Par Abdeslam Seddiki
Les parlementaires ont entre les mains le PLF 2022 accompagné d’une panoplie de documents portant sur des sujets complémentaires et dont la lecture est aussi nécessaire et édifiante que le projet stricto sensu. C’est dire que les parlementaires, dont 70% font leur première rentrée de classe, auront un programme chargé. Du moins pour ceux qui sont assidus et rompus à leur fonction pour laquelle ils ont été élus par les citoyens.
Le débat autour d’un PLF, et pour cause, sera plus passionnant que celui qui a eu lieu autour de de la déclaration gouvernementale. Dans ce dernier cas, on a constaté que le gouvernement cherchait avant tout l’obtention d’une investiture qui lui était dans tous les cas acquise grâce à une majorité confortable. Il s’agissait en quelque sorte d’une simple formalité constitutionnelle à tel point que le chef du gouvernement désigné, dont on connait son pragmatisme, ne cherchait pas à convaincre en apportant des preuves et des arguments. Il n’a pas cette casquette de tribun et de débatteur aguerri. Ses qualités sont plutôt ailleurs.
Avec le PLF, ce sont les Ministres, chacun dans son domaine, qui vont être aux avant-postes. Mais on verra à l’œuvre surtout le tandem formé de la nouvelle Ministre de l’Economie et des finances et de son Ministre délégué qui occupait jusqu’à sa nomination le poste de Directeur du Budget. Aussi, le temps imparti à la discussion du PLF, tel qu’il est arrêté par la Constitution et la Loi Organique des Finances est largement suffisant pour approfondir les débats sur la mise en œuvre, par le présent gouvernement des orientations royales telles qu’elles ont été annoncées dans les derniers Discours du Roi, sur l’adéquation entre les choix budgétaires et les engagements pris par le gouvernement dans sa déclaration devant le parlement , c’est-à dire l’adéquation entre la parole et l’acte.
Le décor planté, passons à l’analyse préliminaire du PLF 2022 pour voir en quoi il se distingue des précédents en mettant en exergue ses points forts et ses faiblesses, sachant que toue analyse objective doit prendre en considération le contexte général à la fois national et international. Sachant également, qu’un budget n’est jamais neutre. Il traduit des choix voulus pour répondre à telle ou à telle exigence. C’est valable au niveau d’un budget du ménage.
Mais c’est encore plus frappant au niveau du budget de l’Etat. Ainsi, le budget est un arbitrage entre différents intérêts qui ne sont pas forcément semblables. On parle de rationalisation des choix budgétaires(RCB), mais dans la réalité, il s’agit d’une « prétendue » rationalisation dictée par des préférences sujettes au rapport des forces. C’est une évidence dans une société traversée par des antagonismes sociaux et des oppositions de classe. Les inégalités sociales ne sont pas un phénomène naturel. Elles sont le produit historique des politiques économiques (et budgétaires).
C’est vrai il y a l’intérêt national qui transcende les intérêts catégoriels et les divergences de classe. C’est pour cela que l’Etat dispose d’une certaine autonomie (relative) par rapport aux différentes classes sociales et groupes sociaux. Il est loin d’être un simple « Conseil d’Administration » de la bourgeoisie comme le prétendent certaines analyses simplistes et réductrices.
L’émergence de la notion d’un « Etat social » ou d’un « Etat fort » dans la déclaration gouvernementale comme dans le rapport sur le NMD, ne relève pas d’une clause de style, mais plutôt de cette exigence pour l’Etat (capitaliste) de réguler la société marocaine et d’assurer la reproduction sociale pouvant aller à l’encontre des intérêts des classes dominantes. L’intérêt de la Nation ne se réduit pas à la somme des intérêts individuels. Comme la totalité n’est jamais la somme des parties.
Deux indicateurs du PLF 2022 corroborent cette thèse. Un premier indicateur est relatif à la structure des ressources : on relève, fait rarissime, une augmentation de l’IS de 34,7% pour se situer à 52 MM DH, contre 38,6 MM DH en 2021. Si ce changement qualitatif s’expliquerait, en partie, par le taux de croissance attendu cette année (5,6%), il est dû aussi et surtout à la volonté affichée par l’Etat de traquer les fraudeurs et les récalcitrants face à l’impôt. Jusqu’où l’Etat peut-il aller ?
On le verra par la suite. Un deuxième indicateur est relatif aux dépenses, et plus précisément aux dépenses d’investissement qui cumulent à 245 MM DH, soit 20% du PIB !! Ce chiffre, à lui seul, traduit le sens de « l’Etat social ». Bien sûr, il y a beaucoup à dire sur la pertinence de cet investissement public, sur son efficience et son efficacité. Surtout quand on constate cette grande anomalie entre l’expansion de l’investissement public d’une part et le taux de croissance prévu, somme toute modeste, de 3,2% d’autre part. Ce taux demeure inférieur aux taux prévus chez nos principaux partenaires d’après les dernières estimations.
Mais le changement de cap ne se fait pas en une année. Il se réalise dans la durée. Ce qui suppose courage et persévérance. Pour cela, il faut œuvrer pour dépasser nos fragilités budgétaires structurelles. Celles-ci résident dans le maintien du déficit budgétaire (et du déficit commercial) à des niveaux élevés mettant en cause notre souveraineté économique et réduisant nos marges de manœuvre. En effet, il est inquiétant de constater que les recettes ordinaires (courantes) n’arrivent toujours pas à couvrir les dépenses ordinaires (courantes).
Autrement dit, l’Etat dégage une épargne négative. Par conséquent, une partie de la dette, heureusement limitée, sert à couvrir les dépenses courantes au lieu de leur affectation à l’investissement. Qui plus est, on emprunte pour rembourser le service de la dette contractée précédemment. Ainsi, sur les 105,3 MMDH prévus comme emprunt en 2022, 90 MM DH, soit plus de 85%, seront consacrés au service de la dette : amortissement plus intérêts.
Pour simplifier, Il ne restera dans la caisse que la modeste somme de 15 MM DH. Ainsi, le pays, avec un taux d’endettement du trésor de 76%, et un endettement public de 92%, est rentré de plain-pied dans le cycle infernal de l’endettement. Comment s’en sortir ? C’est à ce niveau qu’il faut actionner le principe de la RCB.
Par Abdeslam Seddiki
Le débat autour d’un PLF, et pour cause, sera plus passionnant que celui qui a eu lieu autour de de la déclaration gouvernementale. Dans ce dernier cas, on a constaté que le gouvernement cherchait avant tout l’obtention d’une investiture qui lui était dans tous les cas acquise grâce à une majorité confortable. Il s’agissait en quelque sorte d’une simple formalité constitutionnelle à tel point que le chef du gouvernement désigné, dont on connait son pragmatisme, ne cherchait pas à convaincre en apportant des preuves et des arguments. Il n’a pas cette casquette de tribun et de débatteur aguerri. Ses qualités sont plutôt ailleurs.
Avec le PLF, ce sont les Ministres, chacun dans son domaine, qui vont être aux avant-postes. Mais on verra à l’œuvre surtout le tandem formé de la nouvelle Ministre de l’Economie et des finances et de son Ministre délégué qui occupait jusqu’à sa nomination le poste de Directeur du Budget. Aussi, le temps imparti à la discussion du PLF, tel qu’il est arrêté par la Constitution et la Loi Organique des Finances est largement suffisant pour approfondir les débats sur la mise en œuvre, par le présent gouvernement des orientations royales telles qu’elles ont été annoncées dans les derniers Discours du Roi, sur l’adéquation entre les choix budgétaires et les engagements pris par le gouvernement dans sa déclaration devant le parlement , c’est-à dire l’adéquation entre la parole et l’acte.
Le décor planté, passons à l’analyse préliminaire du PLF 2022 pour voir en quoi il se distingue des précédents en mettant en exergue ses points forts et ses faiblesses, sachant que toue analyse objective doit prendre en considération le contexte général à la fois national et international. Sachant également, qu’un budget n’est jamais neutre. Il traduit des choix voulus pour répondre à telle ou à telle exigence. C’est valable au niveau d’un budget du ménage.
Mais c’est encore plus frappant au niveau du budget de l’Etat. Ainsi, le budget est un arbitrage entre différents intérêts qui ne sont pas forcément semblables. On parle de rationalisation des choix budgétaires(RCB), mais dans la réalité, il s’agit d’une « prétendue » rationalisation dictée par des préférences sujettes au rapport des forces. C’est une évidence dans une société traversée par des antagonismes sociaux et des oppositions de classe. Les inégalités sociales ne sont pas un phénomène naturel. Elles sont le produit historique des politiques économiques (et budgétaires).
C’est vrai il y a l’intérêt national qui transcende les intérêts catégoriels et les divergences de classe. C’est pour cela que l’Etat dispose d’une certaine autonomie (relative) par rapport aux différentes classes sociales et groupes sociaux. Il est loin d’être un simple « Conseil d’Administration » de la bourgeoisie comme le prétendent certaines analyses simplistes et réductrices.
L’émergence de la notion d’un « Etat social » ou d’un « Etat fort » dans la déclaration gouvernementale comme dans le rapport sur le NMD, ne relève pas d’une clause de style, mais plutôt de cette exigence pour l’Etat (capitaliste) de réguler la société marocaine et d’assurer la reproduction sociale pouvant aller à l’encontre des intérêts des classes dominantes. L’intérêt de la Nation ne se réduit pas à la somme des intérêts individuels. Comme la totalité n’est jamais la somme des parties.
Deux indicateurs du PLF 2022 corroborent cette thèse. Un premier indicateur est relatif à la structure des ressources : on relève, fait rarissime, une augmentation de l’IS de 34,7% pour se situer à 52 MM DH, contre 38,6 MM DH en 2021. Si ce changement qualitatif s’expliquerait, en partie, par le taux de croissance attendu cette année (5,6%), il est dû aussi et surtout à la volonté affichée par l’Etat de traquer les fraudeurs et les récalcitrants face à l’impôt. Jusqu’où l’Etat peut-il aller ?
On le verra par la suite. Un deuxième indicateur est relatif aux dépenses, et plus précisément aux dépenses d’investissement qui cumulent à 245 MM DH, soit 20% du PIB !! Ce chiffre, à lui seul, traduit le sens de « l’Etat social ». Bien sûr, il y a beaucoup à dire sur la pertinence de cet investissement public, sur son efficience et son efficacité. Surtout quand on constate cette grande anomalie entre l’expansion de l’investissement public d’une part et le taux de croissance prévu, somme toute modeste, de 3,2% d’autre part. Ce taux demeure inférieur aux taux prévus chez nos principaux partenaires d’après les dernières estimations.
Mais le changement de cap ne se fait pas en une année. Il se réalise dans la durée. Ce qui suppose courage et persévérance. Pour cela, il faut œuvrer pour dépasser nos fragilités budgétaires structurelles. Celles-ci résident dans le maintien du déficit budgétaire (et du déficit commercial) à des niveaux élevés mettant en cause notre souveraineté économique et réduisant nos marges de manœuvre. En effet, il est inquiétant de constater que les recettes ordinaires (courantes) n’arrivent toujours pas à couvrir les dépenses ordinaires (courantes).
Autrement dit, l’Etat dégage une épargne négative. Par conséquent, une partie de la dette, heureusement limitée, sert à couvrir les dépenses courantes au lieu de leur affectation à l’investissement. Qui plus est, on emprunte pour rembourser le service de la dette contractée précédemment. Ainsi, sur les 105,3 MMDH prévus comme emprunt en 2022, 90 MM DH, soit plus de 85%, seront consacrés au service de la dette : amortissement plus intérêts.
Pour simplifier, Il ne restera dans la caisse que la modeste somme de 15 MM DH. Ainsi, le pays, avec un taux d’endettement du trésor de 76%, et un endettement public de 92%, est rentré de plain-pied dans le cycle infernal de l’endettement. Comment s’en sortir ? C’est à ce niveau qu’il faut actionner le principe de la RCB.
Par Abdeslam Seddiki