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Par Taoufiq Boudchiche, économiste
Au-delà de la « manne financière » que représente les transferts des MRE, le Souverain a invité à rénover le cadre institutionnel, pour permettre de tirer le meilleur avantage, du capital immatériel, (compétences, expertises, partenariats, coopération pays d’accueil et d’origine que représente le capital social et culturel des nouvelles générations de marocains installés à l’étranger (femmes, jeunesse diplômée, entrepreneurs, « startup peurs »).
Le tableau de bord stratégique publié par l’IRES publié récemment (octobre 2022) nous informe que le capital immatériel représente au Maroc 75 % de la richesse globale par habitant. Par conséquent, une meilleure mobilisation des ressources immatérielles de la diaspora dans toute sa diversité mondiale, culturelle et religieuse, dans l’esprit du Discours Royal, augmenterait ce taux pour atteindre, voire dépasser, les taux des pays développés (OCDE, 80 %). Une réflexion et un débat s’imposeraient donc sur ce point précis
Pour résumer, quatre dimensions essentielles dominent les approches relatives à la diaspora. La dimension financière (banque, investissement, transferts…), la dimension sociale et culturelle (préservation des liens identitaires, mémoire et transmission, liens familiaux, liens territoriaux…), la dimension citoyenne et politique (participation à la vie citoyenne et politique dans le pays d’origine, contribution à la consolidation des liaisons entre pays hôte et pays d’origine …). La dimension territoriale qui met en exergue l’importance du lien avec les régions et territoires d’origine, notamment pour les actions de solidarité familiale, sociale et culturelle et d’investissement (immobilier et entreprises).
Sur ces différents registres, il y a des acquis incontestables mais d’autres points méritent des approches plus innovantes. La dimension financière, par exemple, est sans conteste une réussite dans ses aspects « collecte de l’épargne » et « transferts bancaires ». En revanche, sur le volet « mobilisation de l’investissement », le succès est moins au rendez-vous. Il se heurte dans le pays d’origine à la bureaucratie, à l’opacité réglementaire et financière, à un appareil administratif encore inadapté.
Pour la dimension sociale et culturelle, elle est prise en charge par plusieurs institutions dédiées. Elles remplissent leur rôle à la mesure des moyens dont elles disposent (apprentissage de la langue maternelle, encadrement religieux, lutte contre l’extrémisme..). Mais à ce niveau, il y aurait probablement lieu de mutualiser et rénover les concepts et les outils.
De nouveaux enjeux transparaissent. En effet, les diasporas sont connectées à des pays à forte influence médiatique (Turquie, pays du Moyen-Orient, parfois Iran…) du fait de l’expansion des réseaux sociaux et satellitaires. Et, d’autre part, elles subissent dans les pays d’accueil les pressions politiques des populismes triomphants (soupçons de séparatisme culturel, stigmatisations, racisme et xénophobie…). Les diasporas se trouvent ainsi entre l’enclume et le marteau.
Entre une volonté humainement légitime et compréhensible en ces temps d’incertitudes et de crises de sens, de préserver traditions et identités culturelles et, d’un autre côté, les injonctions des pays d’accueil à s’assimiler.
Le tableau de bord stratégique publié par l’IRES publié récemment (octobre 2022) nous informe que le capital immatériel représente au Maroc 75 % de la richesse globale par habitant. Par conséquent, une meilleure mobilisation des ressources immatérielles de la diaspora dans toute sa diversité mondiale, culturelle et religieuse, dans l’esprit du Discours Royal, augmenterait ce taux pour atteindre, voire dépasser, les taux des pays développés (OCDE, 80 %). Une réflexion et un débat s’imposeraient donc sur ce point précis
Pour résumer, quatre dimensions essentielles dominent les approches relatives à la diaspora. La dimension financière (banque, investissement, transferts…), la dimension sociale et culturelle (préservation des liens identitaires, mémoire et transmission, liens familiaux, liens territoriaux…), la dimension citoyenne et politique (participation à la vie citoyenne et politique dans le pays d’origine, contribution à la consolidation des liaisons entre pays hôte et pays d’origine …). La dimension territoriale qui met en exergue l’importance du lien avec les régions et territoires d’origine, notamment pour les actions de solidarité familiale, sociale et culturelle et d’investissement (immobilier et entreprises).
