Par Aziz Boucetta
Il est rare que l’on trouve dans le monde un espace géopolitiquement aussi important et pourtant aussi divisé, inégal et conflictuel, et c’est encore plus rare quand cet espace est limitrophe d’une région aussi instable, voire dangereuse, que le Sahel, et voisin d’une autre, plus prospère mais à l’avenir hachuré telle que l’Europe. Et pourtant c’est le cas du Maghreb, « étranger proche » d’une Union européenne (UE) qui ne voit en lui que ses problèmes et leurs solutions, et rarement les atouts !
En réalité, dans son rapport au monde méditerranéen, l’UE développe une vision plutôt simple : le nord est la forteresse Europe, le sud est l’Afrique, et Israël et Turquie sont des cas particuliers, de part l’Histoire et l’influence grandissante de ces deux pays. La présidence Sarkozy avait initié l’idée d’une Union pour la Méditerranée, une instance à très fort potentiel mais à très faible rendement, fondée davantage sur la diplomatie et la politique intérieure que sur une réelle volonté de rapprocher tous ces pays, aussi nombreux que différents. L’UPM reste handicapée par cette éternelle et réductrice approche de « l’Europe des marchés et de la sécurité ».
Il aurait été bien plus préférable de penser à une structure « ouest-méditerranéenne » ou à une instance de coopération « Union européenne – Maghreb », au vu de la proximité géographique et de la convergence culturelle qui s’est installée, puis imposée, au fil du temps et avec les vicissitudes de l’Histoire commune, depuis les temps reculés de l’Empire romain.
Aujourd’hui, l’ensemble maghrébin compte environ 100 millions d’individus à revenu intermédiaire certes mais affichant un fort potentiel de développement. Ses Etats disposent d’immenses richesses naturelles : l’Algérie abrite dans son sous-sol la 3ème réserve de pétrole et la 2nde de gaz en Afrique, la Libye dispose de la 1ère réserve de pétrole et la 4ème de gaz du continent, et le Maroc détient et de loin la 1ère réserve mondiale en phosphate et est le 2nd fabricant d’engrais de la planète. Malgré cela, le Maghreb ne représente que 3,6% des échanges de l’UE, soit autant que la Turquie.
En outre, à travers le Maghreb et ses cinq pays, l’Union européenne en tant qu’instance continentale et chacun de ses membres peuvent se frayer une voie vers l’ensemble du continent, au moyen de la nouvelle zone de libre-échange africaine. Et les infrastructures portuaires sont de pus en plus importantes, essentiellement en Libye, en Algérie et au Maroc avec le port Tanger-Med.
Enfin, le Maghreb constitue une zone tampon entre le reste du continent et l’Europe, tant pour le phénomène des migrations qui prend une ampleur croissante depuis quelques années. Et en matière de lutte antiterroriste, le Maghreb a montré dans le passé, montre et montrera encore que sans ses services de sécurité, l’Europe aurait connu bien plus d’attaques terroristes que celles qui l’ont déjà frappée.
Sur le plan géopolitique, l’Europe prend progressivement la forme d’une île, cernée par les flots tumultueux des implantations chaque jour plus importantes des grandes puissances. La Chine n’aurait pas eu autant de facilité à s’installer en Afrique du Nord si l’Europe ne lui avait pas cédé sa place, les Russes ne seraient pas au Mali si le Maghreb était plus puissant, et les Etats-Unis ne prendraient pas pied au Sahel et plus au sud encore si l’Europe savait lire l’Histoire contemporaine et les mutations géopolitiques.
Or, on constate que l’Union européenne est plus portée par son développement vers l’Est que vers le Sud, pour lequel elle conserve une approche néocoloniale, après avoir été un temps post-coloniale. Elle persiste à y multiplier les bons et les mauvais points, montant souvent les uns contre les autres (Algérie-Maroc essentiellement par la France, l’Allemagne et l’Espagne), creusant un écart stratégique qui grandit d’année en année car s’inscrivant, au contraire des autres puissances globales ou locales, dans une négation de tout relativisme culturel.
Ainsi, et comme le constatent de plus en plus de think-tanks et d’intellectuels européens, l’Afrique du Nord n’est plus un pré-carré européen, les conférences de Berlin et d’Algésiras s’éloignent à mesure que le temps avance, et l’Union européenne voit son influence rétrécir dans cette région du monde pourtant hautement stratégique et située à sa porte.
Il appartient aux Européens de se défaire de cette pensée triangulaire « marchés-migrations-sécurité » et regarder le Maghreb pour ce qu’il est et non pour ce qu’il fut et ne sera plus. Cela nécessite une implication plus forte et plus résolue pour contribuer à résoudre les conflits larvés mais de plus en plus ouverts qui agitent cette région, afin d’accompagner un véritable décollage économique de ces pays, qui rejaillira fatalement sur l’Europe.
L’Europe politique en a les moyens et elle le sait, et à défaut de s’en servir, elle perdra encore davantage de son influence dans son « étranger proche », mais le sait-elle ?
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com
En réalité, dans son rapport au monde méditerranéen, l’UE développe une vision plutôt simple : le nord est la forteresse Europe, le sud est l’Afrique, et Israël et Turquie sont des cas particuliers, de part l’Histoire et l’influence grandissante de ces deux pays. La présidence Sarkozy avait initié l’idée d’une Union pour la Méditerranée, une instance à très fort potentiel mais à très faible rendement, fondée davantage sur la diplomatie et la politique intérieure que sur une réelle volonté de rapprocher tous ces pays, aussi nombreux que différents. L’UPM reste handicapée par cette éternelle et réductrice approche de « l’Europe des marchés et de la sécurité ».
Il aurait été bien plus préférable de penser à une structure « ouest-méditerranéenne » ou à une instance de coopération « Union européenne – Maghreb », au vu de la proximité géographique et de la convergence culturelle qui s’est installée, puis imposée, au fil du temps et avec les vicissitudes de l’Histoire commune, depuis les temps reculés de l’Empire romain.
Aujourd’hui, l’ensemble maghrébin compte environ 100 millions d’individus à revenu intermédiaire certes mais affichant un fort potentiel de développement. Ses Etats disposent d’immenses richesses naturelles : l’Algérie abrite dans son sous-sol la 3ème réserve de pétrole et la 2nde de gaz en Afrique, la Libye dispose de la 1ère réserve de pétrole et la 4ème de gaz du continent, et le Maroc détient et de loin la 1ère réserve mondiale en phosphate et est le 2nd fabricant d’engrais de la planète. Malgré cela, le Maghreb ne représente que 3,6% des échanges de l’UE, soit autant que la Turquie.
En outre, à travers le Maghreb et ses cinq pays, l’Union européenne en tant qu’instance continentale et chacun de ses membres peuvent se frayer une voie vers l’ensemble du continent, au moyen de la nouvelle zone de libre-échange africaine. Et les infrastructures portuaires sont de pus en plus importantes, essentiellement en Libye, en Algérie et au Maroc avec le port Tanger-Med.
Enfin, le Maghreb constitue une zone tampon entre le reste du continent et l’Europe, tant pour le phénomène des migrations qui prend une ampleur croissante depuis quelques années. Et en matière de lutte antiterroriste, le Maghreb a montré dans le passé, montre et montrera encore que sans ses services de sécurité, l’Europe aurait connu bien plus d’attaques terroristes que celles qui l’ont déjà frappée.
Sur le plan géopolitique, l’Europe prend progressivement la forme d’une île, cernée par les flots tumultueux des implantations chaque jour plus importantes des grandes puissances. La Chine n’aurait pas eu autant de facilité à s’installer en Afrique du Nord si l’Europe ne lui avait pas cédé sa place, les Russes ne seraient pas au Mali si le Maghreb était plus puissant, et les Etats-Unis ne prendraient pas pied au Sahel et plus au sud encore si l’Europe savait lire l’Histoire contemporaine et les mutations géopolitiques.
Or, on constate que l’Union européenne est plus portée par son développement vers l’Est que vers le Sud, pour lequel elle conserve une approche néocoloniale, après avoir été un temps post-coloniale. Elle persiste à y multiplier les bons et les mauvais points, montant souvent les uns contre les autres (Algérie-Maroc essentiellement par la France, l’Allemagne et l’Espagne), creusant un écart stratégique qui grandit d’année en année car s’inscrivant, au contraire des autres puissances globales ou locales, dans une négation de tout relativisme culturel.
Ainsi, et comme le constatent de plus en plus de think-tanks et d’intellectuels européens, l’Afrique du Nord n’est plus un pré-carré européen, les conférences de Berlin et d’Algésiras s’éloignent à mesure que le temps avance, et l’Union européenne voit son influence rétrécir dans cette région du monde pourtant hautement stratégique et située à sa porte.
Il appartient aux Européens de se défaire de cette pensée triangulaire « marchés-migrations-sécurité » et regarder le Maghreb pour ce qu’il est et non pour ce qu’il fut et ne sera plus. Cela nécessite une implication plus forte et plus résolue pour contribuer à résoudre les conflits larvés mais de plus en plus ouverts qui agitent cette région, afin d’accompagner un véritable décollage économique de ces pays, qui rejaillira fatalement sur l’Europe.
L’Europe politique en a les moyens et elle le sait, et à défaut de s’en servir, elle perdra encore davantage de son influence dans son « étranger proche », mais le sait-elle ?
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com