Écouter le podcast en entier :
Par Mustapha Sehimi
La visite de la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, à Rabat, les 15-16 décembre dernier, se proposait de réchauffer le bilatéral. Ses déclarations, pour significatives qu'elles puissent paraître du côté du Quai d'Orsay, n'ont pas eu les effets escomptés : tant s'en faut. En diplomatie, comme dans d’autres domaines, ce sont les actes qui comptent- tout le reste n'est que littérature...
Nouvel ambassadeur dans le Royaume, Christophe Lecourtier s'emploie à tenter de remonter la pente - un chemin de crête. Il vient d'accorder une longue - très longue... - interview à l'hebdomadaire casablancais "Tel Quel". Pour faire passer quel message ? Il s'est attaché à s'adresser au public marocain pour mettre en exergue le souci de Paris de consolider le partenariat privilégié entre les deux pays sur la base d'un crédo d'"égal à égal".
Une rhétorique qui ne peut naturellement qu'entraîner l'adhésion. Reste sa traduction concrète, laquelle pour l'heure demeure bien problématique. Cet ambassadeur s'est en particulier expliqué sur le vote des eurodéputés du parti Renaissance du Président Macron d'une résolution du Parlement de Strasbourg hostile au Maroc. Une pirouette : à ses yeux, elle "n'engage nullement la France".
Comment le croire alors que ce groupe macronien est présidé par Stéphane Séjourné, un proche du locataire de 1'Elysée ? Le nouveau chef de la mission diplomatique à Rabat ne manque certainement pas de bons sentiments ni de bonne volonté pour retricoter les rapports entre les deux pays ; il a dans cette même ligne fait état de ses sentiments et de ses souvenirs - sa mère est casablancaise... Oui, sans doute. Et après, dira-t-on ?
Un palier dépressif
C'est que la tension persistante avec le Royaume relève d'autres registres éligibles à des périmètres et à des acteurs qui ont conduit à la situation actuelle. Depuis des années, un capital historique s'est relâché, devenant émollient. Sous la présidence Hollande, ce processus avait commencé et ce en diverses circonstances connues. Un tropisme ravivé à l'égard de l'Algérie entretenu aussi par son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, cacique du parti socialiste, avec peu d'empathie pour le Maroc.
Avec le président Macron, le palier dépressif s'est accentué ? Question de "feeling" entre les deux chefs d'Etat - cela ne se décrète pas. Cumul aussi de certaines "mauvaises manières", pour reprendre le vocabulaire du Quai d'Orsay que les cercles initiés connaissent - la dernière en date a été cette annonce d'un "voyage fin octobre " au Maroc, le 28 août dernier, à sa sortie du festival Touquet Music Beach. Imagine-t-on le général De Gaulle livrer une telle information à la fin d'un spectacle rock ? Perplexité.
Par ailleurs, la question des visas réduit de moitié en septembre 2021 jusqu'à la fin 2022 a fortement contribué à dégrader 1'image de la France au Maroc. Rien d’étonnant : elle a été ressentie amèrement comme une punition collective jugée, à bon droit, inacceptable. Et insupportable. Une décision de souveraineté ont avancé des officiels français : personne n'en disconvient, mais tout de même, quelle faute !
Par-delà la nature et la dimension des relations entre les deux pays - sur tous les plans, c'est connu - c'est une réarticulation liée au Maroc, tel qu'en lui-même, qui a contribué à une distanciation entre les deux pays. Le redéploiement de la politique étrangère dans le continent y participe ; la contraction des intérêts français, surtout en Afrique occidentale a polarisé aussi la concurrence et pas tellement nourri la complémentarité.
Enfin, le rapprochement opéré depuis un an entre la France et l'Algérie s'est traduit par la visite du Président Macron à Alger, à la fin août dernier, et par la fin d'un certain "équilibrisme" laborieux depuis des lustres, puis celle du chef d'état-major Said Chengriha, à Paris, voici deux semaines, est symptômatique d'un axe Paris -Alger. Avec la visite d'Etat prévue en mai prochain du Président Tebboune, l'on aura une illustration plus marquée de ce rapprochement.
