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Par Aziz Boucetta
Or, les chiffres démentent tout cela : moins de 10 millions d’Africains vivent dans les 27 pays de l’UE, dont la moitié de Maghrébins, essentiellement en France, en Espagne et en Italie. Mais cela n’empêche pas une radicalisation des discours et un durcissement des politiques. Mais aujourd’hui, le problème s’est déplacé vers les pays du Maghreb, comme si cela était l’objectif non avoué de Bruxelles : « sous-traiter » par tous les moyens, la question migratoire aux trois pays d’Afrique du Nord, et « par tous les moyens » signifie que chacun de ces trois Etats déploie une politique particulière.
En Algérie, le racisme d’Etat est grandement établi dans les pratiques, à défaut d’être déclaré publiquement par les responsables, quoique… L’Algérie est le seul pays maghrébin ayant une frontière directe 2.200 kilomètres avec deux Etats du Sahel, le Niger et le Mali ; elle devrait donc logiquement recevoir plus de migrants, mais les étendues désertiques à traverser et la brutalité des forces de l’ordre algérienne sont dissuasives.
Tunisie et Maroc n’ont pas de frontières terrestres avec les pays du Sahel mais développent chacun une politique particulière. Ainsi, la Tunisie demeure facilement accessible à travers le territoire libyen où l’anarchie règne depuis la chute de Kaddhafi en 2011. Cela peut expliquer le propos éminemment raciste du président Saïed, par ailleurs aussi injustifiable qu’inadmissible.
Tunisiens...et Algériens déploient deux moyens différents de semer l’effroi dans les rangs des migrants et ils semblent avoir réussi, les premiers en n’hésitant pas à dérouler un discours raciste, à la lisière de la haine, jusqu’au plus haut niveau de l’Etat et les seconds en laissant libre cours à la brutalité de leurs forces de l’ordre qui « déportent » les migrants irréguliers dans un lieu perdu, au nord du Mali, appelé Assamaka, où seul un cimetière fonctionne bien. Résultats, les migrants cherchent à quitter précipitamment la Tunisie et évitent l’Algérie. Une autre manière d’endiguer les migrations en Europe ? On peut poser la question de savoir si cette politique est décidée à Alger et Tunis ou si elle leur a été suggérée…
Contrairement aux médias algériens et au président tunisien, tout propos ou comportement raciste ou même xénophobe est proscrit et ses rares auteurs dénoncés. Plusieurs associations sont en charge des problèmes de migrants en situation irrégulière.
Cependant, le problème existe et il revient aux autorités publiques du royaume d’y réfléchir car si l’accueil réglementé est accepté par la population, l’explosion des arrivées à partir du sud et le tarissement des traversées vers l’Espagne crée des problèmes de plus en plus aigus dans un nombre croissant de villes, essentiellement à Casablanca et dans le Nord.
Ce qu’il manque, encore une fois, une fois de plus, dans ce pays, face à un phénomène aussi politique que géopolitique, tant humain que social, économique ou diplomatique, c’est une réflexion globale dans le cadre d’un débat national. L’Etat ne peut tout faire et encore moins penser à tout.
Nasser Bourita et Abdelouafi Laftit, respectivement en charge des volets diplomatique et sécuritaire de la question migratoire, seront bientôt dépassés voire harassés. Mais en leur qualité de ministres actifs au sein d’un gouvernement passif face à cette question, ils pourraient et même devraient initier cette réflexion, en faisant intervenir la société civile, l’université, les représentations diplomatiques et consulaires africaines, les secteurs de la finance et de la promotion immobilière, les territoires… Dans l’intervalle, l’heure tourne, et pas nécesairement en faveur de la stratégie africaine du Maroc.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost