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Par Dr Fouad BOUCHAREB
Le tremblement de terre du 29 Février 1960 qui est survenu à 23H40 d’une journée ou il a fait inhabituellement chaud et qui a occasionné plus de 12 000 décès a laissé une cicatrice indélébile chez la population.
J’ai toujours écouté avec intérêt plusieurs versions des personnes qui ont vécu les péripéties du séisme.
C’est comme ça que j’ai appris comment l’hôtel Saada, une des plus modernes structures hôtelière à l’époque au Maroc a été complètement détruit.
Dans cet édifice bien connu des touristes britanniques une anglaise est enfermée dans sa salle de bain, des équipes de sauvetage ont essayer de monter à travers un chaos de briques et de ruines pour lui porter secours ainsi qu'aux personnes sous les décombres.
Ce fut pénible et très risqué.
Le cinéma Salam d’une architecture incroyablement moderne et avant-gardiste par rapport à cette époque a résisté miraculeusement au séisme.
Cet édifice d’une superficie de 1200 mètres carrés existe jusqu’à ce jour.
On raconte que les spectateurs qui s’y trouvaient regardaient un film de King Kong quand le tremblement survint.
Ils ne s’aperçurent de rien. Ils furent surpris de découvrir une ville en ruine en sortant de la salle du cinéma.
Une amie me raconta aussi comment toute petite elle perdu plusieurs membres de sa famille.
Et comment chaque fois qu’elle retourne à la maison elle croit entendre encore les hurlements et les gémissements des blessés.
J’ai même assisté en 2010 à la cérémonie marquant le cinquantenaire du tremblement de terre ou un film a été projeté en exclusivité à cette occasion.
Cet événement a été présidé par Feu Son Altesse Royale La Princesse Lalla Malika Présidente du Croissant Rouge Marocain en présence de plusieurs personnalités marocaines et étrangères dont quelques uns ont participé aux opérations de sauvetage et de reconstruction.
Plusieurs témoignages révélèrent l’ampleur du séisme.
Certains paquebots étrangers qui étaient au large envoyèrent leur équipage pour les opérations de sauvetage.
Le séisme a été une renaissance pour la ville pour une reconstruction et une résurrection conformément aux hautes instructions de Feu SM le Roi Mohamed V et au suivi des opérations de sauvetage et de reconstruction de Feu SM le Roi Hassan II alors Prince héritier.
Plusieurs quartiers furent construits dans un grand élan de solidarité nationale et internationale. Talborjt , Ihchache, Tadart , la cité suisse entre autres et surtout l’hôpital Hassan II D’Agadir qui a été bâti sous forme pavillonnaire sur un seul niveau sur une superficie de 22 hectares et demie et comprenant une cinquantaine de logements et une école d’infirmiers.
Travailler à Agadir comme premier responsable dans le domaine de la santé a été toujours un privilège pour tout cadre de la santé.
D’ailleurs plusieurs ex délégués de la santé d’Agadir étaient devenus par la suite des ministres comme Feu Dr Ahmed Ramzi ou de hauts fonctionnaires du département de la santé comme Feu Dr Othman Akalay, Dr Fouad Hammadi et Dr Khallaf Ouchrif.
Je ne nourrissais pas une telle ambition par modestie mais travailler à Agadir cela ne se refuse pas.
Et c’est pour cela que j’ai accepté en Août
2007 du quitter Safi et mon poste de coordonnateur régional de la santé à Doukkala Abda pour la capitale de Souss.
Pr Mohammed Cheikh Biadillah, le valeureux ministre de la santé de l’époque m’avait proposé le poste de Directeur Régionale de la Santé de Souss Massa Daraa.
J’ai eu l’honneur de travailler avec ce haut commis de l’état quand il était Wali à la Région Doukkala Abda et aussi quand il fut nommé ministre de la santé en Novembre 2002.
Mon mandat au niveau de la Région Souss Massa Draa se passa plutôt bien malgré certaines contraintes que j’arrivais à dépasser grâce à l’aide de quelques-uns de mes collaborateurs et aussi à mon expérience de gestionnaire des services déconcentrés de la santé dans d’autres provinces et régions.
J’avais aussi des détracteurs, comme d’habitude parmi certains fonctionnaires cupides et malhonnêtes mais j’arrivais toujours à tirer mon épingle du jeu.
Mes tournées imprévues de jours comme de nuit dans les formations hospitalières étaient riches en enseignements et me permettaient de corriger les dysfonctionnements et de rappeler à l’ordre les fautifs.
La région de Souss Massa Daraa a un bon tissu associatif et un conseil régional et autres conseils élus très attentifs à la chose de la santé si bien qu’il était facile de mobiliser des ressources financières additionnelles pour répondre aux demandes de la population en matière de la santé.
L’autorité locale œuvrait aussi et beaucoup dans ce cadre là et la collaboration intersectorielle était légendaire.
L’association des amis de l’Hôpital Hassan II d’Agadir et la Fondation du Sud sont des partenaires incontournables qui nous étaient d’un apport inestimable dans plusieurs domaines sans oublier aussi les nombreux bienfaiteurs.
La collaboration dans ce domaine était légendaire et s’étendait à de nombreux domaines principalement l’achat de médicaments pour les malades cancéreux et nécessiteux, la construction et l’équipement de plusieurs centres d’hémodialyse, l’acquisition de matériel et de moyens de mobilité etc.
Je n’avais pas beaucoup de temps à réserver aux miens et à moi-même pour jouir des attractions de la ville et de la région et la plupart de mon temps je le passer dans les réunions, dans les missions de supervisions ou dans des « aller-retour » au ministère.
Mon principal souci était de servir les malades ; c’était pour moi depuis toujours le centre de mes intérêts.
Je voulais servir mon pays et mon auguste Roi Mohammed VI que Dieu le Glorifie.
Feu mon père n’avaient jamais apprécié que je fasse une carrière de gestionnaire tellement il réalisait que les problèmes de la santé sont nombreux et compliqués.
Chaque fois qu’il me rendait visite il évaluait l’ampleur et l’immensité de mes occupations et préoccupations.
IL n’arrivait jamais à jouir de ma présence à côté de lui et quand je suis à la maison j’étais soit fatigué soit dérangé tout le temps par des appels téléphoniques incessants.
Chaque coup de téléphone équivalait à un problème à résoudre, à une instruction à exécuter avec beaucoup de stress à contenir.
Papa répétait à qui
voulait bien l’entendre qu’il voulait plutôt que je soigne des malades, lui qui étaient directeur d’école pendant plus de trente six ans savait parfaitement les difficultés et l’ingratitude d’un poste de gestionnaire.
Il avait raison et moi j’ai mis beaucoup de temps pour le comprendre si bien que c’était trop tard de faire marche arrière ! Ah si je pouvais remonter le temps.
Je n’avais pas aussi beaucoup de temps à consacrer aux miens surtout à mes enfants qui trouvaient en leur maman le refuge et le support pour leur venir en aide et répondre à leurs besoins.
A titre d’anecdote, un soir à Safi j’ai invité un ami, Jean François Caron le Maire de Loos en Gohelle une commune de la région de Haut De France et sa femme à dîner chez moi. Mon Jeune fils vint les saluer et Madame Caron me demanda son niveau scolaire je lui répondis qu’il était en CE3. Mon fils se révolta alors et rétorqua non papa je suis en CE5 ! Mme Caron me taquina et me dit Dr Bouchareb occupez vous un peu des enfants !
J’ai passé quatre années à Agadir. D’Aout 2007 à Aout 2011. Trois mois après ma nomination le ministre de la santé fut nommé à d’autres fonctions et a été remplacé par une ministre de la santé.
Cela faisait le dixième ministre de la santé depuis mon recrutement.
Il fallait s’habituer à cette nouvelle situation et s’adapter aux exigences de la nouvelle hiérarchie d’autant plus que même le secrétaire général, le valeureux Dr Fouad Hammadi tira sa révérence et fut lui aussi remplacé.
J’étais serein et confiant ayant déjà vécu des situations similaires pas le passé.
Trois ans et demi après, ma hiérarchie choisira de me relever de mes fonctions pour des raisons que mes fidèles collaborateurs, mes amis, ma famille et moi-même n’avons jamais comprises.
C’était un vrai tremblement de terre qui a touché 8 directeurs régionaux de la santé !
Plusieurs hauts fonctionnaires du ministère et collègues me téléphonèrent pour me témoigner leur solidarité, empathie et leur désapprobation de cette décision.
D’autres ont brillé par leur mutisme et neutralité. Bien évidemment mes détracteurs étaient contents de me voir partir et leur laisser le champ libre.
J’ai accepté cette décision avec philosophie malgré une grande frustration que j’arrivais difficilement à dissimuler devant ma petite famille.
Il faut rappeler aussi que le mouvement « 20 Février » avait accentué les revendications dans le domaine de la santé.
Des élections anticipées furent organisées et le gouvernement Benkirane fut nommé.
J’ai eu une traversée de désert pendant sept mois ou j’ai choisi de prendre un poste modeste d’animateur de la santé scolaire et universitaire pour montrer à mes détracteurs que depuis n’importe quel poste je pouvais servir mon pays.
Le 31 Mars 2012, Amina, la secrétaire de l’honorable Pr Houcine Louardi alors ministre de la santé me téléphona pour m’annoncer d’une voix pleine d’émotion melée à une joie qu’elle n’arrivait pas à contenir que je venais d’être nommé conseiller du ministre au même titre que quelques uns de mes collègues directeurs régionaux déchargés eux aussi de leurs fonctions.
Bref ! Une justice divine et une vraie réhabilitation dont je ne remercierai jamais assez et autant Monsieur le Ministre quand à la portée noble de son geste.
Par la suite j’ai appris que de hauts responsables ont aidé et travaillé aussi pour la prise de cette décision.
Qu’il me soit permis ici de les en remercier.
Je retrouvais avec joie Rabat trente ans après l’avoir quitté à la fin de mes études médicales.
Maintenant que je suis à la retraite je reviens de temps à autre à Agadir ou je compte beaucoup d’amis encore.
Ma perception de la ville est différente. Même les itinéraires que j’emprunte sont autres que j’avais l’habitude de prendre.
J’ai du plaisir à m’attarder dans la terrasse d’un café. Je découvre les meilleurs tables et restaurants de la ville. Je marche beaucoup. Je rigole beaucoup avec mes copains. Je ne regarde jamais ma montre. Je ne compte pas le temps. Je dépense sans calculer.
Je m’habille comme je veux et surtout je me suis débarrassé des mes cravates et costumes. Et Comme se plaisait à me répéter mon maitre le Pr Jeorge Walter de L’institut de santé publique de Santa cruz Californie IHP ou j’ai étudié par le passé quand je venais au cours en costume : Fouad ! Viens en Tee Shirt et en Short mais s’il te plait ne viens jamais en costume !!
Mon téléphone ne sonne que pour m’annoncer de bonnes choses.
Mes détracteurs évitent de croiser leur regard avec le mien.
J’en fais autant. Je ne leur en veux pas. L’une d’entre eux m’a contacté dernièrement qu’elle regrettait mon départ et que les choses se sont dégradée depuis 2012.
Je redécouvre avec plaisir Agadir qui renait de ses cendres et qui est devenue l’une des plus belles du Maroc avec certainement la meilleure qualité de vie.
Je contemple le téléphérique et le mouvement incessant de ses cabines reliant la kasbah d'Agadir Oufella à la nouvelle ville d'Agadir comme un passage de relai, de la Kasba d'Ouffela au centre ville, d'un passé douloureux et triste vers un avenir rayonnant et prometteur après la renaissance de la ville.
Je me sens si heureux et si léger car je suis soulagé du fardeau des obligations professionnelles.
Je suis heureux et fier quand je passe à côté du CHU d’Agadir en construction.
Un projet sur lequel j’avais beaucoup travaillé je suis content de constater que les travaux avancent bien ! Le projet du CHU d'Agadir est indéniablement l’une de mes plus grandes satisfactions personnelles que je retiens de ma carrière à Agadir, en plus de la rénovation de l'hôpital Mohammed V de Safi et la construction du centre hospitalier provincial Lalla Hasna de la ville de Youssoufia lors de mon passage à la Région Doukkala Abda.
La seule chose que je regrette à présent est que Papa ne soit pas là dans ce bas monde pour me voir heureux, paisible, épanoui et la conscience tranquille et le sentiment du devoir accompli. Qu’il repose en paix.
Dr Fouad Bouchareb
Ex Directeur Régional de la santé à la Région de Souss Massa Daraa
Agadir le 15 juillet 2022
J’ai toujours écouté avec intérêt plusieurs versions des personnes qui ont vécu les péripéties du séisme.
C’est comme ça que j’ai appris comment l’hôtel Saada, une des plus modernes structures hôtelière à l’époque au Maroc a été complètement détruit.
Dans cet édifice bien connu des touristes britanniques une anglaise est enfermée dans sa salle de bain, des équipes de sauvetage ont essayer de monter à travers un chaos de briques et de ruines pour lui porter secours ainsi qu'aux personnes sous les décombres.
Ce fut pénible et très risqué.
Le cinéma Salam d’une architecture incroyablement moderne et avant-gardiste par rapport à cette époque a résisté miraculeusement au séisme.
Cet édifice d’une superficie de 1200 mètres carrés existe jusqu’à ce jour.
On raconte que les spectateurs qui s’y trouvaient regardaient un film de King Kong quand le tremblement survint.
Ils ne s’aperçurent de rien. Ils furent surpris de découvrir une ville en ruine en sortant de la salle du cinéma.
Une amie me raconta aussi comment toute petite elle perdu plusieurs membres de sa famille.
Et comment chaque fois qu’elle retourne à la maison elle croit entendre encore les hurlements et les gémissements des blessés.
J’ai même assisté en 2010 à la cérémonie marquant le cinquantenaire du tremblement de terre ou un film a été projeté en exclusivité à cette occasion.
Cet événement a été présidé par Feu Son Altesse Royale La Princesse Lalla Malika Présidente du Croissant Rouge Marocain en présence de plusieurs personnalités marocaines et étrangères dont quelques uns ont participé aux opérations de sauvetage et de reconstruction.
Plusieurs témoignages révélèrent l’ampleur du séisme.
Certains paquebots étrangers qui étaient au large envoyèrent leur équipage pour les opérations de sauvetage.
Le séisme a été une renaissance pour la ville pour une reconstruction et une résurrection conformément aux hautes instructions de Feu SM le Roi Mohamed V et au suivi des opérations de sauvetage et de reconstruction de Feu SM le Roi Hassan II alors Prince héritier.
Plusieurs quartiers furent construits dans un grand élan de solidarité nationale et internationale. Talborjt , Ihchache, Tadart , la cité suisse entre autres et surtout l’hôpital Hassan II D’Agadir qui a été bâti sous forme pavillonnaire sur un seul niveau sur une superficie de 22 hectares et demie et comprenant une cinquantaine de logements et une école d’infirmiers.
Travailler à Agadir comme premier responsable dans le domaine de la santé a été toujours un privilège pour tout cadre de la santé.
D’ailleurs plusieurs ex délégués de la santé d’Agadir étaient devenus par la suite des ministres comme Feu Dr Ahmed Ramzi ou de hauts fonctionnaires du département de la santé comme Feu Dr Othman Akalay, Dr Fouad Hammadi et Dr Khallaf Ouchrif.
Je ne nourrissais pas une telle ambition par modestie mais travailler à Agadir cela ne se refuse pas.
Et c’est pour cela que j’ai accepté en Août
2007 du quitter Safi et mon poste de coordonnateur régional de la santé à Doukkala Abda pour la capitale de Souss.
Pr Mohammed Cheikh Biadillah, le valeureux ministre de la santé de l’époque m’avait proposé le poste de Directeur Régionale de la Santé de Souss Massa Daraa.
J’ai eu l’honneur de travailler avec ce haut commis de l’état quand il était Wali à la Région Doukkala Abda et aussi quand il fut nommé ministre de la santé en Novembre 2002.
Mon mandat au niveau de la Région Souss Massa Draa se passa plutôt bien malgré certaines contraintes que j’arrivais à dépasser grâce à l’aide de quelques-uns de mes collaborateurs et aussi à mon expérience de gestionnaire des services déconcentrés de la santé dans d’autres provinces et régions.
J’avais aussi des détracteurs, comme d’habitude parmi certains fonctionnaires cupides et malhonnêtes mais j’arrivais toujours à tirer mon épingle du jeu.
Mes tournées imprévues de jours comme de nuit dans les formations hospitalières étaient riches en enseignements et me permettaient de corriger les dysfonctionnements et de rappeler à l’ordre les fautifs.
La région de Souss Massa Daraa a un bon tissu associatif et un conseil régional et autres conseils élus très attentifs à la chose de la santé si bien qu’il était facile de mobiliser des ressources financières additionnelles pour répondre aux demandes de la population en matière de la santé.
L’autorité locale œuvrait aussi et beaucoup dans ce cadre là et la collaboration intersectorielle était légendaire.
L’association des amis de l’Hôpital Hassan II d’Agadir et la Fondation du Sud sont des partenaires incontournables qui nous étaient d’un apport inestimable dans plusieurs domaines sans oublier aussi les nombreux bienfaiteurs.
La collaboration dans ce domaine était légendaire et s’étendait à de nombreux domaines principalement l’achat de médicaments pour les malades cancéreux et nécessiteux, la construction et l’équipement de plusieurs centres d’hémodialyse, l’acquisition de matériel et de moyens de mobilité etc.
Je n’avais pas beaucoup de temps à réserver aux miens et à moi-même pour jouir des attractions de la ville et de la région et la plupart de mon temps je le passer dans les réunions, dans les missions de supervisions ou dans des « aller-retour » au ministère.
Mon principal souci était de servir les malades ; c’était pour moi depuis toujours le centre de mes intérêts.
Je voulais servir mon pays et mon auguste Roi Mohammed VI que Dieu le Glorifie.
Feu mon père n’avaient jamais apprécié que je fasse une carrière de gestionnaire tellement il réalisait que les problèmes de la santé sont nombreux et compliqués.
Chaque fois qu’il me rendait visite il évaluait l’ampleur et l’immensité de mes occupations et préoccupations.
IL n’arrivait jamais à jouir de ma présence à côté de lui et quand je suis à la maison j’étais soit fatigué soit dérangé tout le temps par des appels téléphoniques incessants.
Chaque coup de téléphone équivalait à un problème à résoudre, à une instruction à exécuter avec beaucoup de stress à contenir.
Papa répétait à qui
voulait bien l’entendre qu’il voulait plutôt que je soigne des malades, lui qui étaient directeur d’école pendant plus de trente six ans savait parfaitement les difficultés et l’ingratitude d’un poste de gestionnaire.
Il avait raison et moi j’ai mis beaucoup de temps pour le comprendre si bien que c’était trop tard de faire marche arrière ! Ah si je pouvais remonter le temps.
Je n’avais pas aussi beaucoup de temps à consacrer aux miens surtout à mes enfants qui trouvaient en leur maman le refuge et le support pour leur venir en aide et répondre à leurs besoins.
A titre d’anecdote, un soir à Safi j’ai invité un ami, Jean François Caron le Maire de Loos en Gohelle une commune de la région de Haut De France et sa femme à dîner chez moi. Mon Jeune fils vint les saluer et Madame Caron me demanda son niveau scolaire je lui répondis qu’il était en CE3. Mon fils se révolta alors et rétorqua non papa je suis en CE5 ! Mme Caron me taquina et me dit Dr Bouchareb occupez vous un peu des enfants !
J’ai passé quatre années à Agadir. D’Aout 2007 à Aout 2011. Trois mois après ma nomination le ministre de la santé fut nommé à d’autres fonctions et a été remplacé par une ministre de la santé.
Cela faisait le dixième ministre de la santé depuis mon recrutement.
Il fallait s’habituer à cette nouvelle situation et s’adapter aux exigences de la nouvelle hiérarchie d’autant plus que même le secrétaire général, le valeureux Dr Fouad Hammadi tira sa révérence et fut lui aussi remplacé.
J’étais serein et confiant ayant déjà vécu des situations similaires pas le passé.
Trois ans et demi après, ma hiérarchie choisira de me relever de mes fonctions pour des raisons que mes fidèles collaborateurs, mes amis, ma famille et moi-même n’avons jamais comprises.
C’était un vrai tremblement de terre qui a touché 8 directeurs régionaux de la santé !
Plusieurs hauts fonctionnaires du ministère et collègues me téléphonèrent pour me témoigner leur solidarité, empathie et leur désapprobation de cette décision.
D’autres ont brillé par leur mutisme et neutralité. Bien évidemment mes détracteurs étaient contents de me voir partir et leur laisser le champ libre.
J’ai accepté cette décision avec philosophie malgré une grande frustration que j’arrivais difficilement à dissimuler devant ma petite famille.
Il faut rappeler aussi que le mouvement « 20 Février » avait accentué les revendications dans le domaine de la santé.
Des élections anticipées furent organisées et le gouvernement Benkirane fut nommé.
J’ai eu une traversée de désert pendant sept mois ou j’ai choisi de prendre un poste modeste d’animateur de la santé scolaire et universitaire pour montrer à mes détracteurs que depuis n’importe quel poste je pouvais servir mon pays.
Le 31 Mars 2012, Amina, la secrétaire de l’honorable Pr Houcine Louardi alors ministre de la santé me téléphona pour m’annoncer d’une voix pleine d’émotion melée à une joie qu’elle n’arrivait pas à contenir que je venais d’être nommé conseiller du ministre au même titre que quelques uns de mes collègues directeurs régionaux déchargés eux aussi de leurs fonctions.
Bref ! Une justice divine et une vraie réhabilitation dont je ne remercierai jamais assez et autant Monsieur le Ministre quand à la portée noble de son geste.
Par la suite j’ai appris que de hauts responsables ont aidé et travaillé aussi pour la prise de cette décision.
Qu’il me soit permis ici de les en remercier.
Je retrouvais avec joie Rabat trente ans après l’avoir quitté à la fin de mes études médicales.
Maintenant que je suis à la retraite je reviens de temps à autre à Agadir ou je compte beaucoup d’amis encore.
Ma perception de la ville est différente. Même les itinéraires que j’emprunte sont autres que j’avais l’habitude de prendre.
J’ai du plaisir à m’attarder dans la terrasse d’un café. Je découvre les meilleurs tables et restaurants de la ville. Je marche beaucoup. Je rigole beaucoup avec mes copains. Je ne regarde jamais ma montre. Je ne compte pas le temps. Je dépense sans calculer.
Je m’habille comme je veux et surtout je me suis débarrassé des mes cravates et costumes. Et Comme se plaisait à me répéter mon maitre le Pr Jeorge Walter de L’institut de santé publique de Santa cruz Californie IHP ou j’ai étudié par le passé quand je venais au cours en costume : Fouad ! Viens en Tee Shirt et en Short mais s’il te plait ne viens jamais en costume !!
Mon téléphone ne sonne que pour m’annoncer de bonnes choses.
Mes détracteurs évitent de croiser leur regard avec le mien.
J’en fais autant. Je ne leur en veux pas. L’une d’entre eux m’a contacté dernièrement qu’elle regrettait mon départ et que les choses se sont dégradée depuis 2012.
Je redécouvre avec plaisir Agadir qui renait de ses cendres et qui est devenue l’une des plus belles du Maroc avec certainement la meilleure qualité de vie.
Je contemple le téléphérique et le mouvement incessant de ses cabines reliant la kasbah d'Agadir Oufella à la nouvelle ville d'Agadir comme un passage de relai, de la Kasba d'Ouffela au centre ville, d'un passé douloureux et triste vers un avenir rayonnant et prometteur après la renaissance de la ville.
Je me sens si heureux et si léger car je suis soulagé du fardeau des obligations professionnelles.
Je suis heureux et fier quand je passe à côté du CHU d’Agadir en construction.
Un projet sur lequel j’avais beaucoup travaillé je suis content de constater que les travaux avancent bien ! Le projet du CHU d'Agadir est indéniablement l’une de mes plus grandes satisfactions personnelles que je retiens de ma carrière à Agadir, en plus de la rénovation de l'hôpital Mohammed V de Safi et la construction du centre hospitalier provincial Lalla Hasna de la ville de Youssoufia lors de mon passage à la Région Doukkala Abda.
La seule chose que je regrette à présent est que Papa ne soit pas là dans ce bas monde pour me voir heureux, paisible, épanoui et la conscience tranquille et le sentiment du devoir accompli. Qu’il repose en paix.
Dr Fouad Bouchareb
Ex Directeur Régional de la santé à la Région de Souss Massa Daraa
Agadir le 15 juillet 2022