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Par Abdeslam Seddiki
Tout récemment, lors du dernier Conseil des Ministres du 1er juin 2024, fut adopté un projet de décret portant la création de deux zones d’accélération industrielle pour accueillir les industries relatives au matériel et aux équipements de défense et de sécurité, aux armes et munitions.
Ladite loi a précisé la philosophie générale devant guider la mise en place d’une telle activité qui revêt, il va sans dire, une dimension particulière et nécessite une organisation spécifique eu égard à sa nature qui n’est pas une simple activité productive et industrielle. Un certain nombre de précautions devront être prises afin d’éviter tout dérapage et des « fuites » qui risqueraient de nuire aux intérêts suprêmes de notre pays. A cet égard, il serait utile de rappeler l’économie du texte de loi 10-20.
En effet, les matériels et équipements de défense et de sécurité, les armes et les munitions sont classés selon trois catégories : A, B et C
– Catégorie A « les matériels, équipements, armes et munitions de défense » : elle comprend les matériels de guerre, armes et munitions de défense, leurs composants, sous-ensembles et parties et tout système, logiciel ou équipement d’observation, de détection ou de télécommunication, destinés exclusivement aux opérations militaires terrestres, aériennes, navales ou spatiales ;
– Catégorie B « les matériels, équipements, armes et munitions de sécurité » : elle comprend les armes, les munitions, leurs composants, sous-ensembles et parties et tout système, logiciel ou équipement de vision, d’observation, de détection, de télécommunication, de mobilité ou de protection qui peuvent être destinés aussi bien à la sauvegarde de la sécurité et de l’ordre publics qu’à l’usage militaire ;
-Catégorie C « les armes et munitions destinées à d’autres usages » : elle comprend les armes de chasse et de tir sportif, les armes de départ pour les compétitions sportives, les armes traditionnelles et les armes à air comprimé, ainsi que leurs munitions, composants, sous-ensembles et parties.
Sur cette base, la fabrication, l’importation ou l’exportation de tels produits sont strictement encadrées et réglementées par la loi en fonction de la catégorie concernée. Il est créé à cet effet une « commission nationale » des matériels et équipements de défense et de sécurité, armes et munitions. Aussi, il est créé auprès de la commission nationale un comité de contrôle chargé d’exercer, pour le compte de cette dernière, le contrôle des activités exercées par les titulaires des autorisations prévues par ladite loi
En outre, des sanctions sévères sont prévues par la loi en cas d’infractions commises. Ces sanctions varient selon la nature de l’infraction et peuvent aller jusqu’à 20 ans de réclusion et 5 millions DH d’amende !
On estime que le moment est venu pour notre pays pour se doter d’une industrie de défense et ceci pour plusieurs raisons. La première réside dans le fait que la production d’armements n’est plus limitée depuis la fin de la guerre froide aux grandes puissances. De nouveaux pays émergents sont rentrés sur le marché tels que la Corée du Sud, la Turquie, Singapour, Israël, Iran… Sur le continent africain, on trouve l’Afrique du Sud, le Nigéria et l’Egypte. Il est donc tout à fait légitime que le Maroc ne soit pas parmi les derniers à s’y mettre.
La deuxième raison qui milite en faveur de ce choix est d’ordre économique : le secteur de production du matériel militaire de défense peut constituer un véritable levier pour promouvoir l’industrie civile grâce à la propagation des effets d’induction qu’exercerait cette activité en matière de recherche scientifique, d’innovation et de « know-how ».
Par conséquent, il serait judicieux que ce « secteur d’avenir » qui utilise une technologie de pointe ne reste pas à l’écart de l’ensemble de l’économie. Les progrès qui seront réalisés dans ce domaine devraient bénéficier aux autres secteurs en créant pour ce faire des courroies de transmission de nature à améliorer la compétitivité de notre économie dans son ensemble.
La troisième et dernière raison qui plaide en faveur de l’industrie de défense tient au renforcement de notre souveraineté et à la réduction de la « facture militaire » évaluée à près de 4% du PIB. En optant pour une politique de substitution aux importations et un « made in Morocco », notre pays va non seulement alléger le déficit de la balance des paiements, en captant sur place une partie de la valeur mondiale, mais aussi contribuer à la création des emplois et au développement de la recherche scientifique.
Cependant, il va de soi que notre pays sera amené à établir des partenariats « gagnant-gagnant » et à nouer des alliances stratégiques avec des pays amis tout en veillant à la poursuite de la diversification intelligente de nos partenaires telle qu’elle est mise en œuvre au cours des dernières décennies.
En mettant en place les bases d’une industrie de défense, le Maroc cherche à consolider la paix mondiale et à assurer sa sécurité et, le cas échéant, celle de nos amis africains exposés aux menaces terroristes, climatiques et autres. Il demeurera toujours attaché à préserver son indépendance, assurer sa sécurité collective et son intégrité territoriale. Il ne se départira jamais de ce choix inscrit dans son ADN. Ce qui lui confère plus de crédibilité au niveau international.
Rédigé par Abdeslam Seddiki