Par Aziz Boucetta
Les élections du 8 septembre et les résultats auxquels ils ont donné lieu rappellent un événement passé plutôt inaperçu voici un peu plus de deux mois. Voici un peu plus de deux mois, donc, la veuve de l’ancien Premier ministre Abderrahmane el Youssoufi signait un acte de donation de tous les avoirs, meubles, immeubles et écrits divers aux Archives nationales et à la Fédération des musées. Un acte de don qui donne à réfléchir…
Quelle est la différence entre les politiques d’aujourd’hui et ceux d’hier, ici et ailleurs ? Le Verbe et l’ascèse. Jadis, les responsables politiques, pour être élus, devaient sillonner leurs pays, parler à tout le monde, et être convaincants. Pour cela, il leur fallait disposer d’une dose de culture et d’érudition qui leur procuraient les mots adéquats, l’empathie voulue et, en conséquence, la grande force de persuasion qui était la leur.
Naguère, aussi, et ceci expliquant cela, les personnels politiques n’étaient pas nécessairement connus pour leurs richesses et leurs patrimoines, du moins dans les grandes démocraties. On se souvient, à cet égard, de la réflexion faite par Georges Pompidou à l’alors jeune et ambitieux Jacques Chirac, qui disposait d’un château en Corrèze : « Ah ! Quand on veut faire de la politique, il ne faut pas avoir de château... sauf s'il est dans la famille au moins depuis Louis XV ! ».
« O tempora, o mores », criait le grand Cicéron, et son cri est toujours valable aujourd’hui… A chaque époque ses habitudes… Aujourd’hui, avec la mercantilisation du monde, et plus particulièrement de la politique, nous verrons de plus en plus de riches accéder au pouvoir dans les différents pays, et exemples sont légion : Donald Trump pour le plus récent, mais aussi l’Ukrainien Petro Porochenko, le Chilien Sebastian Piñera ou, plus anciennement, comme prémisses de cette tendance, Silvio Berlusconi ou Thaksin Shinawatra en Thaïlande.
Le Maroc ne déroge pas à la règle, ayant vu l’apparition, puis l’émergence, et enfin le triomphe des riches, conduits par Aziz Akhannouch, mais aussi Moulay Hafid Elalamy, et d’autres encore… Est-ce une mauvaise chose ? Pour la politique, assurément oui, mais pour la pratique et le pragmatisme, pas forcément. A chaque époque, ses habitudes, donc…
Le monde d’hier avait besoin de sachants mais celui d’aujourd’hui est plus marchand, et il a donc besoin de praticiens. Il faut juste que les choses se fassent dans les règles et que les intérêts de la communauté puissent être préservés. Il existe une institution pour cela, et elle a pour nom la justice, elle-même soutenue et alimentée en informations par la société civile. De la même manière que quand le bâtiment va, tout va, lorsque le châtiment ne va pas, rien ne va !
Le geste donc, de feu Abderrahmane el Youssoufi, qui pourrait être suivi par celui d’autres grands personnages historiques de l’Etat, devrait donner à réflechir à celles et ceux qui seront appelés à nous gouverner, pas tant sur l’aspect pécuniaire de la donation, mais surtout le côté moral. Quand on fait de la politique, c’est pour servir. On peut ne pas être dans l’ascèse, mais il faut servir et à défaut de faire des dons, on peut toujours commencer par le don de soi, une expression qui implique tellement de qualités, abnégation, altruisme, désintéressement…
Nos futurs gouvernants auront-ils la sagesse de comprendre cela, et de l’appliquer, ou n’auront-ils d’yeux que sur leurs chiffres, ceux de la nation et ceux de leurs affaires, même s’il n’y a pas de relation ou de corrélation entre eux, ce qu’on espère… Le Maroc inaugure une nouvelle ère où ce sont les entrepreneurs qui dirigeront ce qui ne doit pas devenir le Maroc SA.
Nous ne pouvons que l’espérer !
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