Messieurs les Ministres (anciens et actuels)
Ceci n’est pas une interpellation. C’est une invitation. À regarder devant. À regarder autrement. À regarder là où, peut-être, les projecteurs officiels n’éclairent pas assez.
Le Plan Maroc Vert a été un tournant. Il a modernisé l’agriculture, mobilisé les financements, structuré des filières, et permis de parler d’agriculture comme d’une locomotive économique.
Ce fameux plan vert a connu un certain niveau de réussite, mais aussi sa part d'échec ou disant le de façon plus feutrée, des objectifs non atteints particulièrement pour les petits agriculteurs.
Puis est venu la Génération Green, qui a tenté de poursuivre l’élan en parlant de jeunesse, de durabilité, de souveraineté. Vous y avez, à juste titre, mis votre signature, votre énergie, votre vision.
Mais voilà : le monde a changé. Et le climat aussi.
Ce que le Plan Vert n’avait pas anticipé, c’est l’accélération du dérèglement climatique. Les sécheresses chroniques. L’épuisement des nappes. Les inégalités territoriales renforcées. La dépendance alimentaire qui persiste. Et un modèle agricole intensif qui, malgré ses succès commerciaux, montre aujourd’hui ses limites sociales, environnementales et humaines.
Il est temps de reconnaître que nous sommes arrivés au bout d’un cycle. Et que prolonger ces plans par inertie, c’est risquer de courir après un modèle qui ne tient plus debout. Ce n’est pas un échec. C’est une métamorphose nécessaire.
Le Maroc a besoin d’un Plan Réel.
Un plan qui ne rêve pas d’exporter plus de tomates, mais d’économiser l’eau.
Un plan qui ne vise pas le rendement maximal, mais la résilience minimale.
Un plan qui ne demande pas à la technologie de tout régler, mais qui fait confiance aux savoirs locaux, aux dynamiques territoriales, aux agricultures de proximité.
Ce plan-là serait sincère, sobre et stratégique.
Il soutiendrait les pratiques agroécologiques sans les folkloriser.
Il reconnaîtrait le droit de certains territoires à “produire moins mais mieux”.
Il repenserait l’usage du foncier, des semences, de l’eau, des circuits de distribution.
Il mettrait les jeunes, les femmes et les communautés rurales au centre du jeu — non pas comme des bénéficiaires, mais comme des co-décideurs.
Monsieur le Ministre, le Maroc est à un carrefour historique. Vous avez l’opportunité de passer de la croissance agricole à la maturité agricole. De porter un modèle audacieux, réaliste, adapté au Maroc réel. Un modèle qui regarde en face les nouvelles donnes du climat, de l’énergie, de la société.
Nous n’avons plus besoin d’un plan de “relance”.
Nous avons besoin d’un plan d’aterrissage contrôlé.
Pour ne pas s’écraser. Pour redémarrer autrement.
Avec respect et conviction,
Un observateur obstinément optimiste.