques et méthodologiques fortes et originales, mais à une bien moindre qualité au niveau de leur contenu opérationnel, selon les cas. On a eu bizarrement des contenus très développés et d’autres très peu développés ou à peine effleurés.
En termes de niveau d’innovation, il y a cette impression forte que la CSNMD a subi le piège du carré, en ce sens que quelques unes de ses réflexions et préconisations pourtant essentielles, n’arrivaient pas à aller jusqu’au bout, par hésitation à sortir du carré.
Je citerai à titre d’exemple :
> Le Monde Rural
Incontestablement, maillon faible de la chaîne, il n’a eu finalement que le service minimum. Ni stratégie spécifique “Campagne”, ni programmes urgents ”d’infrastructures de la vie et de la dignité”, ni programmes d’extension et d’intensification forestière, générateurs d’emplois massifs, de sécurité écologique et d’un écosystème ”industrie du bois”, ni mode de scolarité spécifique, ni système de santé adapté, ni révolution industrielle génératrice d’emplois massifs, de revenus stables, équitables et durables, de valeur ajoutée locale, d’élimination d’intermédiations négatives nocives, ni discrimination positive au profit des élèves pour faire redémarrer l’ascenseur social, ni programmes d’énergie renouvelable pour l’exploitation agricole et l’usage domestique….etc.
La Santé Publique, maillon très faible dans le monde rural, devrait basculer de la logique de l’hôpital citadin, vers le Centre Médical dans le Chef-lieu et vers le Camp Ambulant de Proximité (CAP) dans les zones rurales reculées. Ces deux structures médicales devraient être dotées de corps médicaux et paramédicaux publics non permanents, qui se relaient à la semaine ou au mois, de façon à ce que l’intervention de ces corps non résidents dans le monde rural, ne soit pas une sanction, mais un acte d’engagement supportable pour eux et pour leurs familles.
De même que ces structures devraient bénéficier des services des médecins du privé, qui devraient y assurer une présence bénévole, d’une journée par médecin et par mois, au titre du Service Rendu à la Nation(SRN).
Pour ce qui est de l’Enseignement, un modèle de Pôle de la Connaissance, installé dans le Chef-lieu et intégrant scolarité en format intensif de trois jours par semaine, restauration, hébergement et transport, devrait être préconisé.
Tout cela est possible, nécessaire, finançable et d’un très grand impact sur le développement humain, social, économique et écologique, et sur la fixation digne des populations. Le monde rural doit compter 35% de la population nationale, une classe moyenne de 50% et une extension et intensification forestière de 10 millions d’hectares en 2035.
> L’Economie Solidaire
Érigée par la CSNMD sur le plan stratégique, au rang de moteur du développement économique, il s’est contenté du service minimum au niveau de sa déclinaison opérationnelle. Oui tout doit être fait, tout sera fait pour que les opérateurs dans ce secteur, bénéficient d’appui et de confiance, pour jouer un rôle économique et social nodal. Mais où, comment et par qui ?
Les produits de terroir, les produits biologiques, les produits halal, l’industrie du cannabis, l’artisanat, les produits destinés à l’industrie de transformation végétale, le tourisme rural, l’agro-tourisme, et j’en passe, sont autant de produits et d’activités où nous comptons des atouts considérables en volumes et en savoir-faire, pour lesquels un modèle économique purement marocain, a été inventé, et dont les ambitions et promesses sont considérables en termes de création de valeur ajoutée locale, d’emplois massifs, de développement social, de développement des exportations, de fixation digne des populations…etc.
L’Economie Solidaire doit permettre d’ici à 2035, une contribution de 12% au PIB à travers une véritable révolution industrielle dans le monde rural, le triplement du PIB par individu rural, la création de 80.000 nouvelles coopératives, la création de plusieurs centaines de Centres de Collecte et de Valorisation où les coopératives sont des actionnaires majoritaires, de plusieurs centaines de Centres de Collecte et d’Approvisionnement des industries de transformation sous forme de bourses rurales détenues par les producteurs eux-mêmes, de dizaines de Sociétés de Mutualisation et de Commercialisation des produits valorisés du monde rural, dont les Centres de Collecte et de Valorisation et les coopératives, sont actionnaires.
> Le stress hydrique
Alors que la CSNMD lui a donné l’importance qui doit être la sienne, et a proposé des dispositions novatrices, allant jusqu’au nombre d’heures de pompage d’eau par puits et par jour, elle a manqué d’innovation au niveau de la récupération des eaux de pluies qui sont perdues systématiquement tous les ans en milliards de m3.
Le Nord du pays reçoit tous les ans, même pendant des périodes de sécheresse, des pluies diluviennes que ni les barrages actuels ni ceux en projet dans cette région, ne peuvent contenir et drainer. C’est le cas également, même si c’est dans des proportions moindres, au Gharb qui connaît des inondations régulières, faute de système de canalisation des eaux des pluies.
Il est inadmissible, inconcevable, qu’un pays qui souffre de stress hydrique d’une ampleur de plus en plus inquiétante, se permette de perdre une goutte d’eau. Notre pays a besoin d’autoroutes hydriques qui acheminent les pluies abondantes du Nord et du Gharb principalement vers le Saïss, le Tensift et le Souss, qui sont des greniers capables de contribuer d’une manière décisive à notre sécurité alimentaire, alors qu’ils sont aujourd’hui menacés ou à sec.
C’est justement un grand chantier national pour les quinze prochaines années, tout comme le chantier de la forestation et celui de l’énergie renouvelable pour l’industrie, l’agriculture et à domicile.
> Les Energies renouvelables
Les propositions novatrices de la CSNMD dans ce domaine, ont manqué l’ambition ultime qui s’inscrit d’ailleurs dans la logique du chemin honorable parcouru sous l’impulsion Royale. Notre pays doit oser les “Villes écologiques”, les ”industries écologiques” les “Campagnes écologiques”, les “Domiciles écologiques” et “l’agriculture écologique”. Nous avons les atouts climatiques et nous avons accumulé le savoir-faire nécessaire pour y parvenir.
Nous devons ambitionner qu’en 2035, nos grandes et moyennes villes soient écologiques, nos entreprises industrielles soient écologiques, nos grandes et moyennes exploitations agricoles et avicoles soient écologiques, nos puits soient à l’énergie renouvelable. Nous devons subventionner l’équipement à l’hydrogène vert, au solaire et au photovoltaïque.
> La massification de la demande et de l’offre des TPME
La CSNMD est très bien placée pour savoir que la taille de nos très petites, petites et moyennes entreprises actuelles et potentielles, est un facteur discriminant en termes de coût de revient, de compétitivité et d’accès aux moyennes et grosses commandes sur le marché local et à l’international. Se maintenir dans l’état actuel c’est s’installer dans l’économie de la survivance à grande échelle. D’où l’obligation pour l’équipe des 35 d’avoir dû injecter la dose décisive d’innovation dans ce compartiment essentiel dans la transformation économique projetée.
il a été proposé à plusieurs occasions médiatiques, le soutien à la création de Sociétés privées de Mutualisation et de Commercialisation (SMC) avec un tour de table constitué des TPME qui en font partie, pour permettre une mutualisation des approvisionnements et des ventes, dont l’impact sur le financement, la compétitivité et l’essor commercial des entreprises sera considérable. C’est également une des fenêtres idoines d’intégration de l’informel. Ces sociétés pourraient très vite atteindre la taille critique pour être cotées en Bourse. Le modèle des Sogo Shocha japonaises est très édifiant.
> L’élargissement de la classe moyenne
Si la CSNMD a attesté de toute l’importance économique, sociale et politique de la classe moyenne, elle a là aussi manqué d’aller jusqu’au bout du nécessaire pour que nous ayons la très large classe moyenne à laquelle nous aspirons.
Pour y parvenir dans un horizon de 10 à 15 ans, deux mesures majeures à caractère fiscal et social, sont nécessaires et déjà identifiées. Afin de fluidifier l’accès de la classe moyenne au dispositif fiscal et social proposé en sa faveur, il est proposé que lui soit octroyée une ‘’Carte Verte’’ digitalisée, délivrée par les services du “Registre Social”, pour un usage auprès des administrations et au niveau des points d’achat ou de prestations de son choix. Ce devrait d’ailleurs, être le même procédé qu’il faudrait appliquer aux populations vulnérables, qui devraient disposer de ”Carte Bleue” pour l’accès à des avantages différents.
La construction d’une véritable classe moyenne très élargie représentant 75% de la population en 2035, et tirée constamment vers le haut, a certes un prix que notre pays se doit absolument de payer. Mais le retour sur investissement multidimensionnel n’en sera qu’au-delà de toutes les espérances les plus optimistes.
> L’éducation des enfants
La CSNMD a omis de consacrer l’espace nécessaire à l’enfance et à son éducation par les parents, d’autant plus que nous nous retrouvons aujourd’hui avec 15% de nos enfants et adolescents qui ne sont ni à l’école ni au travail.
Les parents doivent comprendre que leurs enfants sont les héritiers de notre Maroc et donc ils doivent faire en sorte qu’ils soient libres, épanouis, ambitieux, curieux, porteurs de pensées positives et pleins de confiance en eux, pour qu’ils puissent nous servir un Maroc qui reflète ce qu’ils sont et non pas qui reproduise ce que nous avons été, un Maroc qui va de l’avant et non pas qui tourne dans un cercle vicieux à reproduire notre temps qui n’est pas le leur.
Que voulons-nous pour notre pays, pour notre société ? qu’ils vivent un éternel recommencement, un passé permanent, ou une marche de plain pied vers l’avenir?
> La solidarité générationnelle
Si la CSNMD a fortement insisté sur tout ce qui devra être fait au profit des jeunes pour qu’ils soient épanouis et qu’ils s’insèrent dans la dynamique en perspective, il n’a pas suffisamment pris conscience de la grande difficulté d’insertion de nos jeunes diplômés dans le monde économique et même social.
Nos jeunes auront malheureusement besoin de bien plus que toutes les préconisations de la CSNMD, pour y parvenir. Ce qui suit, devra être le véritable Service Civil préconisé par la CSNMD.
Il sera nécessaire de créer un Fonds Jeunes Débutants qui devra financer quatre besoins de nos jeunes de 24 à 30 ans :
+ bénéficier d’un stage d’insertion de 18 à 24 mois en entreprise, avec accompagnement du système universitaire, de l’ANAPEC et de l’OFPPT, qui établissent avec l’entreprise d’accueil, le programme du stage, encadrent et suivent le jeune pendant le stage et lui remettent une attestation en conséquence.
Le stage devra comporter un module “langues” pour approfondir les connaissances linguistiques du jeune dans la perspective de lui faire passer un test de performance par langue à la fin du stage, au modèle du Toeic.
Ledit stage doit être rémunéré à hauteur de 1500 dh/mois et financé à parts égales entre l’entreprise, la CNSS, l’ANAPEC, l’OFPPT, le budget l’Etat.
+ Accompagnement au financement du 1er projet d’entreprise du jeune,
Le projet doit être accompagné à partir de l’idée première jusqu’au dépôt du dossier de financement, par un Centre d’Accompagnement à l’Investissement notamment, des Jeunes, créé par le GPBM et relevant intégralement de lui.
+ Accompagnement à l’acquisition du 1er logement principal,
+ Accompagnement au mariage pour notamment, contribuer à régler un grand problème social tenu sous silence complice et assourdissant.
> La réforme fiscale
Alors que la CSNMD parie sur la réforme fiscale en visant notamment, l’élargissement de l’assiette des contribuables, un IS préférentiel pour un profil d’entreprises, et des incitations fiscales au profit des entreprises exportatrices, elle a manqué de prospecter d’autres pistes dont :
+ une dévaluation fiscale :
Elle est de nature à impacter directement et à très court terme, aussi bien la compétitivité de nos entreprises que le niveau et la qualité de notre protection sociale.
Elle consiste en une dévaluation fiscale significative qui devra concerner les charges sociales patronales de l’ensemble des employeurs de tous les secteurs et compartiments d’activités, sans la moindre exception.
Faut-il rappeler ici que les charges sociales patronales dans notre pays sont très prohibitives au point où elles grèvent substantiellement la compétitivité de nos entreprises, dissuadent toute volonté de nouveaux recrutements et encouragent à renforcer les rangs des activités informelles.