En creux, comment ne pas relever que la visite du président français dans le royaume reste pratiquement indéterminée à ce jour ? Il ne s'est rendu au Maroc qu'à deux reprises - le 14 juin 2017 puis le 15 novembre 2018 pour l'inauguration de la LGV reliant Tanger à Casablanca. Et la visite de Catherine Colonna se proposait de baliser celle du Chef de l'Etat français pour le début de mars prochain.
Nouvel ambassadeur dans le Royaume, Christophe Lecourtier s'emploie à tenter de remonter la pente - un chemin de crête. Il vient d'accorder une longue - très longue... - interview à l'hebdomadaire casablancais "Tel Quel". Pour faire passer quel message ? Il s'est attaché à s'adresser au public marocain pour mettre en exergue le souci de Paris de consolider le partenariat privilégié entre les deux pays sur la base d'un crédo d'"égal à égal".
Une rhétorique qui ne peut naturellement qu'entraîner l'adhésion. Reste sa traduction concrète, laquelle pour l'heure demeure bien problématique. Cet ambassadeur s'est en particulier expliqué sur le vote des eurodéputés du parti Renaissance du Président Macron d'une résolution du Parlement de Strasbourg hostile au Maroc. Une pirouette : à ses yeux, elle "n'engage nullement la France".
Comment le croire alors que ce groupe macronien est présidé par Stéphane Séjourné, un proche du locataire de 1'Elysée ? Le nouveau chef de la mission diplomatique à Rabat ne manque certainement pas de bons sentiments ni de bonne volonté pour retricoter les rapports entre les deux pays ; il a dans cette même ligne fait état de ses sentiments et de ses souvenirs - sa mère est casablancaise... Oui, sans doute. Et après, dira-t-on ?
Un palier dépressif
C'est que la tension persistante avec le Royaume relève d'autres registres éligibles à des périmètres et à des acteurs qui ont conduit à la situation actuelle. Depuis des années, un capital historique s'est relâché, devenant émollient. Sous la présidence Hollande, ce processus avait commencé et ce en diverses circonstances connues. Un tropisme ravivé à l'égard de l'Algérie entretenu aussi par son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, cacique du parti socialiste, avec peu d'empathie pour le Maroc.
Avec le président Macron, le palier dépressif s'est accentué ? Question de "feeling" entre les deux chefs d'Etat - cela ne se décrète pas. Cumul aussi de certaines "mauvaises manières", pour reprendre le vocabulaire du Quai d'Orsay que les cercles initiés connaissent - la dernière en date a été cette annonce d'un "voyage fin octobre " au Maroc, le 28 août dernier, à sa sortie du festival Touquet Music Beach. Imagine-t-on le général De Gaulle livrer une telle information à la fin d'un spectacle rock ? Perplexité.
Par ailleurs, la question des visas réduit de moitié en septembre 2021 jusqu'à la fin 2022 a fortement contribué à dégrader 1'image de la France au Maroc. Rien d’étonnant : elle a été ressentie amèrement comme une punition collective jugée, à bon droit, inacceptable. Et insupportable. Une décision de souveraineté ont avancé des officiels français : personne n'en disconvient, mais tout de même, quelle faute !
Par-delà la nature et la dimension des relations entre les deux pays - sur tous les plans, c'est connu - c'est une réarticulation liée au Maroc, tel qu'en lui-même, qui a contribué à une distanciation entre les deux pays. Le redéploiement de la politique étrangère dans le continent y participe ; la contraction des intérêts français, surtout en Afrique occidentale a polarisé aussi la concurrence et pas tellement nourri la complémentarité.
Enfin, le rapprochement opéré depuis un an entre la France et l'Algérie s'est traduit par la visite du Président Macron à Alger, à la fin août dernier, et par la fin d'un certain "équilibrisme" laborieux depuis des lustres, puis celle du chef d'état-major Said Chengriha, à Paris, voici deux semaines, est symptômatique d'un axe Paris -Alger. Avec la visite d'Etat prévue en mai prochain du Président Tebboune, l'on aura une illustration plus marquée de ce rapprochement.
En creux, comment ne pas relever que la visite du président français dans le royaume reste pratiquement indéterminée à ce jour ? Il ne s'est rendu au Maroc qu'à deux reprises - le 14 juin 2017 puis le 15 novembre 2018 pour l'inauguration de la LGV reliant Tanger à Casablanca. Et la visite de Catherine Colonna se proposait de baliser celle du Chef de l'Etat français pour le début de mars prochain.
"French connexion"
Cet agenda sera-t-il tenu ? Rien n'est moins sûr, en l'état en tout cas. La mobilisation "activiste" des eurodéputés macroniens au Parlement européen n'est pas à évacuer à cet égard, surtout qu'elle déborde vers d'autres groupes traditionnellement hostiles au Royaume et qui trouvent du grain à moudre avec l'affaire dite du "Marocgate".... L'ambigüité de la position de Paris sur la question du Sahara marocain pèse de tout son poids pour ne pas pousser à quelque réchauffement bilatéral.
La France soutient traditionnellement le Maroc aux Nations -Unies et au Conseil de sécurité. Mais elle ne veut pas prendre compte des données nouvelles sur cette question nationale, notamment la position des Etats-Unis, de l'Espagne, de l'Allemagne, de la Hollande et d'autres pays. Elle est en retrait, comme en dépendance des généraux d'Alger...
Au fond, c'est le déclassement de Paris sur la scène internationale qui limite sa latitude d'action. Elle n'a plus le "rang" qu'elle avait naguère : ni en Afrique ni au Moyen-Orient, ni en Europe - elle ne prend pas la mesure des changements géostratégiques et des nouvelles configurations qui les accompagnent.
Le Maroc n'entre plus dans les cases de diplomatie française. Des décideurs de l'"Etat profond" français soutiennent cette politique. L'on y trouve, pêle-mêle, tous ceux qui n'arrivent pas à remiser les oripeaux par trop paternalistes, encore prégnants, ici et là, champs politique, partisan, médiatique et autres. Une sorte de "french connexion", vertébrée, organique, quoi qu'on en dise…
Cet agenda sera-t-il tenu ? Rien n'est moins sûr, en l'état en tout cas. La mobilisation "activiste" des eurodéputés macroniens au Parlement européen n'est pas à évacuer à cet égard, surtout qu'elle déborde vers d'autres groupes traditionnellement hostiles au Royaume et qui trouvent du grain à moudre avec l'affaire dite du "Marocgate".... L'ambigüité de la position de Paris sur la question du Sahara marocain pèse de tout son poids pour ne pas pousser à quelque réchauffement bilatéral.
La France soutient traditionnellement le Maroc aux Nations -Unies et au Conseil de sécurité. Mais elle ne veut pas prendre compte des données nouvelles sur cette question nationale, notamment la position des Etats-Unis, de l'Espagne, de l'Allemagne, de la Hollande et d'autres pays. Elle est en retrait, comme en dépendance des généraux d'Alger...
Au fond, c'est le déclassement de Paris sur la scène internationale qui limite sa latitude d'action. Elle n'a plus le "rang" qu'elle avait naguère : ni en Afrique ni au Moyen-Orient, ni en Europe - elle ne prend pas la mesure des changements géostratégiques et des nouvelles configurations qui les accompagnent.
Le Maroc n'entre plus dans les cases de diplomatie française. Des décideurs de l'"Etat profond" français soutiennent cette politique. L'on y trouve, pêle-mêle, tous ceux qui n'arrivent pas à remiser les oripeaux par trop paternalistes, encore prégnants, ici et là, champs politique, partisan, médiatique et autres. Une sorte de "french connexion", vertébrée, organique, quoi qu'on en dise…
Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid