Le « carré magique » de Kaldor vs l’« helicopter money » de Friedman


Rédigé par Noureddine Batije le Dimanche 5 Septembre 2021

A travers l’histoire de l’humanité, il y eut des événements qui ont chamboulé la face du monde, voire le cours de l’histoire. Le Covid 19 et ses multiples variants, ayant enclenché une nouvelle vague d’infections-contaminations, en font partie.
Au point que les perspectives post-Covid deviennent incertaines et risquent aussi de compromettre la portée des stimulus colossaux engagé, un peu partout dans le monde, à coups de politiques peu conventionnelles et d’endettement à outrance.



Des politiques qui, quelque part, font fi de l’orthodoxie financière et s’inspirent de la nouvelle théorie monétaire qui veut que les déficits ne comptent plus ou importent peu, pourvu que l’économie redémarre et que le chômage soit réduit.

Ce changement de paradigme, est-il possible sans, pour autant, réveiller les démons de l’inflation et par ricochet, provoquer l’envolée des taux ?

A ce niveau, les avis ne sont nullement partagés.

N’empêche que tout le monde s’endette. De ceux qui peuvent se permettre la « planche à billets » à ceux qui comptent sur l’appréciation des agences de notation pour pouvoir le faire.

Ces derniers peuvent toujours espérer, pour toute fin utile, un petit geste de la part du FMI.

Le 2 août 2021, le conseil des gouverneurs de cette institution de Bretton Woods avait approuvé une allocation générale de droits de tirages spéciaux (DTS) équivalente à 650 milliards de dollars (environ 456 milliards de DTS) en vue d’accroître les liquidités dans le monde.
Entrée en vigueur le 23 août 2021, cette allocation de DTS nouvellement émis, la plus élevée de l’histoire, sera attribuée aux pays membres proportionnellement à leur quote-part au FMI dont le Maroc qui peut prétendre à un montant d’environ 1,235 milliard de dollars, l’équivalent de sa quote-part fixée à 0,19 %.

En agissant ainsi , dans une conjoncture aussi délicate que celle qui prévaut aujourd’hui, le FMI tente, lui aussi, de maintenir à flot les structures économiques, moyennant une injection de la monnaie. Sa survie en dépend.
Déjà, en 2009, au lendemain de la crise financière mondiale, le FMI avait alloué à ses pays membres une allocation générale de 161,2 milliards de DTS.

Qu’en est-il de la sphère réelle ?

A ce titre, de nombreux économistes estiment que le fait de doper l’économie par le biais de politiques accommodantes et peu conventionnelles moyennant une injection monétaire massive, sans contrepartie aucune, ne fait qu’entretenir l’illusion que l’économie réelle se porte bien au risque de voir la bulle financière éclater à tout moment.

D’autant plus que, comme cela fût, à maintes reprises, dit et redit, une bonne partie des sommes ainsi injectées pour relancer l’économie pourrait facilement se retrouver sur les marchés financiers.
Des marchés au sein desquels il est extrêmement délicat, voire impossible, de déterminer dans la hausse du prix d'un actif, la part attribuable aux fondamentaux économiques et celle attribuable à la composante « bulle ».

Ce qui, quelque part, remet complètement en cause la pertinence des canaux de transmission de la politique monétaire et sa corrélation avec le reste de la politique économique de manière générale.

A moins que des changements structurels majeurs se concrétisent.
A moins que des indicateurs beaucoup plus fiables de performance économique soient élaborés.


A ce niveau, et au vu du peu de solidarité dont fait preuve la communauté internationale, beaucoup  s’accordent à dire qu’il est , peut-être, grand temps d’envisager une nouvelle trajectoire économique et sociale porteuse de beaucoup plus d’espoir que de déchéance.

Au vu de la conjoncture actuelle, des idées de post - keynésiens, allant à l’encontre du monétarisme pur et dur refont surface et à la théorie de l’« helicopter money » métaphore, si chère à Milton Friedman, opposent une toute autre métaphore à savoir, le carré magique, indicateur par excellence de la santé économique d’un pays.


De quoi s’agit-il au juste ?

Inspiré par Nicholas Kaldor, un brillant économiste britannique du courant post-keynésien dont les travaux menés, en ce sens, ont inspiré l’OCDE, le carré magique permet de définir les grands points de la politique économique d´un pays.

A la croisée des chemins entre économie réelle et économie financière, le carré magique est une représentation graphique dont les extrémités sont les quatre grands objectifs de la politique économique conjoncturelle d’un pays que sont la croissance, le taux de chômage, l’équilibre extérieur de la balance commerciale et la stabilité des prix ou inflation.

Ce carré est qualifié de magique dans la mesure où il est quasiment impossible de réaliser concomitamment ces quatre objectifs de la politique économique parfaite et l’idéal serait que les Etats priorisent leur objectif en fonction de la situation du moment.

En d’autres termes, face à l’impossibilité de développer, de manière simultanée, tous les pans de leur économie, les États se doivent de faire des compromis en fonction de priorités à déterminer et interactions entre variables à cerner.

Et c’est d’ailleurs de là qu’émane toute la portée du carré magique de Kaldor.




Dimanche 5 Septembre 2021
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