La dévaluation fiscale proposée, vise par conséquent, un double objectif :
réduire d’une façon significative le poste des dépenses des entreprises au titre des charges sociales patronales, pour améliorer leur compétitivité, aussi bien sur leur propre marché local où elles sont de plus en plus inquiétées, que sur les marchés internationaux où elles mènent des batailles à armes très inégales avec des concurrents subventionnés jusqu’aux dents, rendre beaucoup moins prohibitif et dissuasif, le coût patronal des recrutements, aussi bien dans l’entreprise de toutes tailles, dans les métiers libéraux, que chez les ménages.
Ainsi, on recrutera beaucoup plus et partout, on persuadera les employeurs à déclarer l’ensemble de leur personnel, on persuadera le grand secteur informel à basculer vers le formel, et on persuadera les ménages à déclarer les dizaines de milliers d’agents de service à domicile, suspendus à une nouvelle loi très coûteuse et contraignante, qui provoque déjà des renvois massifs de ce personnel très vulnérable, au lieu de le stabiliser et de le doter de la nécessaire protection sociale.
+ une réforme de l’IR :
Notamment pour soutenir l’élargissement de la classe moyenne et accorder un traitement tout particulier aux couples qui ont des parents à charge ou un enfant handicapé.
> L’aménagement du territoire
Il a été sans conteste, le parent pauvre du rapport de la CSNMD. Notre pays a besoin d’une vue panoramique sur l’ensemble du territoire national pour construire un aménagement harmonieux de nos espaces. On a besoin de territoires constitués de corridors industriels, de corridors urbanistiques avec des villes sans frontières, de corridors touristiques, de corridors écologiques, de corridors hydriques.
> Le financement de la protection sociale
Le grand projet de la protection sociale voulu et lancé par Sa Majesté Le Roi, méritait plus d’imagination et d’innovation dans le rapport de la CSNMD.
Il est proposé pour le rendre viable et prenne, le dispositif de financement suivant :
le produit d’un fonds appelé Fonds de Zakat (FDZ) strictement dédié à la collecte de la Zakat selon les préceptes de l’islam. Il est à préciser que les populations éligibles à donner la Zakat ne seraient appelées à contribuer que par les 2/3 du montant dû, le 1/3 restant pouvant être affecté directement par la personne concernée aux populations nécessiteuses de son milieu familial ou professionnel, le produit d’un deuxième fonds appelé Fonds de Citoyenneté (FDC) qui devra être côté en bourse et composé :
+ du produit d’une taxe à instaurer sur tous les produits de luxe de toutes sortes et origines.
+ du produit de l’excédent des revenus des Habous. Sachant qu’il est proposé par ailleurs, que tout l’actif des Habous doit être intégralement revalorisé par le redéploiement du produit de cet actif considérable, vers des investissements visant le même objectif, mais autrement plus rentables pour tous les affectataires concernés.
+ des fonds actuellement dédiés aux différents filets sociaux existants déjà.
+ du produit des aides des fonds et institutions internationales spécialisées dans l’accompagnement des populations vulnérables à travers le monde.
+ du produit de 1% des dividendes distribués aux actionnaires par les sociétés cotées en bourse, à partir d’un seuil de plus plus-value écartant les petits épargnants.
+ du produit de 1% des plus-values réalisés sur toutes les transactions boursières à partir d’un seuil écartant les petits épargnants.
+ du produit de 1% du résultat net des sociétés publiques et privées intervenant dans l’exploitation minière, les carrières de sables …etc.
+ du produit de 1% du résultat net des sociétés d’importation et/ou de distribution de carburant.
+ du produit de 1% du résultat net des sociétés de monopole et de contrats de vente garanties avec l’Etat.
+ du produit de 1% du résultat net des grandes entreprises titulaires d’agréments de pêche hauturière.
> L’obligation de citoyenneté
Il est un fait certain que la CSNMD s’est fortement investie à mettre en valeur les valeurs de civisme, de citoyenneté, de solidarité et de sentiment d’appartenance à une même nation, à un seul et même pays, à un même destin. Mais elle n’a traduit ces valeurs dans aucun comportement ou engagement concret de la part des citoyens.
