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Par Mustapha Sehimi
Segmentations
Cette problématique commande naturellement à faire l'état des lieux. Pas de quoi plastronner : tant s'en faut. D'abord la division historique de la mouvance dite de gauche depuis l'indépendance (UNFP/ PCM) puis durant les décennies suivantes jusqu'au tableau actuel. A côté de l'USFP créée en 1974 par suite d'une scission de l'UNFP, le segment socialiste a enregistré de multiples segmentations - un processus de scissiparité pour reprendre le vocabulaire de la biologie.
Cela a donné quoi ? Le FFD (issu du PPS qui a succédé au PLS, nouvelle dénomination du PCM) ; l'OADP, puis le PSD, le PADS, le PSU, etc... Des structures partisanes se réclamant toutes, à un titre ou à un autre du mouvement progressiste mais qui peinent toujours à adopter une position unitaire.
Cela tient à plusieurs facteurs liés entre eux d'ailleurs. Le premier a trait à un clivage institutionnel : celui de la gauche gouvernementale - Nabila Mounib a parlé de " gauche makhzénienne "... - avec l'USFP et le PPS - et d'une autre gauche qui n'a pas participé, elle, à différents cabinets lors des deux décennies écoulées. Un autre paramètre regarde ce qu'il faut bien appeler le subjectivisme fortement mâtiné souvent d'un égo surdimensionné.
Il est connu que longtemps, l'USFP considérait que l'unité ne pouvait se faire que sur la base de son statut hégémonique - une approche qu'elle a pratiquée d’ailleurs en phagocytant en 2007 le PSD. Aujourd'hui, cette formation socialiste dirigée par Driss Lachgar, premier secrétaire depuis dix ans, a beaucoup perdu de son influence ; et elle est pratiquement marginale, rejetée de mauvaise grâce dans l'opposition dans le cabinet Akhannouch investi en octobre 2021…
Sur ces bases-là, comment revitaliser la gauche ? Dans l'opposition, 1'USFP et le PPS - qui ont deux groupes parlementaires, respectivement 37 et 23 députés dans la Chambre des représentants - ne font pas montre de beaucoup de coordination. De plus, le fonctionnement de leurs instances organiques se décline différemment, le PPS s'employant à maintenir une mobilisation et même un "activisme" interpellatif alors que l'USFP paraît se borner à "gérer" les conjonctures sans arriver à occuper pleinement le créneau de l'opposition, une manière de ne pas couper tous les ponts avec le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch.
Du socialisme... à la social- démocratie
Cela dit, la gauche a-t-elle malgré tout un avenir ? Sur le papier, c'est souhaitable : elle est censée être historiquement une force de mouvement et de progrès. Il faut lui rendre cette justice historique : ce sont ses engagements, ses ferveurs et ses mobilisations - avec un coût politique et répressif difficilement évacuable - qui ont porté le corpus de la démocratie, des droits et des libertés.
Les jeunes générations ne le savent pas, considérant ces acquis comme "naturels"... La gauche a cependant pâti de l'effondrement et même du sinistre d'un certain modèle idéologique du socialisme à travers le monde, notamment depuis la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989.
La référence au socialisme demeure dans la rhétorique - au Maroc et ailleurs - mais son contenu reste incertain, invertébré et même confus. La référence à la social-démocratie est sortie épargnée de cette séquence historique- elle est jugée moins pénalisante et répondant davantage aux attentes et aux aspirations des citoyens aujourd'hui.
Cette problématique commande naturellement à faire l'état des lieux. Pas de quoi plastronner : tant s'en faut. D'abord la division historique de la mouvance dite de gauche depuis l'indépendance (UNFP/ PCM) puis durant les décennies suivantes jusqu'au tableau actuel. A côté de l'USFP créée en 1974 par suite d'une scission de l'UNFP, le segment socialiste a enregistré de multiples segmentations - un processus de scissiparité pour reprendre le vocabulaire de la biologie.
Cela a donné quoi ? Le FFD (issu du PPS qui a succédé au PLS, nouvelle dénomination du PCM) ; l'OADP, puis le PSD, le PADS, le PSU, etc... Des structures partisanes se réclamant toutes, à un titre ou à un autre du mouvement progressiste mais qui peinent toujours à adopter une position unitaire.
Cela tient à plusieurs facteurs liés entre eux d'ailleurs. Le premier a trait à un clivage institutionnel : celui de la gauche gouvernementale - Nabila Mounib a parlé de " gauche makhzénienne "... - avec l'USFP et le PPS - et d'une autre gauche qui n'a pas participé, elle, à différents cabinets lors des deux décennies écoulées. Un autre paramètre regarde ce qu'il faut bien appeler le subjectivisme fortement mâtiné souvent d'un égo surdimensionné.
