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Le mariage des mineures impacte négativement le développement économique


Rédigé par le Lundi 19 Février 2024

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a suggéré de prendre rapidement des mesures pour mettre un terme au mariage des mineures dans toutes ses manifestations, un problème qui affecte principalement les filles en tant que futures femmes. Il recommande l'adoption d'une stratégie globale, axée notamment sur l'abrogation des articles permettant des exceptions à l'âge légal pour le mariage dans le Code de la famille.



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Le Conseil a observé dans son avis sur le "Mariage des filles mineures et ses effets nocifs sur leur situation économique et sociale" que les données officielles révèlent une augmentation du nombre de mariages d'enfants depuis l'adoption du Code de la famille en 2004. Cette tendance se manifeste à la fois en termes de nombre absolu de mariages de mineures enregistrés et en pourcentage du total des contrats de mariage conclus chaque année.

Dans cet avis, préparé en réponse à une demande du président de la Chambre des représentants sur le sujet, le Conseil a souligné que le pic des mariages d'enfants a été atteint en 2011, avec 39 031 contrats de mariage impliquant des mineurs, représentant environ 12% du total des contrats de mariage pour la même année. Depuis, ce chiffre a progressivement diminué pour atteindre 12 940 contrats de mariage en 2022.

Outre les conséquences directes sur les mineurs, cet avis a mis en évidence l'impact négatif du mariage précoce sur le développement économique et social des sociétés. En effet, il peut contribuer à la perpétuation de la pauvreté intergénérationnelle et des inégalités entre les sexes. Ainsi, les répercussions sociales et économiques du mariage des mineurs sont considérables, touchant non seulement les individus directement concernés, mais également la société dans son ensemble.

Les données indiquent que la plupart des filles mariées proviennent de milieux défavorisés, vivent en milieu rural et ont un faible niveau d'éducation, voire très faible. Les régions de Marrakech-Safi, Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra, Fès-Meknès et Béni Mellal-Khénifra enregistrent les plus forts taux de mariages de filles, respectivement à 18,5%, 17,5%, 13,1%, 11,9% et 11,3%.

Le Conseil a appelé à l'harmonisation des dispositions du Code de la famille avec la Constitution, ainsi qu'avec les conventions visant à éliminer toute forme de discrimination à l'égard des femmes et les conventions internationales relatives aux droits de l'enfant. Cela implique de prendre en considération "l'intérêt supérieur de l'enfant".

Il a souligné la nécessité d'une interdiction claire dans le Code de la famille de toutes formes de discrimination à l'encontre des enfants, en accord avec l'article 32 de la Constitution, et de l'abrogation des articles 20, 21 et 22 du Code de la famille, qui permettent des exceptions dans l'application de la règle de l'âge légal pour le mariage.

L'article 20 du Code de la famille stipule que "Le juge de la famille chargé du mariage peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l’âge de la capacité prévu à l’article 19 ci-dessus, par décision motivée précisant l’intérêt et les motifs justifiant ce mariage, après avoir entendu les parents du mineur ou son représentant légal, et après avoir eu recours à une expertise médicale ou procédé à une enquête sociale. La décision du juge autorisant le mariage d’un mineur n’est susceptible d’aucun recours".

L'article 21 du Code stipule que "Le mariage du mineur est subordonné à l’approbation de son représentant légal. L’approbation du représentant légal est constatée par sa signature apposée, avec celle du mineur, sur la demande d’autorisation de mariage et par sa présence lors de l'établissement de l'acte de mariage. Lorsque le représentant légal du mineur refuse d’accorder son approbation, le juge de la famille chargé du mariage statue en l’objet". L'article 22 stipule pour sa part  que "Les conjoints, mariés conformément aux dispositions de l’article 20 ci-dessus, acquièrent la capacité civile pour ester en justice pour tout ce qui concerne les droits et obligations nés des effets résultant du mariage. Le tribunal peut, à la demande de l’un des conjoints ou de son représentant légal, déterminer les charges financières qui incombent au conjoint concerné et leurs modalités de paiement".

Le Conseil a proposé l'inclusion d'une disposition légale dans le Code de la famille concernant le principe de "l'intérêt supérieur de l'enfant", définissant ce principe et précisant sa mise en application conformément aux recommandations du Comité des droits de l'enfant. De plus, il a recommandé d'ajouter explicitement dans le Code de la famille l'empreinte génétique (ADN) comme élément scientifique parmi les preuves de paternité, que le juge doit utiliser pour établir la filiation paternelle en cas de non-reconnaissance par le père.

Le Conseil a également encouragé la lutte contre les pratiques préjudiciables aux enfants en mettant en œuvre de manière durable et intégrée différentes politiques et mesures publiques au niveau national et territorial. Cela inclut le renforcement des systèmes de protection et d'assistance sociale, ainsi que le soutien matériel aux familles défavorisées ayant des filles en âge d'être scolarisées afin de prévenir leur mariage pour des motifs sociaux.

Les recommandations du Conseil ont également suggéré d'inclure les mariages de filles mineures par des contrats de "kafala" dans le cadre de la loi n° 27.14 relative à la lutte contre la traite des êtres humains, en visant à criminaliser et à combattre cette pratique. De plus, elles ont appelé à encourager le débat public et le développement d'une réflexion collective sur diverses questions liées au mariage, à l'intégrité physique, à l'avortement, au viol, à l'agression sexuelle et au viol conjugal.

Enfin, le Conseil a conclu sur la nécessité de suivre et d'évaluer les progrès dans l'élimination du mariage des filles mineures en mettant en place un système d'information intégré basé sur des indicateurs alignés sur les droits de l'enfant et son intérêt supérieur, ainsi que sur les objectifs de développement durable. Cela comprend la collecte de données sur les cas potentiels de mariages et de divorces de filles mineures, les actions en reconnaissance de mariage liées à l'âge légal, les cas d'abandon de femmes mineures et les cas de violence conjugale et familiale contre les épouses mineures.

Il a également recommandé la rédaction d'un rapport annuel présenté par les autorités gouvernementales chargées de l'enfance devant les comités concernés des deux chambres du Parlement, fournissant des informations sur l'évolution du mariage des filles mineures et les mesures prises dans le cadre des politiques publiques pertinentes pour réduire les causes de cette pratique.

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Salma Labtar
Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Lundi 19 Février 2024

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