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Les ports marocains : Des Phéniciens au futur port de Dakhla




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​L’Antiquité : des comptoirs phéniciens aux ports romains

Dès le XIIe siècle av. J.-C., les Phéniciens établissent des comptoirs commerciaux le long des côtes marocaines, notamment à Lixus (près de Larache) et Mogador (actuelle Essaouira). Ces établissements facilitent les échanges de produits tels que les métaux, les textiles et les denrées alimentaires avec les populations locales.​

Sous la domination romaine, des ports tels que Sala Colonia (actuelle Chellah à Rabat) sont développés. Des découvertes archéologiques à Chellah révèlent l’existence d’un quartier portuaire sophistiqué, avec quais, entrepôts et infrastructures maritimes, témoignant de l’importance stratégique de la région dans le commerce méditerranéen.​

Ces ports jouent un rôle crucial dans l’intégration du Maroc dans les réseaux commerciaux méditerranéens, facilitant l’importation de biens romains et l’exportation de produits locaux. L’architecture portuaire romaine, caractérisée par des quais en pierre et des entrepôts voûtés, influence durablement les constructions portuaires ultérieures.

​Moyen Âge : ports islamiques et échanges transsahariens

Avec l’islamisation du Maroc, les dynasties musulmanes renforcent le rôle des ports dans les échanges commerciaux et culturels. Des villes portuaires comme Ceuta, Tanger, Salé et Safi prospèrent grâce au commerce transsaharien, reliant l’Afrique subsaharienne à l’Europe et au Moyen-Orient.​

Le port de Ksar Sghir, situé sur le détroit de Gibraltar, devient un point stratégique pour les Almoravides et les Almohades, servant de base pour les expéditions vers l’Andalousie. Les Mérinides fortifient également ce port, soulignant son importance militaire et commerciale.​

Ces ports facilitent l’importation de produits tels que l’or, l’ivoire et les esclaves, et l’exportation de biens manufacturés et de denrées alimentaires. Ils deviennent également des centres de diffusion culturelle et religieuse, favorisant les échanges intellectuels et artistiques entre le Maghreb, l’Afrique subsaharienne et l’Europe.

​Époque moderne : entre influences européennes et développement portuaire

À partir du XVe siècle, les puissances européennes, notamment le Portugal, établissent des comptoirs sur la côte marocaine. Safi est occupée par les Portugais de 1488 à 1541, période durant laquelle ils construisent des fortifications encore visibles aujourd’hui.​

Au XVIIIe siècle, le sultan Mohammed ben Abdallah fonde Essaouira (anciennement Mogador) pour centraliser le commerce extérieur. Ce port, conçu par des architectes européens, devient un centre commercial majeur, attirant des marchands de diverses origines.​

Ces développements portuaires reflètent une volonté de modernisation et de contrôle du commerce maritime, tout en intégrant des influences architecturales et urbanistiques européennes. Les ports deviennent des interfaces entre le Maroc et le monde, facilitant les échanges économiques et culturels.

​Période coloniale : modernisation et infrastructures portuaires

MARINE MARCHANDE DU MAROC (1920-2020) 5 figure 2 : TAROUDANT (1913-1922) , navire à vapeur, 539 tjb, longueur 55 m ; puissance motrice 192 cv ; construit en Hollande en 1913 ; transport de marchandises, surveillance des côtes ; photo : maritiem digitaal.
MARINE MARCHANDE DU MAROC (1920-2020) 5 figure 2 : TAROUDANT (1913-1922) , navire à vapeur, 539 tjb, longueur 55 m ; puissance motrice 192 cv ; construit en Hollande en 1913 ; transport de marchandises, surveillance des côtes ; photo : maritiem digitaal.
Sous le protectorat français (1912-1956), le Maroc connaît une modernisation de ses infrastructures portuaires. Le port de Casablanca est développé pour devenir le principal port du pays, facilitant l’exportation des ressources naturelles et l’importation de biens manufacturés.​

D’autres ports, tels que Mohammedia (anciennement Fedala), sont aménagés pour des fonctions spécifiques. Mohammedia devient un port pétrolier majeur, avec la construction d’une raffinerie en 1951.​

Ces aménagements répondent aux besoins économiques de la colonie, en facilitant l’exploitation des ressources et l’intégration du Maroc dans l’économie mondiale. Ils entraînent également des transformations urbaines, avec le développement de zones industrielles et l’urbanisation des villes portuaires.

​Époque contemporaine : diversification et compétitivité internationale

Depuis l’indépendance en 1956, le Maroc poursuit le développement de son réseau portuaire. Le port de Tanger Med, inauguré en 2007, devient l’un des plus grands ports d’Afrique, renforçant la position du Maroc dans le commerce maritime international.​

Le pays met en place une stratégie portuaire nationale à l’horizon 2030, visant à structurer le réseau portuaire en six pôles régionaux, chacun ayant des vocations spécifiques (commerce, pêche, plaisance, etc.).​

Les ports marocains jouent également un rôle crucial dans le développement économique régional, en favorisant l’urbanisation, la création d’emplois et l’intégration des territoires. Ils deviennent des moteurs de croissance et de compétitivité pour l’économie nationale.

​Aspects culturels et urbanistiques

Les villes portuaires marocaines sont des creusets culturels, où se mêlent diverses influences architecturales et artistiques. Essaouira, par exemple, est connue pour sa médina classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, ses remparts et son port pittoresque.​

Safi est réputée pour sa tradition de poterie, avec le quartier des potiers et le musée national de la céramique. Ces villes témoignent de l’interaction entre les activités maritimes et le développement urbain et culturel.​

Les ports influencent également la vie sociale et économique des villes, en favorisant l’émergence de communautés cosmopolites, l’essor du commerce et la diversification des activités culturelles. Ils sont des lieux de rencontre et d’échange, reflétant la richesse et la diversité du patrimoine marocain.

De l’éclatante réussite de Tanger Med au futur port de Dakhla : la façade atlantique marocaine au cœur d’une vision royale panafricaine

S’il est un symbole de la montée en puissance maritime du Maroc au XXIe siècle, c’est bien Tanger Med. Inauguré en 2007, ce complexe portuaire a bouleversé les équilibres logistiques de toute la Méditerranée occidentale. En quelques années à peine, Tanger Med est devenu le premier port à conteneurs d’Afrique, dépassant Le Cap ou Mombasa, et figurant dans le Top 25 mondial. Mais plus qu’un exploit technique ou un succès économique, Tanger Med incarne une vision, celle d’un Maroc tourné vers l’avenir, connecté aux routes du commerce mondial, mais aussi fidèle à son rôle de trait d’union entre l’Europe, la Méditerranée et l’Afrique.

Car cette réussite ne s’arrête pas à Tanger. Depuis plusieurs années, le Maroc porte une ambition plus vaste : structurer tout le littoral atlantique comme axe de développement sud-sud, au bénéfice du Maroc mais aussi de l’Afrique de l’Ouest. Cette ambition s’inscrit dans la continuité d’une doctrine royale claire, exprimée dès 2016 lors des discours de S.M. le Roi Mohammed VI à l’Union africaine : investir l’Afrique, non comme terrain d’exportation, mais comme partenaire de co-développement.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet du port atlantique de Dakhla, présenté comme un « Tanger Med du Sud ». Annoncé en 2020, le chantier est aujourd’hui lancé. Situé à 1 200 kilomètres au sud de Casablanca, ce port en eaux profondes est pensé comme une infrastructure intégrée : il accueillera un terminal à conteneurs, un port de pêche, une zone industrielle, et des connexions routières vers la Mauritanie, le Sénégal, le Mali… Le projet est estimé à 13 milliards de dirhams, financé à la fois par des ressources nationales et des partenariats stratégiques.

Le choix de Dakhla n’est pas neutre. Il marque une volonté politique forte de faire du Sahara marocain un moteur de coopération régionale, et non plus un simple territoire périphérique. Le port de Dakhla, en s’insérant dans l’axe Casablanca-Dakhla-Dakar-Lagos, deviendra un maillon essentiel de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Il accompagnera également les ambitions énergétiques du Maroc, qui prévoit d’exporter son électricité solaire et éolienne vers l’Afrique subsaharienne à travers ce corridor.

Mais plus largement, ce projet traduit un changement de paradigme : le Maroc ne se contente plus d’être une façade de l’Europe vers l’Afrique ; il veut être une façade de l’Afrique vers le monde. Les ports marocains deviennent ainsi des plateformes continentales, où se croisent les flux maritimes, industriels et humains du XXIe siècle. Ils offrent aux économies africaines enclavées une ouverture maritime stable, sûre et technologiquement avancée.

Cette stratégie logistique s’accompagne d’un volet humain : formation des cadres africains au sein des établissements marocains, financement de projets communs, coordination douanière… Autant d’éléments qui participent à construire une intégration africaine fondée sur la souveraineté, la connectivité et la solidarité.

De Tanger Med à Dakhla, le Maroc dessine donc une nouvelle carte maritime, au service non seulement de son développement mais aussi de celui de tout un continent. Une carte où les ports ne sont plus de simples portes d’entrée commerciales, mais les piliers d’une diplomatie économique audacieuse, d’une géopolitique maritime assumée et d’une vision royale à long terme : celle d’un Maroc africain et atlantique à la fois.

Adnane Benchakroun




Mercredi 23 Avril 2025


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