Par Naïm Kamal
Ce faisant, le Chef du gouvernement a prêté le flanc à ses détracteurs inconditionnels que l’on commence à retrouver dans ce « néo parti » des « Marocains nouveaux » ou des « Nouveaux Marocains », allez savoir, un conglomérat des Akhannouch-bashing plus ou moins sincères et de professionnels de la politique et des « bonnes affaires », dont l’alternative Aziz (pour les intimes), Ssi Aziz (pour les familiers), perturbe les plans et dérange leur quiétude.
Trois mois et dix jours
Dans sa chronique de cette semaine, Abdeslam Seddiki a souligné l’insignifiance de cette tradition très étasunienne des 100 jours et sa raison d’être, rappelant les mille jours revendiqués par l’américain Barak Obama à son arrivée à la Maison Blanche en 2009. Sauf exception rare, que peut offrir en trois mois et dix jours comme bilan un gouvernement et que peut-il dire de plus que son programme adopté par le Parlement n’ait pas déjà spécifié ? Mais qu’est-ce qu’il n’aurait pas entendu s’il ne s’y était pas soumis
Aziz Akhannouch était dans son droit de vouloir maitriser son temps d’antenne en s’assurant « une marge de rattrapage ». Nul n’ignore que le chef du gouvernement est un entrepreneur et un homme d’affaires économe, en bon Soussi, de ses mots. Et même si dans la reconstruction du RNI il a offert une palette d’efficacités dans l’action et le discours, l’homme des conseils d’administration et de décision reste réfractaire à la faconde oiseuse d’un Abdalilah Benkirane et ne doit pas beaucoup apprécier les sorties de route d’un Abdellatif Ouahbi, ni la « politicité technécisée » d’un Nizar Baraka, sans aspérités apparentes pour mieux dissimuler ce qu’elle a de soumis et de rentier.
Le piège du ramage
Le Chef du gouvernement joue dans une catégorie autre que, par exemple, Driss Lachgar ou autrefois Hamid Chabat. Il répugne au ramage et au plumage, un piège de renards à corbeaux. Ceux qui espéraient donc un pugilat ou, à l’inverse, aspiraient à un chant de rossignoles, ont dû se livrer mercredi soir aux bras de Morphée déçus. Ses détracteurs de toujours, peu leur importait ce qu’il a dit et comment il l’a dit, Aziz Akhannouch « n’a pas été bon », point barre. Même quand ils ne l’ont pas vu. Pour tous les autres, ils ont assisté à un exercice sobre, fluide, clair et sans surenchère, ne niant ni ne reniant ses préférences pour un gouvernement qui « parle moins et agit plus ».
Il faut bien le dire, le gouvernement Akhannouch est mal tombé. La faute à pas de chance. Dans une conjoncture d’une complexité que le Maroc n’a peut-être connue que dans les années quatre-vingt/quatre-vingt-dix durant l’ajustement structurel qui a amené le Roi Hassan II à rappeler aux plus intelligents des Marocains de l’époque, son opposition, que les pays aussi peuvent être frappés de crise cardiaque sans distinction de ce que dans le corps socio-politico-économique il y a de sain et de malsain.
La volonté du Roi
Si les gouvernements dirigés par les islamistes ont commencé dans l’optimisme et l’enthousiasme nés d’un double élan réformiste, celui du Roi Mohammed VI et celui impulsé par le « printemps arabe », pour finir en pâte mâchée par la double crise produit de leur mauvaise gestion et, sur la fin, de la pandémie ; le gouvernement actuel a entamé sa mandature avec le handicape multidimensionnel et bien installé du sinistre qui frappe plusieurs secteurs alors qu’à terme pas grand monde pour dire de quoi demain sera fait.
Si bien que pour vouloir figurer dans ce cabinet, ou il faut avoir des dents qui rayent le parquet, ou du courage qui frôle la témérité.
Néanmoins, ce gouvernement a trouvé devant lui un Etat qui a su bien gérer la crise et qui a pallié autant que faire se peut les urgences sociales générées par le contexte épidémiologique. La volonté royale de mettre en place l’Etat social fort, prôné par le Nouveau Modèle Economique, lui balise le terrain de la protection sociale, chantier vital pour la stabilité du pays. A l’International, le Souverain porte le pays comme rarement depuis les débuts de l’affaire du Sahara et insuffle en interne une dynamique réformiste qu’il serait criminel de compromettre, que ce soit par une mauvaise gestion gouvernementale, ou par une mauvaise appréciation des priorités de la part des épicentres hostiles à ce gouvernement.
Des compétences chahutées
Aziz Akhannouch a mille fois raison de souligner que ce gouvernement recouvre des compétences à la hauteur des défis. Certes, le couac de la maire de Casablanca ministre de la Santé ; les péchés de jeunesse ou d’amateurisme d’un Mohamed Bensaïd (Jeunesse, culture et Communication) dans un jet privé pour se rendre à Marrakech ; une Awatif Hayar (Solidarité et insertion sociale) tombée d’on ne sait où dans l’Istiqlal - commençant par installer son mari confortablement à ses cotés dans un pays qui en a marre du népotisme à n’en plus pouvoir ; la malchance d’une Fatima Zahra Ammor (Tourisme) catapultée dans un des secteurs les plus sinistrés par le coronavirus ; les tribulations prévisibles et attendues d’un Abdellatif Ouahbi (Justice) ; tout cela, l’un dans l’autre, appelle des réajustements parce qu’il chahute l’image d’un gouvernement que peu semblent disposés à lui donner le temps de se retourner.
Et que beaucoup attendent au tournant.
Mais les compétences du gouvernement sont réelles. A commencer par les départements de souveraineté. Abdelouafi Laftit (Intérieur), Nasser Bourita (Affaires étrangères), Ahmed Toufiq (Affaires islamiques) et bien d’autres dans le pré carré royal. En attendant de voir ce que le bien coté Chakib Benmoussa va faire de miraculeux dans le bourbier de l’Education Nationale, on peut aussi citer : le duo Nadia Fettah Alaoui/Faouzi Lakjaa (Economie et Finances). Mohamed Sadiki (Agriculture). Leila Benali (Transition énergétique). Les deux Mezzour – Ryad et Ghita (Industrie et commerce/Transition numérique). Ou encore Mohcine Jazouli (Investissement et convergence), Mohamed Abdejlil (Transport et logistique) et Younes Sekkouri (Inclusion économique et emploi). Certainement que cette liste comporte des oublis (ou des méprises), mais déjà rien qu’avec ce happy few politico-technocratique il y a de quoi faire. Ce qui rend que plus impardonnable tout insuccès.
Rédigé par Naïm Kamal sur https://quid.ma