Libertés individuelles : Amour sous le code 490


Rédigé par le Jeudi 25 Mai 2023

Il est essentiel que chaque individu ait le droit fondamental d'aimer, d'être amoureux et d'exprimer sa sexualité sans craindre d'être condamné par la loi. Cependant, il est regrettable de constater que notre code pénal actuel ne respecte pas ce droit et le limite injustement. En effet, “sont punis de l’emprisonnement d’un mois à un an, toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles.” (Article 490 du code pénal).



Selon un rapport émanant des services du Procureur général, il est indiqué qu'en 2018, un total de 7 721 adultes ont été poursuivis pour avoir eu des relations sexuelles consenties et non tarifées en dehors du mariage. Parmi ces poursuites, 3 048 concernaient l'adultère, 170 les relations homosexuelles, tandis que les autres concernaient des relations sexuelles entre personnes non mariées.

Ainsi, non seulement notre vie privée est sérieusement compromise, mais la majorité d'entre nous se retrouvent également en situation d'illégalité, comme l'ont souligné de nombreux signataires dans un manifeste initié par Leila Slimani et Sonia Terrab. “Nous sommes hors-la-loi. Nous violons des lois injustes, obsolètes, qui n’ont plus lieu d’être. Nous avons eu des relations sexuelles hors mariage, affirment les signataires en poursuivant : La culture du mensonge et de l’hypocrisie sociale génère la violence, l’arbitraire, l’intolérance. Ces lois, liberticides et inapplicables, sont devenues des outils de vengeance politique ou personnelle”.

Il semble que l'amour au Maroc soit sujet à répression, voire à des peines d'emprisonnement. Si vous essayez de voyager avec votre partenaire à travers le pays et de réserver une chambre d'hôtel dans la région de vos rêves, vous serez confronté à des professionnels du tourisme qui adopteront une attitude supérieure. Avec un air méprisant ou, au mieux, un air complice et contrarié, ils vous demanderont : "Avez-vous votre acte de mariage ?" Je dois vous dire que vous n'avez pas le droit ! Vous n'avez pas le droit de partager une chambre, ni même d'être dans une voiture garée face à l'océan pour vivre un simple moment romantique. Il y aura toujours deux policiers corrompus pour demander à votre partenaire si vous êtes sa sœur ou sa femme, et ils exigeront de voir votre acte de mariage. En réalité, votre acte de mariage devrait être considéré comme faisant partie de vos documents d'identité, au même titre qu'une carte nationale.

Il est même mentionné sur un forum dédié aux conseils pour les étrangers qui s'installent au Maroc que s'embrasser en public est considéré comme un acte répréhensible, et vivre avec une Marocaine sans être marié est passible de sanctions légales.

Il devient essentiel de promouvoir la défense des libertés individuelles, le respect de la vie privée et la possibilité de s'aimer en toute impunité, pourvu que la relation soit entre adultes consentants. C'est une nécessité pour favoriser l'évolution de notre société.
 

Que pensent les Marocains des relations sexuelles hors mariage ?

Il est affirmé par au moins trois quarts des Marocains que les relations hors mariage sont très répandues dans le pays. De plus, 60% des Marocains déclarent connaître personnellement des individus qui ont déjà eu des relations hors mariage.

Une étude menée par un groupe de chercheurs et de sociologues dans le cadre de la plateforme "Menassat" pour les recherches et les études sociales a cherché à répondre à la question de ce que pensent les Marocains des relations sexuelles hors mariage. Les résultats de cette étude sur "les libertés individuelles, représentations et pratiques" risquent de remettre en question plusieurs idées préconçues. Selon le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition du lundi 16 août, la société marocaine ne serait pas aussi "conservatrice, pieuse ou traditionaliste" qu'on pourrait le croire. Par exemple, au moins trois quarts des Marocains estiment que les relations hors mariage sont très répandues au Maroc. Le chiffre précis annoncé par les auteurs de l'étude est de 76,7%.

De plus, parmi les personnes interrogées dans différentes régions du pays, 60% affirment connaître personnellement une jeune fille ou un jeune homme qui a eu des relations sexuelles hors mariage. L'étude précise qu'il s'agit de relations "avant le mariage" pour apporter des nuances. Néanmoins, même s'il s'agit de rapports sexuels pré-matrimoniaux, 50% des Marocains estiment que ce type de relations relève des "libertés individuelles" de chaque individu. L'autre moitié des personnes interrogées mentionne, avec des proportions variables, des préoccupations morales liées à la transgression (fassad), une divergence par rapport à la religion ou encore un manque d'éducation.

Selon les auteurs de l'étude, il s'agit d'une évolution positive au sein d'une société qui a longtemps été qualifiée, peut-être à tort, de "société traditionaliste, pieuse ou majoritairement conservatrice". Cependant, il convient de noter que ces résultats doivent être interprétés avec prudence, souligne la même étude. La réaction des personnes interrogées vis-à-vis du corps de la femme et de ses libertés individuelles, en particulier sexuelles, pourrait être considérée non pas comme une conviction positive, mais plutôt comme un manque d'intérêt pour le sujet. En réponse à des questions spécifiques sur le sujet, seulement 15% des personnes interrogées estiment que les femmes ont le droit de disposer librement de leur corps en public. Ils considèrent même les femmes qui le font comme étant "libres", instruites, éclairées et ouvertes.

Cependant, parmi les personnes interrogées, il y a une minorité, soit environ 0,6%, qui considère ces mêmes femmes comme des "mécréantes". Heureusement, ce type d'opinion ne représente qu'une petite proportion des participants à l'enquête. En revanche, un nombre considérable de personnes interrogées, soit 31,3%, affirment que ces femmes sont des "filles faciles", non éduquées ou simplement perverses. Néanmoins, les auteurs de l'étude, dont les principaux résultats ont été rapportés par Al Ahdath Al Maghribia, soulignent que cette perception positive des libertés individuelles, en particulier sexuelles, même lorsqu'il s'agit des femmes, est une tendance générale. Ainsi, les réponses des personnes interrogées convergent généralement, indépendamment de leur âge, de leur sexe, de leur niveau d'instruction, de leur catégorie socioprofessionnelle ou de leur lieu de résidence.

Selon les auteurs de l’étude, l’idée que se font les sondés du corps, ou la représentation du corps pour eux, confirme également cette évolution positive. En effet, 31,9% des Marocains, soit un sondé sur trois, considèrent leur corps comme une partie d’eux-mêmes, alors que 2% des sondés le considèrent comme un outil de travail ou, selon la même proportion, comme un moyen d’expression. 8,8% de sondés confondent leur corps avec leur identité au moment où pour la majorité, soit 52,6%, il représente le «tout». En outre, 80% des sondés, ce qui est également un chiffre très significatif, sont absolument d’accord pour que chacun dispose de son corps à sa guise, en toute liberté.


Salma LABTAR 
 




Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Jeudi 25 Mai 2023
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