Il est proposé ici au moins trois actes concrets :
a- Les médecins citadins du privé, devraient assurer une présence bénévole, d’au moins une journée par médecin et par mois, dans les structures médicales du Monde Rural au titre du Service Rendu à la Nation(SRN).
b- Les retraités devraient assurer le SRN bénévole, au moins un jour par mois, dans des activités utiles pour la Communauté, aussi bien dans les villes que dans les campagnes, auprès de petites entreprises, d’auto-entrepreneurs, de familles démunies, de coopératives … etc.
c- Les riches devraient équiper et/ou doter d’une façon régulière, au nom du SRN, les hôpitaux, les Centres médicaux, les Centres de dialyse, les écoles, les bibliothèques de quartier, les salles de théâtre, les parcs publics, les ciné-clubs, les Centres dédiés aux handicapés, les cantines, les centres d’hébergement scolaires … etc, dans les villes et les campagnes, des bâtiments et équipements appropriés dont ils peuvent manquer. De même qu’ils devraient fournir les fournitures scolaires, les habits et les bourses aux élèves et étudiants des familles démunies. Ceci vaut plusieurs Omra, plusieurs pèlerinages, plusieurs mosquées.
Je m’en limite à ça au niveau du 1er point faible du rapport de la CSNMD. Ceci dit, toutes ces critiques présentent le grand avantage qu’on soit finalement devant un livrable qui laisse de très grands espaces aux partis politiques pour faire des propositions électorales selon les référentiels et convictions de chacun. Ça viendraient approfondir, diversifier, enrichir, élargir les champs du possible.
Et de ce fait, le NMD présente l’avantage de laisser de grands couloirs à la dynamique et à l’exercice démocratique dans notre pays. Il offre le cadre nécessaire à la classe politique d’exprimer toutes ses différences. On ne se dirige nullement vers la pensée unique, mais vers un socle consensuel.
2- un point faible : comment y arriver et pour ressembler à qui
Le rapport de la CSNMD parie sur des stratégies, sur un manuel et un calendrier de mise œuvre et des résultats à atteindre dans une période de quinze ans. Il est tout à fait légitime de se poser deux groupes de questions majeures, auxquelles la CSNMD n’a pas clairement répondu et qu’il est toujours temps de le faire :
> un bloc d’exemples de questions à caractère j’allais dire, existentiel
– nous ressembleront à qui en 2035?
– en ayant doublé notre PIB, le taux d’inflation aura augmenté de combien, pour pouvoir apprécier l’impact de ce doublement sur le niveau de vie et le pouvoir d’achat des citoyens ?
– on sera comparable à quels pays en 2035 ? Le Chili, le Portugal, l’Espagne, la Malaisie, la Turquie, la Pologne, l’Égypte, l’Afrique du Sud…etc, ou à une catégorie inférieure, en termes de revenu, de niveau de développement et de part dans le commerce africain et mondial ?
– que seront devenus nos accords de libre échange ?
– qu’aurons-nous fait pour se positionner dans une mondialisation rénovée au profit des économies des pays?
– que seront nos exportations et nos importations en termes de quantité, de valeur et de taux de couverture ? En soulignant au passage que si les chiffres officiels disent que nous avons 5000 exportateurs aujourd’hui, il faut préciser que nous n’avons que 10% réguliers et parmi ces 10%, 10% font 80% de nos exportations. Il faut donc que les projections se fassent sur cette base.
– que sera devenu système bancaire participatif où notre pays compte des atouts considérables pour être un pôle mondial du dépôt et du financement participatif?
– que sera notre rang dans le monde au niveau de l’indice du développement humain?
– que seront nous devenus au niveau du climat des affaires par rapport à nos concurrents actuels et à venir?
– que sera devenu notre classement mondial en Droits de l’homme et en démocratie ?
– que sera notre taux du Produit National de Bonheur PNB et celui du Produit Individuel de Bonheur PIB?
Le NMD ne peut occulter des positions et réponses claires à ce style de questions qui vont foisonner de partout.
> un bloc d’exemples de questions à caractère opérationnel
Parce que ce sont les hommes et les femmes de notre pays qui sont appelés à mettre en œuvre le NMD et à nous faire atteindre les objectifs chiffrés qu’il préconise en niveau et en temps, nous nous situons dans la sphère de la culture et non pas de la nature.
Et donc les transformations profondes, nécessaires et très louables que nous sommes amenés à opérer, ne sont pas du tout le seul fait de décisions à prendre, mais de comportements au quotidien et sur la durée. Faut-il rappeler ici, que bien des tentatives de réformes ont été avortées, frustrées, par le passé, par la seule faute de comportements humains, et qu’aucun averti ne parvient encore à oublier,.
C’est là précisément que les questions foisonnent :
– comment changer le comportement de l’Administration, cette “grande sourde” qui se distingue par une froideur et un cynisme exceptionnels qui justifient d’ailleurs la longévité de pas mal de ses compartiments ?
– comment faire en sorte que nos opérateurs économiques deviennent du jour au lendemain entreprenants, innovants, coureurs de risque, ayant le souffle du moyen et long termes ?
– comment nos enseignants deviendront subitement le moteur de la transformation de notre enseignement ?
– comment des opérateurs se mettront à payer leurs impôts ?
– comment des ripoux s’abstiendront à se faire corrompre ?
– comment l’altruisme et l’intérêt général l’emporteront sur un individualisme déconcertant ?
– comment le mérite l’emportera sur les privilèges ?
– comment la compétence et l’engagement l’emporteront sur la médiocrité ?
– comment des partis politiques s’ouvriront sur la société civile ?
– comment la démocratie ne pourra plus accoucher d’aucune marge de médiocrité ?
– comment les marocains reprendront le chemin des urnes ?
– comment la confiance pourra-t-elle être rétablie ?
C’est la réponse à ce style de questions, qui constitue le point nodal du succès ou de l’échec du NMD et permettra vraiment d’y croire.
Il faut dire que malgré tous les effets dévastateurs de la pandémie du Coronavirus, nous avons découvert un autre Maroc avec ses mêmes marocains qu’on taxait de tous les maux quelques heures auparavant. Beaucoup d’engagement, beaucoup de mobilisation, beaucoup d’initiatives, beaucoup de patriotisme, beaucoup de discipline, beaucoup de compétence, et des résultats très remarquables à l’arrivée.
Même si notre pays n’est ni une puissance financière ou économique ou scientifique, notre État, notre société, notre économie, notre administration, sont restés debout, dignes, stables et solidaires face au tsunami Covid 19 qui a mis à terre des puissances mondiales.
C’est justement cette belle et grande expérience encore en mouvement, de tout un pays résilient, croyant en ses chances et avançant malgré tout, qui doit nous inspirer et nous montrer la voie du possible.
C’est dans ce sens, sans être ni naïf ni amnésique, que je m’inscris dans une logique très positive et constructive par rapport aux ambitions du NMD. De même que je souscris parfaitement selon cette même logique, aux deux préalables de la CSNMD, à savoir qu’il y ait un Pacte National pour le Développement et que la supervision générale du NMD, relève directement de Sa Majesté Le Roi, de la même façon que l’était la supervision générale de la stratégie mise en œuvre contre la pandémie.
Ceci dit, je propose deux dispositions complémentaires et intimement liées aux préalables de la CSNMD :
1- que le Pacte National pour le Développement soit soumis à Référendum populaire qui le consacre. Il s’agit d’un grand rêve de tout un peuple, d’une grande ambition de toute une nation, d’un chemin qui sera parcouru par nous tous ensemble, et c’est donc nous tous ensemble qui devrons dire oui à ce challenge qui devra incarner une nouvelle révolution du Roi et du Peuple, et nous y engager avec force conviction et action.
2- qu’il y ait mise en place d’une Commission d’Accompagnement à l’Appropriation Publique du NMD, qui soit constituée d’un nombre très limité de membres de la CSNMD, d’experts en communication, en médias, de sociologues, d’économistes, de psychologues, dont le rôle serait de développer les outils d’appropriation par le peuple, de l’ensemble des dispositions du NMD.
Najib Mikou : Consultant en Prospective et Etudes Stratégiques