Il est connu que longtemps, l'USFP considérait que l'unité ne pouvait se faire que sur la base de son statut hégémonique - une approche qu'elle a pratiquée d’ailleurs en phagocytant en 2007 le PSD. Aujourd'hui, cette formation socialiste dirigée par Driss Lachgar, premier secrétaire depuis dix ans, a beaucoup perdu de son influence ; et elle est pratiquement marginale, rejetée de mauvaise grâce dans l'opposition dans le cabinet Akhannouch investi en octobre 2021…
Sur ces bases-là, comment revitaliser la gauche ? Dans l'opposition, 1'USFP et le PPS - qui ont deux groupes parlementaires, respectivement 37 et 23 députés dans la Chambre des représentants - ne font pas montre de beaucoup de coordination. De plus, le fonctionnement de leurs instances organiques se décline différemment, le PPS s'employant à maintenir une mobilisation et même un "activisme" interpellatif alors que l'USFP paraît se borner à "gérer" les conjonctures sans arriver à occuper pleinement le créneau de l'opposition, une manière de ne pas couper tous les ponts avec le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch.
Du socialisme... à la social- démocratie
Cela dit, la gauche a-t-elle malgré tout un avenir ? Sur le papier, c'est souhaitable : elle est censée être historiquement une force de mouvement et de progrès. Il faut lui rendre cette justice historique : ce sont ses engagements, ses ferveurs et ses mobilisations - avec un coût politique et répressif difficilement évacuable - qui ont porté le corpus de la démocratie, des droits et des libertés.
Les jeunes générations ne le savent pas, considérant ces acquis comme "naturels"... La gauche a cependant pâti de l'effondrement et même du sinistre d'un certain modèle idéologique du socialisme à travers le monde, notamment depuis la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989.
La référence au socialisme demeure dans la rhétorique - au Maroc et ailleurs - mais son contenu reste incertain, invertébré et même confus. La référence à la social-démocratie est sortie épargnée de cette séquence historique- elle est jugée moins pénalisante et répondant davantage aux attentes et aux aspirations des citoyens aujourd'hui.
Enfin, dans le champ politique national, la monarchie a davantage investi et préempté les questions sociales et sociétales. Si Mohammed VI a été qualifié au début de son règne de "Roi des pauvres", ce n'était pas qu'une formule. Une vision s'est dégagée, par étapes ; elle va jusqu'à connaître un couronnement majeur avec la protection sociale et l'Etat social devant modeler le Maroc de demain.
Cette dynamique réformatrice a réduit les partis de gauche à n'être que des "suivistes", de sous-traitance. Un gouvernement de gauche, demain, tiendrait-il un autre discours que celui du cabinet actuel en place pour appliquer les orientations royales ? Certainement pas.
Raviver l’espérance
Dès lors, comment la gauche peut-elle donner visibilité et lisibilité à son identité ? Surtout que prévalent de surcroît la confusion des clivages couplée à une dépolitisation des enjeux politiques sous couvert d'une exigence efficiente des politiques publiques se voulant "technocratique" ? Telles sont les conclusions voisines sinon convergentes des quatre intervenants à ce rendez-vous de la Fondation Links.
Cela doit pousser à appréhender et mettre en relief des marqueurs, des identifiants propres de nature à redonner un élan et raviver l'espérance d'une meilleure société marquée du sceau de crédos : libertés, droits fondamentaux, justice sociale et territoriale, équité, progrès social, etc. Pas une addition de slogans et de postures électoralistes mais autre chose : un socle de valeurs du Maroc de demain...
Cette dynamique réformatrice a réduit les partis de gauche à n'être que des "suivistes", de sous-traitance. Un gouvernement de gauche, demain, tiendrait-il un autre discours que celui du cabinet actuel en place pour appliquer les orientations royales ? Certainement pas.
Raviver l’espérance
Dès lors, comment la gauche peut-elle donner visibilité et lisibilité à son identité ? Surtout que prévalent de surcroît la confusion des clivages couplée à une dépolitisation des enjeux politiques sous couvert d'une exigence efficiente des politiques publiques se voulant "technocratique" ? Telles sont les conclusions voisines sinon convergentes des quatre intervenants à ce rendez-vous de la Fondation Links.
Cela doit pousser à appréhender et mettre en relief des marqueurs, des identifiants propres de nature à redonner un élan et raviver l'espérance d'une meilleure société marquée du sceau de crédos : libertés, droits fondamentaux, justice sociale et territoriale, équité, progrès social, etc. Pas une addition de slogans et de postures électoralistes mais autre chose : un socle de valeurs du Maroc de demain...
Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid