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Par Aziz Boucetta
Aziz Akhannouch avait présenté le bilan de son mi-mandat en avril dernier et, comme on pouvait s’y attendre, cet exposé des réalisations s’est résumé en une longue litanie de chiffres et une forte dose d’autosatisfaction riante. Mais les jeunes pleurent, leurs parents aussi ; ils s’exposent à la mort et que peut-on imaginer de pire quand 3.600 Marocains agissent ainsi, trois semaines après que plus de 300 autres jeunes de chez nous aient tenté de rallier Sebta à la nage ?
Dans l’un et l’autre cas, alors que tous ces jeunes désespérés tentent la sortie, le gouvernement, lui, fait tranquillement sa rentrée ! Alors que des jeunes tentaient de s’en aller en août, en septembre, taquinant la mort, le RNI, lui, se fêtait avec 4.000 autres jeunes, transportés à Agadir pour festoyer et entendre leurs champions s’insulter copieusement avec l’ancien chef du gouvernement Benkirane, avant que ces mêmes champions RNIStes ne s’éparpillent face à la montée de la colère.
Et pourtant, pouvait-on s’attendre à autre chose, après les alertes du HCP, du CESE, des organismes internationaux, des médias marocains, de la société civile ? Pouvait-on prédire un autre comportement de nos jeunes alors que les NEETs (sans éducation, sans formation, sans emploi) sont au nombre inquiétant de plus de 1,5 million âgés de 15 à 24 ans, 4,3 millions si on pousse à 35 ans. Le chômage est à plus de 13% et chaque année, le Maroc recense 200.000 nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi, plus 400.000 jeunes en décrochage scolaire ou universitaire, alors que le pays n’offre que quelques dizaines de milliers d’emplois.
Ajoutés à cela les centaines de milliers d’enfants nés de mères célibataires, certainement comptés dans les NEETs mais ayant des dispositions psychologiques extrêmes à l’égard d’une société qui les a rejetés et malmenés. Et, enfin, il y a cette conjoncture internationale qui n’est pas spécialement incitatrice à la création de richesses et donc d’emplois, au Maroc comme ailleurs.
En face de tout cela, nous avons le gouvernement et son chef qui aime, avec ses collaborateurs ministres chargés de l’économie et de l’investissement, dérouler des listes de chiffres à dix chiffres aussi insipides qu’inutiles.
Avez-vous déjà essayé de parler à un NEET ou un jeune prêt à risquer sa vie en allant à Sebta des milliards de la charte d’investissement ?... Face à cela, nous avons un gouvernement dirigé par un homme dont l’entreprise familiale a été directement ciblée par le Conseil de la concurrence pour participation à concurrence déloyale… nous avons un gouvernement confronté à un stress hydrique angoissant, à des rumeurs (au Maroc, souvent, une rumeur est une info non officielle mais avérée) de conflits d’intérêts, et nous avons une majorité faite en partie d’élus soit véreux soit incompétents, parfois les deux.
Pourquoi dans ce pays, qui a lancé tant de projets économiques, sociaux, sociétaux… la population n’en retire pas les bénéfices, ou a le sentiment de ne pas en recevoir les fruits, alimentant ainsi cette immense frustration et ce non moins grand manque de confiance ?
Alors que faire ? Le gouvernement de M. Akhannouch, comme la plus belle fille du monde, ne peut donner plus que ce qu’il n’a… et face à la situation actuelle, sociale, économique et politique, il devient important, crucial, fondamental, vital même pour ce pays, de penser sérieusement à la voie à suivre pour mettre notre classe politique au niveau requis pour répondre aux attentes, et expliquer ce qu’elle fait. A l’impossible nul n’est certes tenu mais à l’effort et à l’explication, tout le monde est en revanche tenu.
Tout est politique, dit-on… et donc la solution ne viendra que d’un politique qui épouse parfaitement les évolutions sociales. Si le Maroc a 5 millions d’expatriés (on attend les chiffres du recensement en cours), 4 millions de NEETs et 100.000 détenus, c’est qu’il y a problème quelque part, et ce problème ne saurait être résolu que par la loi et l’action exécutive, c’est-à-dire par le et la politique.
Que le Maroc continue d’ignorer sa classe politique, en la craignant ici et en la boudant là, en la triturant ici et en refusant de voter là, et il sera exposé à moult dangers que chacun de nous peut prévoir en observant ce qui se produit ailleurs. Il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas encore sortis des effets de la crise Covid et que le stress hydrique, et donc agricole, est de plus en plus inquiétant.
Et tout cela se passe alors que nous devons honorer tant d’échéances dans les quelques années à venir, des échéances internes et externes. Si en 2026, nous avons toujours la même classe politique, nous risquons fort de reconduire les mêmes problèmes domestiques et de ne pas relever comme il se doit les défis extérieurs.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost