Par Mustapha Sehimi
Un bilan provisoire pour les cents premières jours du nouveau gouvernement ? Une période un peu courte sans doute. Mais elle permet un regard rétrospectif et -surtout ? – de mettre l’accent sur tout ce qui reste à faire.
Des atouts politiques ? Il n’en manque pas : une forte majorité de 270 membres au sein de la Chambre des représentants à laquelle il faut ajouter le ralliement que vient d’opérer l’UC de Mohamed Sajid (23 membres) et cinq autres de MDS ; trois partis seulement dans la majorité ; la charte de la majorité signée le 6 décembre dernier ; et le soutien institutionnel du Souverain – pas politique tant il est vrai que l’action gouvernementale relève de la comptabilité de l’exécutif…
Que peut-on mettre aujourd’hui dans la besace de ce nouveau cabinet ? La loi de finances 2022 est à cet égard le texte de référence. Comment a-t-elle été accueillie ? Du côté de la CGEM, les rencontres avec trois ministres (Mohcine Jazouli, Ryad Mezzour et Nadia Fettah Alaoui) ne se sont pas traduites pour l’heure par des mesures opératoires. Le patronat a réitéré ses revendications –coût de la matière première et des facteurs de production (logistique, foncier et énergie), accès au financement,… le gouvernement, lui, a plutôt fait l’annonce de grands chantiers tels la valorisation du Made in Morroco, la souveraineté économique, agro-industrie, secteur pharmaceutique, programme de substitution à l’importation, réseau de moyenne tensions de source renouvelable).
Et la relance dans tout cela ? Le gouvernement a retenu un taux de l’ordre de 3%. Trop de prudence budgétaire ? Le CMC le relève. Un chiffre en –deçà des 4% annoncés dans le discours programme devant le parlement, voici trois mois. Les quatre premières commissions d’investissements tenus prévoient une trentaine de projets d’un montant total de plus de 22 milliards de DH générant quelque 11.000 emplois directs et indirects. Qu’en est-il maintenant des IDE ? Le flux net a progressé entre 2020 (24.741 milliards de DH) et 2021 (27.278) soit pratiquement 10%. Mais il demeure bien inférieur à 2019 (31.269) et surtout à 2018 (42.984). Là encore, un chiffre inférieur à celui de l’Afrique, laquelle, selon un rapport de la CNUCED, a enregistré 16%, alors que les IDE ont crû de 78% dans le monde. Les recettes MRE, en revanche, s’envolent avec une progression qui va de 61.295 milliards de DH en 2020 pour frôler les 100 milliards en 2021. Un trend haussier appelé, cependant selon Bank Al-Maghrib, à retrouver un rythme tendanciel d’avant-crise de l’ordre de 71 à 73 milliards de DH en 2022et 2023.
Au plan social, il vaut de noter des mesures concrètes ces dernières semaines. Ainsi, quatre décrets ont été signés, éligibles à la protection sociale. Ils intéressent le bénéfice de l’AMO et de la pension pour différentes professions particulières et des travailleurs indépendants. Sont ciblés huit millions de personnes dont 1.600.000 agriculteurs, 500.000 artisans et 170.000 chauffeurs de taxi. Une enveloppe financière globale de 11 milliards de DH. Il faut y ajouter des mesures tournées vers la création de 250.000 emplois directs créés dans les petits et les grands chantiers publics, ou encore le soutien aux initiatives individuelles et au financement de petits projets. Dans cette même ligne, deux programmes spécifiques ont été arrêtés : le premier « Awrach », de 2,25 milliards de DH pour les années 2022-2023, se propose de promouvoir l’activité professionnelle temporaire ; le second a trait, lui, au programme « Forsa », d’un montant de 1,25 milliard de DH, étalé sur cinq ans.
Devant le Parlement, le 10 janvier courant, la ministre de l’Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, a précisé que le gouvernement avait consacré pas moins de 16 milliards de DH au soutien du pouvoir d’achat des citoyens : suspension des droits de douanes des importations de blé dur et tendre, du coton et du beurre aussi. Mais l’année nouvelle se présente sous le signe de l’inflation. Pour Bank Al-Maghrib, les prévisions retiennent un taux de 2,1% contre 1,2% en moyenne au cours de la décennie pré-Covid. Quant à l’inflation sous-jacente, retraçant la tendance des prix, elle se situerait autour de 3%, avec l’envol du cours des matières premières à l’international.
La situation de l’emploi est présentée comme l’une de priorités. Un dossier sur lequel le nouveau cabinet est très attendu. L’on compte aujourd’hui 1.447.000 personnes à la recherche d’emploi. Il faut sans doute y ajouter celles qui sont en sous-emploi ou avec des emplois précaires, journaliers ou hebdomadaires. Un recul du taux de chômage a été observé durant le troisième trimestre. Cette tendance va-t-elle se confirmer ? Mais ce qui frappe c’est le taux de chômage de diplômés qui, lui, a augmenté passant de 23,5% à 25,7%. A noter encore un taux élevé chez les femmes dans les villes (16,5%) et plus encore dans la tranche d’âge des jeunes de 15-24 ans.
Tout se jouera sur la croissance. L’année 2021 a fini avec un taux de 6,7% alors que 2020 avait accusé une baisse de 6,3% par rapport à 2019. Pour 2022, le gouvernement a avancé un chiffre de l’ordre de 3% puis de 3,4% en 2023. Des critiques ont déjà été formulées à propos de ce modeste taux lui reprochant un manque d’ambition. La valeur ajoutée du secteur agricole, de près de 18% - par suite d’une campagne exceptionnelle – reste bien inférieure pour ce qui est activités agricoles avec 5% en 2021 et quelque 3% seulement en 2022 et 2023.
Agrégats : au vert clignotant
Pour ce qui est des grands agrégats, le compte courant a été de – 2,5% en 2021 contre – 1,5% un an auparavant ; le solde va se creuser davantage en 2023 et même 2024 avec – 5% par rapport au PIB.
Autre secteur macro-économique : l’export avec un certain nombre de clignotants au vert. Les exportations ont grimpé de 22% et sont tirées par la forte hausse des cours du phosphate et des dérivés (+52%) et des ventes du secteur automobile (13%) - une tendance appelée à se maintenir en 2022. Le textile est également dans un trend haussier (+20%), de même que l’agriculture et l’agroalimentaire (+10%). Quant aux importations, elles ont progressé de 24%, creusant le déficit commercial autour de 26%. La facture énergétique pèse lourdement à ce sujet avec un chiffre de 67 milliards de DH (+49%) par suite du renchérissement continu du baril de pétrole jusqu’à 80 dollars à la fin 2021. Le flux net des IDE est en hausse en 2021 avec 27,3 milliards de DH (+14%) mais sans retrouver le niveau des années pré-Covid (31,3 en 2019 et 43,6 en 2018. Quant aux recettes MRE, elles se sont élevées à la fin décembre 2021 au chiffre record de 100 milliards de DH alors qu’elles se situaient, lors des années précédentes, dans un palier de 60 milliards de DH.
Un indicateur reste préoccupant : celui de l’endettement du Trésor de l’ordre de 76%. Cela tient à l’impact de la pandémie et en particulier à la contraction du PIB. L’encours global est évalué à hauteur de 1.000 milliards de DH. Tant pour Bank Al-Maghrib que pour le FMI et la Banque mondiale, cette dette reste « soutenable mais sa sensibilité aux chocs à court terme a augmenté ». Des atouts politiques ? Il n’en manque pas : une forte majorité de 270 membres au sein de la Chambre des représentants à laquelle il faut ajouter le ralliement que vient d’opérer l’UC de Mohamed Sajid (23 membres) et cinq autres de MDS ; trois partis seulement dans la majorité ; la charte de la majorité signée le 6 décembre dernier ; et le soutien institutionnel du Souverain – pas politique tant il est vrai que l’action gouvernementale relève de la comptabilité de l’exécutif…
Que peut-on mettre aujourd’hui dans la besace de ce nouveau cabinet ? La loi de finances 2022 est à cet égard le texte de référence. Comment a-t-elle été accueillie ? Du côté de la CGEM, les rencontres avec trois ministres (Mohcine Jazouli, Ryad Mezzour et Nadia Fettah Alaoui) ne se sont pas traduites pour l’heure par des mesures opératoires. Le patronat a réitéré ses revendications –coût de la matière première et des facteurs de production (logistique, foncier et énergie), accès au financement,… le gouvernement, lui, a plutôt fait l’annonce de grands chantiers tels la valorisation du Made in Morroco, la souveraineté économique, agro-industrie, secteur pharmaceutique, programme de substitution à l’importation, réseau de moyenne tensions de source renouvelable).
Et la relance dans tout cela ? Le gouvernement a retenu un taux de l’ordre de 3%. Trop de prudence budgétaire ? Le CMC le relève. Un chiffre en –deçà des 4% annoncés dans le discours programme devant le parlement, voici trois mois. Les quatre premières commissions d’investissements tenus prévoient une trentaine de projets d’un montant total de plus de 22 milliards de DH générant quelque 11.000 emplois directs et indirects. Qu’en est-il maintenant des IDE ? Le flux net a progressé entre 2020 (24.741 milliards de DH) et 2021 (27.278) soit pratiquement 10%. Mais il demeure bien inférieur à 2019 (31.269) et surtout à 2018 (42.984). Là encore, un chiffre inférieur à celui de l’Afrique, laquelle, selon un rapport de la CNUCED, a enregistré 16%, alors que les IDE ont crû de 78% dans le monde. Les recettes MRE, en revanche, s’envolent avec une progression qui va de 61.295 milliards de DH en 2020 pour frôler les 100 milliards en 2021. Un trend haussier appelé, cependant selon Bank Al-Maghrib, à retrouver un rythme tendanciel d’avant-crise de l’ordre de 71 à 73 milliards de DH en 2022et 2023.
