Par Taoufiq Boudchiche, économiste et essayiste
Il est vrai que le football a acquis un statut particulier aussi bien dans ses dimensions sportives, financières, géopolitiques et géo culturelles. La communion des peuples du Sud avec les victoires inattendues de l’équipe marocaine sont perçues comme une revanche sur l’histoire coloniale, sur l’occidentalo-centrisme, sur l’impérialisme, sur la pauvreté … les cris de joie des supporters résonnent dans le tiers-monde en guise de rappel au droit à la fierté et à la dignité bafoué. Des cris du cœur dont les échos dépassent les limites du monde sportif. Ils font réfléchir entre autres sur les mutations mondiales en cours dans lesquelles la multipolarité n’en est qu’une des manifestations.
Les cris du cœur émanant des peuples du Sud, c’est aussi pour dire stop « au deux poids deux mesures » du traitement international des conflits en cours. Il s’agit de cris du cœur qui méritent d’être entendus pour un monde meilleur. Des cris du cœur pour l’unité et la solidarité au sein du monde arabe. Également solidaire avec l’Afrique meurtrie par un destin douloureux préfabriqué en dehors du continent. L’intelligentsia des pays du Nord et les puissants de ce monde doivent écouter ces cris du cœur car s’y trouve concentrée l’âme actuelle de l’humanité. Son souffle est aujourd’hui footballistique.
Dans ce monde où les tragédies sont nombreuses en Ukraine, au Sahel, en Amérique du Sud, en Iran, en Afghanistan, Syrie, Irak… elles méritent autant l’empathie mondiale. Comme ces manifestants de la liberté en Iran qui encourent la peine de mort quand ils tombent entre les mains du système totalitaire des mollahs. Ce moment de joie footballistique semble comme un mirage miraculeux dans un monde tourmenté.
Pour revenir au match France-Maroc, les deux équipes formées en majorité de doubles nationaux, l’exploit est et sera d’abord sportif. Mais ils auront insufflé, tant de joie aux supporters, que des ponts entre les différents mondes sont érigés et des messages multiples à en tirer. Des mondes au Nord, au Sud, à l’Est, à l’Ouest, qui n’aspirent qu’à un avenir meilleur. Mbappé et Hakimi ne sont-ils pas d’abord des « potes » que leurs origines d’immigrés maghrébins et africains vivant en Europe rapprochent plus qu’elles ne les séparent. Cela n’empêchera pas une belle confrontation sportive. C’est cela la magie du football. Tant pis pour les prêcheurs de la division.
Le monde peut dire Merci aux lions de l’Atlas.