Sur ces différents registres, il y a des acquis incontestables mais d’autres points méritent des approches plus innovantes. La dimension financière, par exemple, est sans conteste une réussite dans ses aspects « collecte de l’épargne » et « transferts bancaires ». En revanche, sur le volet « mobilisation de l’investissement », le succès est moins au rendez-vous. Il se heurte dans le pays d’origine à la bureaucratie, à l’opacité réglementaire et financière, à un appareil administratif encore inadapté.
Pour la dimension sociale et culturelle, elle est prise en charge par plusieurs institutions dédiées. Elles remplissent leur rôle à la mesure des moyens dont elles disposent (apprentissage de la langue maternelle, encadrement religieux, lutte contre l’extrémisme..). Mais à ce niveau, il y aurait probablement lieu de mutualiser et rénover les concepts et les outils.
De nouveaux enjeux transparaissent. En effet, les diasporas sont connectées à des pays à forte influence médiatique (Turquie, pays du Moyen-Orient, parfois Iran…) du fait de l’expansion des réseaux sociaux et satellitaires. Et, d’autre part, elles subissent dans les pays d’accueil les pressions politiques des populismes triomphants (soupçons de séparatisme culturel, stigmatisations, racisme et xénophobie…). Les diasporas se trouvent ainsi entre l’enclume et le marteau.
Entre une volonté humainement légitime et compréhensible en ces temps d’incertitudes et de crises de sens, de préserver traditions et identités culturelles et, d’un autre côté, les injonctions des pays d’accueil à s’assimiler.
Signalons en outre, quant au capital culturel, le phénomène de captation des compétences et des talents des pays du Sud par les pays du Nord, sans qu’aucune compensation ne soit ni étudiée, ni octroyée aux pays d’origine. Mais la responsabilité est partagée car ces derniers à leur tour ne développent aucune véritable politique à caractère stratégique et global d’attraction de leurs talents. Ils finissent par perdre en savoir-faire et en coûts de formation de ces compétences. Il serait donc indiqué d’examiner cette question sur une base équitable entre pays d’origine et pays d’accueil.
La dimension citoyenne et politique quant à elle est encore plus complexe. Le premier constat est l’existence d’un foisonnement d’associations et d’acteurs de la société civile au sein de la diaspora dans les pays d’accueil. Elles jouent un rôle non négligeable par exemple dans la consolidation des liens entre pays d’accueil et pays d’origine (coopération décentralisée, liens humains et culturels, promotion économique…). Néanmoins, il y a une revendication forte qui reste sans réponse. Celle de la participation politique pleine et entière dans le pays d’origine. Elle n’est pas encore satisfaite alors qu’elle inscrite comme un droit constitutionnel. Cette question mérite d’être clarifiée.
Tandis que dans les pays d’accueil, les diasporas sont devenues, plus que jamais, un « objet » politique et électoraliste de premier plan. Souvent « dévalorisées » dans leur rôle, elles ont tendance en réaction, à se mobiliser plus qu’auparavant, pour participer pleinement à la définition des politiques les concernant dans les pays d’accueil. N’a t’on pas évoqué, par exemple, en France un vote communautaire, notamment musulman, qui aurait pesé sur les dernières élections présidentielles françaises ? Des soupçons non fondés mais qui suscitent méfiance et défiance.
Concernant la dimension territoriale, elle est insuffisamment exploitée. Les Régions ne font que projeter les stratégies nationales au niveau local alors qu’elles pourraient mieux exploiter des stratégies de proximité pour répondre aux besoins des MRE en investissements, encadrement social et culturel, captation des compétences, protection juridique de leurs intérêts au niveau local…. Par exemple, en matière d’investissement, malgré les efforts entrepris par les Centres régionaux d’investissement (guichet unique au sein des CRI), l’impact de leur action auprès des MRE semble limité. Une situation probablement inhérente aux prérogatives et fonctionnement des CRI.
Par ailleurs, les droits fondamentaux des diasporas sont parfois en « ballotage » au gré des aléas diplomatiques. Par exemple, les restrictions depuis plus d’une année de visas imposées par la France empêchent les visites familiales. De même, la loi sur le « séparatisme » adoptée en France, aussi justifiée soit-elle, pour combattre l’extrémisme, a été vécue comme une forme de « stigmatisation » au sein de larges couches de populations d’origine musulmane. Les accords bilatéraux sur les droits de séjour et de protection des immigrés s’en trouvent ainsi mis à mal. Il en est de même, des moyens dérisoires octroyés aux pays d’origine et ou de transit pour lutter contre l’immigration clandestine et les réseaux de traite d’être humains alors que souvent ils sont démunis et très faiblement outillés pour cela.
Par conséquent, la question migratoire se présente de plus en plus à forts enjeux socio-économiques, politiques et diplomatiques autant dans les pays d’accueil que dans les pays d’origine. Les analyses actuelles indiquent que la pression migratoire ira en s’accentuant en raison de causes déjà prévisibles telles que la migration climatique, le déclin démographique, l’accroissement des zones de tensions militaires, politiques économiques et sociales, les besoins de main d’œuvre… Elle nécessite un front commun entre les pays du Sud et les pays du Nord.
Il faudrait sans doute œuvrer à réactiver le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, dit « Pacte de Marrakech ». Adopté en 2018, il offre un cadre multilatéral de concertation et de discussion pour une meilleure protection des migrants au plan international, tout en préservant la souveraineté des États, sur leur politique migratoire.
Rédigé par Taoufiq Boudchiche, économiste
La dimension citoyenne et politique quant à elle est encore plus complexe. Le premier constat est l’existence d’un foisonnement d’associations et d’acteurs de la société civile au sein de la diaspora dans les pays d’accueil. Elles jouent un rôle non négligeable par exemple dans la consolidation des liens entre pays d’accueil et pays d’origine (coopération décentralisée, liens humains et culturels, promotion économique…). Néanmoins, il y a une revendication forte qui reste sans réponse. Celle de la participation politique pleine et entière dans le pays d’origine. Elle n’est pas encore satisfaite alors qu’elle inscrite comme un droit constitutionnel. Cette question mérite d’être clarifiée.
Tandis que dans les pays d’accueil, les diasporas sont devenues, plus que jamais, un « objet » politique et électoraliste de premier plan. Souvent « dévalorisées » dans leur rôle, elles ont tendance en réaction, à se mobiliser plus qu’auparavant, pour participer pleinement à la définition des politiques les concernant dans les pays d’accueil. N’a t’on pas évoqué, par exemple, en France un vote communautaire, notamment musulman, qui aurait pesé sur les dernières élections présidentielles françaises ? Des soupçons non fondés mais qui suscitent méfiance et défiance.
Concernant la dimension territoriale, elle est insuffisamment exploitée. Les Régions ne font que projeter les stratégies nationales au niveau local alors qu’elles pourraient mieux exploiter des stratégies de proximité pour répondre aux besoins des MRE en investissements, encadrement social et culturel, captation des compétences, protection juridique de leurs intérêts au niveau local…. Par exemple, en matière d’investissement, malgré les efforts entrepris par les Centres régionaux d’investissement (guichet unique au sein des CRI), l’impact de leur action auprès des MRE semble limité. Une situation probablement inhérente aux prérogatives et fonctionnement des CRI.
Par ailleurs, les droits fondamentaux des diasporas sont parfois en « ballotage » au gré des aléas diplomatiques. Par exemple, les restrictions depuis plus d’une année de visas imposées par la France empêchent les visites familiales. De même, la loi sur le « séparatisme » adoptée en France, aussi justifiée soit-elle, pour combattre l’extrémisme, a été vécue comme une forme de « stigmatisation » au sein de larges couches de populations d’origine musulmane. Les accords bilatéraux sur les droits de séjour et de protection des immigrés s’en trouvent ainsi mis à mal. Il en est de même, des moyens dérisoires octroyés aux pays d’origine et ou de transit pour lutter contre l’immigration clandestine et les réseaux de traite d’être humains alors que souvent ils sont démunis et très faiblement outillés pour cela.
Par conséquent, la question migratoire se présente de plus en plus à forts enjeux socio-économiques, politiques et diplomatiques autant dans les pays d’accueil que dans les pays d’origine. Les analyses actuelles indiquent que la pression migratoire ira en s’accentuant en raison de causes déjà prévisibles telles que la migration climatique, le déclin démographique, l’accroissement des zones de tensions militaires, politiques économiques et sociales, les besoins de main d’œuvre… Elle nécessite un front commun entre les pays du Sud et les pays du Nord.
Il faudrait sans doute œuvrer à réactiver le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, dit « Pacte de Marrakech ». Adopté en 2018, il offre un cadre multilatéral de concertation et de discussion pour une meilleure protection des migrants au plan international, tout en préservant la souveraineté des États, sur leur politique migratoire.
Rédigé par Taoufiq Boudchiche, économiste