Manifs, ça commence contre le pass et ça risque de finir par de la casse...




Par Aziz Boucetta

A lire ou à écouter en podcast :  (1020.19 Ko)

Moins d’un mois après sa nomination, le gouvernement Akhannouch multiplie les bourdes, qui prennent tantôt la forme de décisions de minuit, tantôt l’ignorance des appels à débattre et même, parfois, la provocation. Or, les Marocains, comme dans l’ensemble des pays du monde, sont à bout de nerfs et souhaitent sortir au plus vite de la crise et reprendre une vie normale, dans le respect de leurs droits, si possible...
 

Quand le ministre de la Santé, le Pr Khalid Aït Taleb prend, ou fait prendre par son chef Aziz Akhannouch, la décision d’imposer un pass vaccinal, l’affaire est encore petite et cernable. Les gens, même les contempteurs du pass, ont su raison garder en disant que le problème n’est pas le document désormais exigé à l’entrée d’à peu près tout, mais la manière dont cela a été décidé et le délai de mise en place qui n’a pas été accordé. Cela est le début de la chaîne de contestation…
 

A l’arrivée, on trouve des gens dans la rue, par milliers – pour ne pas dire plus –, cernés par les forces de l’ordre, avec les inévitables débordements qui surviennent en pareils cas. Et que pensez-vous que fit le gouvernement ? Il regarda ailleurs. Puis arrive le ministre de la Santé à la Chambre des conseillers et lui, le moins que l’on puisse dire est qu’il ne maîtrise pas l’art de la communication, ou qu’il vit encore dans les années 80 et 90 du siècle dernier, quand les ministres venaient à la tribune et provoquaient les gens. Qu’a-t-il dit ? « Pour préserver les acquis [du Maroc en matière de lutte anti-Covid], il nous faut maintenir les mesures de précaution sanitaire, la distanciation, les masques, et aussi (il marque une pause) … et aussi le pass ! », le ministre appuyant sur le dernier mot, avec un regard explicite de défi.
 

Puis il poursuit, répondant aux manifestations de rue : « Il me faut aujourd’hui protéger la majorité contre la minorité, car la minorité… cette minorité [avec un petit geste réducteur de la main], ce n’est pas elle qui va nous imposer son point de vue ! ». Le ministre feint d’ignorer, ou ignore vraiment, que le mouvement de protestation contre le pass n’était pas dirigé contre le principe du vaccin mais contre l’absence de débat, de la précipitation à le mettre en place, du défaut de mesures d’accompagnement (cas des 1ères doses, situation des malades chroniques ne pouvant recevoir le vaccin, explications sur l’obligation de la 3ème dose…). Et un ministre ne devrait jamais dire cela d’une minorité, lippe en moue et moue méprisante, car le gouvernement est celui de toute une population et pas seulement de sa majorité, comme pourrait normalement le lui confirmer M. Akhannouch…
 

Le Maroc est, concernant le pass vaccinal, logé à la même enseigne que les autres pays. Une minorité conteste, mais cette minorité compte des dizaines de milliers de personnes. On lui parle, on lui explique, on reçoit ses représentants, on fait le cas échéant marche arrière pour accorder un délai… Et puisqu’il est sur la même embarcation que les autres pays, le Maroc est aussi confronté au risque d’élargissement des manifestations et d’une convergence des mécontentements, voire leur agrégation, quand ce n'est pas des manoeuvres de récupération et des actes de crispation.
 

Ce serait trop bête.
 

Nous le disions, tout le monde le disait, et là, cela se confirme : le gouvernement ne dispose pas de communicateurs pour parler aux citoyens qui, rappelons-le, ont voté en masse pour cette nouvelle majorité. Le silence coupable du gouvernement met en confrontation une population énervée contre des forces de l’ordre qui ont montré tout au long de cette crise leur maîtrise des nerfs et leur professionnalisme, étant sur tous les fronts en même temps… mais un dérapage est si vite arrivé, malgré les mises en garde lancées par les initiateurs du mouvement.
 

Le Maroc est aujourd’hui une puissance géopolitiquement émergée et économiquement en voie d’émergence ; cela lui donne des ennemis, en plus des très sanguins voisins. Et quand un gouvernement laisse monter une colère citoyenne, même s’il s’agit d’une minorité, il se trompe car il prend le risque d’une généralisation des mécontentements. Prendre une décision, puis reculer pour lui laisser plus de temps n’est pas une capitulation, mais persister dans sa condescendance est une faute.
 

Une grosse faute, en tout début de mandat. M. Akhannouch doit descendre de son derrick pour parler aux gens, ou désigner quelqu’un pour le faire, puisque le porte-parole du gouvernement est aux abonnés absents.
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com



Samedi 6 Novembre 2021

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