Un travail qu’elle a d’abord commencé en faisant l’évaluation profonde des mécanismes de promotion de la représentation politique des femmes au Maroc. Une recherche-action qui a donné ses fruits puisque «Parité maintenant» ou « Mounassafa daba » est devenu slogan d’un collectif, émanant de toute cette synergie, qui se veut celui de toute la population. Et que la pétition des 5000 signatures est en cours…
L’étape évaluative a pris le temps, entre concertations et dialogues avec les parlementaires, les syndicats, les acteurs associatifs et de Droit de l’Homme, les femmes élues : celles qui y sont arrivées et d’autres qui ont eu de mauvaises expériences de lobbying politique masculin… En fin de compte, tous les acteurs et les parties prenantes ont participé, d’après leurs propres expériences, à l’élaboration d’un recueil publié en novembre 2017.
La finalité est l’accès des femmes, au moins, à 30% au niveau des instances électorales.
Mécanismes en deçà des espérances
Les femmes sont sous-représentées dans les instances politique et décisionnelle. Ni la Constitution paritaire, ni les mécanismes de discrimination positive dans les lois : quota, liste réservée, siège annexe…n’ont amélioré la situation. S’ajoutent la lenteur des réformes juridiques, en matière de Droits des femmes, les barrières socioculturelles quant à l’accès des femmes aux postes de prise de décision au niveau des instances partisanes, des sphères législatives, des conseils constitutionnels, du gouvernement et dans les hautes fonctions publiques.
Avec une volonté politique qui n’est présente qu’à la veille des élections, des mécanismes de promotion de la participation politique des femmes promulgués à la va-vite et sans mesures coercitives, on ne peut s’attendre à rien de concret.
Institutionnaliser la parité
Pour plus de représentation des femmes dans les institutions décisionnelles, il n’y a qu’une seule issue, la mise en œuvre de la Constitution dans ses articles égalitaires et paritaires. C’est pour cela que, pour les militantes de la cause des femmes et pour 51% de la population : Pour 2021, il faut instituer la Parité.
Il est temps d’appliquer l’article 19 de la Constitution sur la parité, d’harmoniser les législations, de consolider le cadre normatif par une loi-cadre sur l’égalité hommes-femmes dans toutes ses dimensions, et de faire le suivi de l’application des mécanismes existants en faveur de la démocratie participative et de l’égalité des chances.
Et dans cet angle de vision, il est impératif d’associer la gent masculine afin de réussir la transition démocratique et le modèle de développement.
Si, en marge des élections 2021, l’objectif est d’abord politique, les militantes associatives, politiques et de Droit aspirent à atteindre et réaliser l’objectif 5 des ODD. Ce dernier stipule « garantir la participation entière et effective des femmes et leur accès en toute égalité aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique ».
En attendant, «Parité maintenant» a besoin de signatures qui se font rares compte tenue de la situation de crise actuelle et des mesures restrictives :
Explications de Ouafa Hajji, coordinatrice du Collectif « Mounassafa Daba » et mandataire de la pétition « Parité Maintenant ».
La militante associative est également membre fondatrice de l’association Jossour FFM.
Depuis quelques années, vous faites de la « Parité daba» votre cheval de bataille. Beaucoup de travail avant d’arriver à la faire « accepter » par les partis politiques, les syndicats…Cette cause est-elle en train de voir le bout du tunnel ?
En effet, depuis 2017, nous travaillons sur la participation politique des femmes avec une évaluation des mécanismes électoraux. La conclusion est qu’il faudrait aller vers une parité globale en restant dans l’esprit de la Constitution. Nous avons aujourd’hui une pétition qui demande une loi-cadre et qui dresse aussi les priorités, sachant que 2021 est une année d’échéances électorales. Il s’avère que la priorité est à donner à la parité, dans tout le processus électoral, et par la suite, pour la constitution du Gouvernement avec plus de femmes.
Avec de la chance et de la volonté, on a pu mettre en place un collectif de plus de 70 personnalités, constitué d’artistes, d’universitaires, d’intellectuels, de leaders de partis politiques, de syndicats, d’ONGs de femmes, d’ONGs de Droits de l’Homme...
Voir le bout du tunnel est encore précoce, je dirai que c’est une étape importante dans un processus qui est encore long. Une étape, à notre avis, cruciale puisqu’il s’agit aujourd’hui de collecter le plus de signatures possibles. Il en faut 5000 et le soutien populaire pour cette initiative de démocratie participative.
Une fois le compte est bon, la pétition devra être présentée, si possible, au cours de cette session parlementaire, fin novembre-début décembre, pour que les parlementaires puissent se saisir du dossier. Le temps presse puisqu’il ne reste que la session d’avril. Juste après, en juin 2021, nous serons dans un processus électoral. D’autant plus que, lors de la session d’octobre ou d’avril vont arriver les textes de loi concernant tout le processus électoral.
Nous espérons que les femmes arrivent, en 2021, au tiers des représentations. Le travail est de longue haleine, il faudrait aussi présenter nos propositions de manière officielle à la chambre des représentants…
Vous êtes arrivés à la phase de la collecte de 5000 signatures. Est-ce que vous y arrivez en cette période de crise sanitaire ?
Dépasser les 5000 signatures est chose aisée dans une conjoncture normale. Avec la crise sanitaire, les mesures restrictives et avec les citoyens et les citoyennes qui ne sont pas forcément sensibles à la possibilité de venir dans un lieu pour signer, les choses plus difficiles. D’autant plus que le lien électronique pour la signature en ligne est assez complexe (il est difficile de signer en ligne). La pétition n’a été lancée que fin octobre-début novembre, avec de la sensibilisation, nous allons y arriver. Je suis optimiste parce que nous avons de grands partenaires. Nous nous appuyons sur des organisations politiques, syndicales et de la société civile qui ont énormément de réseaux. Les 70 personnalités sont terre à terre avec la population et travaillent au quotidien sur le terrain.
Quel message voulez-vous passer aux lecteurs ?
Le principal message pour que la prochaine étape électorale soit une réussite, c’est que, gouvernement et partis politiques doivent être conscients du fait qu’ils ne peuvent plus avoir cette « dichotomie » entre un discours qui se veut progressiste et très inclusif vis-à-vis des femmes, et une pratique qui est loin de l’être. Nous n’attendons ni paroles ni discours des partis politiques et du gouvernement. Ils doivent assumer leurs responsabilités vis-à-vis du pays.
Cette étape cruciale qui doit marquer une fracture quantitative et qualitative avec la politique actuelle. Il faut que les partis politiques présentent les compétences réelles qu’ils ont au sein des partis.
La question de la femme est au cœur de la démocratie. Plusieurs indicateurs soulignent, au niveau mondial, que la participation politique des femmes est importante. Lorsqu’un pays utilise son potentiel de femmes dans la marche vers le développement, plusieurs points du PIB sont gagnés. Le Maroc va traverser après la pandémie au Covid 19, une crise économique et sociale très profonde. Il a intérêt à ne pas laisser de côté, plus de la moitié de sa population.
Pour 2021, le pays doit reposer sur ses deux jambes. La femme représente 51% de la population, elle a prouvé ses compétences et investi plusieurs domaines, il est temps que nous ayons un développement plus inclusif, plus paritaire.