Au plan social, il vaut de noter des mesures concrètes ces dernières semaines. Ainsi, quatre décrets ont été signés, éligibles à la protection sociale. Ils intéressent le bénéfice de l’AMO et de la pension pour différentes professions particulières et des travailleurs indépendants. Sont ciblés huit millions de personnes dont 1.600.000 agriculteurs, 500.000 artisans et 170.000 chauffeurs de taxi. Une enveloppe financière globale de 11 milliards de DH. Il faut y ajouter des mesures tournées vers la création de 250.000 emplois directs créés dans les petits et les grands chantiers publics, ou encore le soutien aux initiatives individuelles et au financement de petits projets. Dans cette même ligne, deux programmes spécifiques ont été arrêtés : le premier « Awrach », de 2,25 milliards de DH pour les années 2022-2023, se propose de promouvoir l’activité professionnelle temporaire ; le second a trait, lui, au programme « Forsa », d’un montant de 1,25 milliard de DH, étalé sur cinq ans.
Devant le Parlement, le 10 janvier courant, la ministre de l’Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, a précisé que le gouvernement avait consacré pas moins de 16 milliards de DH au soutien du pouvoir d’achat des citoyens : suspension des droits de douanes des importations de blé dur et tendre, du coton et du beurre aussi. Mais l’année nouvelle se présente sous le signe de l’inflation. Pour Bank Al-Maghrib, les prévisions retiennent un taux de 2,1% contre 1,2% en moyenne au cours de la décennie pré-Covid. Quant à l’inflation sous-jacente, retraçant la tendance des prix, elle se situerait autour de 3%, avec l’envol du cours des matières premières à l’international.
La situation de l’emploi est présentée comme l’une de priorités. Un dossier sur lequel le nouveau cabinet est très attendu. L’on compte aujourd’hui 1.447.000 personnes à la recherche d’emploi. Il faut sans doute y ajouter celles qui sont en sous-emploi ou avec des emplois précaires, journaliers ou hebdomadaires. Un recul du taux de chômage a été observé durant le troisième trimestre. Cette tendance va-t-elle se confirmer ? Mais ce qui frappe c’est le taux de chômage de diplômés qui, lui, a augmenté passant de 23,5% à 25,7%. A noter encore un taux élevé chez les femmes dans les villes (16,5%) et plus encore dans la tranche d’âge des jeunes de 15-24 ans.
Tout se jouera sur la croissance. L’année 2021 a fini avec un taux de 6,7% alors que 2020 avait accusé une baisse de 6,3% par rapport à 2019. Pour 2022, le gouvernement a avancé un chiffre de l’ordre de 3% puis de 3,4% en 2023. Des critiques ont déjà été formulées à propos de ce modeste taux lui reprochant un manque d’ambition. La valeur ajoutée du secteur agricole, de près de 18% - par suite d’une campagne exceptionnelle – reste bien inférieure pour ce qui est activités agricoles avec 5% en 2021 et quelque 3% seulement en 2022 et 2023.
Agrégats : au vert clignotant
Pour ce qui est des grands agrégats, le compte courant a été de – 2,5% en 2021 contre – 1,5% un an auparavant ; le solde va se creuser davantage en 2023 et même 2024 avec – 5% par rapport au PIB.
Autre secteur macro-économique : l’export avec un certain nombre de clignotants au vert. Les exportations ont grimpé de 22% et sont tirées par la forte hausse des cours du phosphate et des dérivés (+52%) et des ventes du secteur automobile (13%) - une tendance appelée à se maintenir en 2022. Le textile est également dans un trend haussier (+20%), de même que l’agriculture et l’agroalimentaire (+10%). Quant aux importations, elles ont progressé de 24%, creusant le déficit commercial autour de 26%. La facture énergétique pèse lourdement à ce sujet avec un chiffre de 67 milliards de DH (+49%) par suite du renchérissement continu du baril de pétrole jusqu’à 80 dollars à la fin 2021. Le flux net des IDE est en hausse en 2021 avec 27,3 milliards de DH (+14%) mais sans retrouver le niveau des années pré-Covid (31,3 en 2019 et 43,6 en 2018. Quant aux recettes MRE, elles se sont élevées à la fin décembre 2021 au chiffre record de 100 milliards de DH alors qu’elles se situaient, lors des années précédentes, dans un palier de 60 milliards de DH.
Mais à propos d’endettement, il faut relever la situation des entreprises qui devient préoccupante. Selon une étude de Bank Al-Maghrib, la vulnérabilité frappe trois entreprises sur 10 ; le risque de liquidité est plus élevé à hauteur de 40%. Le gouvernement a opportunément décidé de régler les arriérés de paiement de la TVA dus aux entreprises avec un premier versement de 2,5 puis de 1,5 milliards suivi de 9 milliards de DH en avril prochain.
L’année 2022 doit être celle de l’engagement des réformes prévues et de leur accélération. Des priorités. Un agenda. La mobilisation des moyens de réalisation. Et une communication conséquente, lisible, pouvant entraîner l’adhésion voire le soutien. Le « savoir-faire » présumé de ce cabinet ne suffit pas ; il doit être couplé au faire-savoir.
Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid