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La sardine, le mouton et le porte-monnaie


Rédigé par le Samedi 8 Mars 2025



5 dirhams le kilogramme de sardines ! Abdelilah El Ajjout, poissonnier de son état, a créé le buzz en commercialisant la sardine à des prix défiant toute concurrence, suscité la sympathie des classes sociales les plus touchées par le renchérissement du coût de la vie et la colère des intermédiaires dans le circuit de distribution du poisson sur le marché local.

Dîtes merci à Youtube, dont le versement des « Adsense » à Abdelilah « moul l’hout » pour ses vidéos, permet de couvrir largement les charges d’achat et de transport des sardines et de générer une marge bénéficiaire, explique ses détracteurs.

Toujours est-il que les prix des sardines ont oscillé à travers les marchés du royaume, une multitude de clients renonçant à en acheter lorsqu’ils estiment les prix affichés injustifiés. 
 
Quelques jours après, l’appel royal à s’abstenir d’accomplir le rite du sacrifice du mouton lors de l’aïd el adha, légitimé par une baisse de 38% du cheptel national, elle-même due à un déficit pluviométrique de 53% par rapport à la moyenne des trente dernières années, a soulagé des milliers de pères de famille aux revenus limités.

Les prix sur le marché des ovins ont aussitôt chuté.

Quelques théologiens étrangers mal éclairés (ou malintentionnés) ont bien tenté de jouer la carte du littéralisme borné, mais n’ont pas tardé à se faire remonter les bretelles par les théologiens marocains, à la grande satisfaction de l’opinion publique nationale.

Le Maroc est un pays musulman et libéral. La conjonction des préceptes de l’Islam et des principes du libéralisme légitime le droit à l’enrichissement matériel mais suppose également des devoirs envers les moins favorisés.

Depuis la flambée des prix post-Covid, le coût de la vie n’a que modérément reculé. La succession des années de sécheresse n’a pas arrangé les choses.

En bon entrepreneur et marketeur, Abdelilah « moul l’hout » a court-circuité les intermédiaires sur le marché du poisson à Marrakech et su le faire savoir à ses clients. 
Sa stratégie a fonctionné et l’écho de son coup de pub s’est diffusé aux quatre coins du royaume. Le moment était d’autant plus propice que les ménages marocains peinent à joindre les deux bouts.

La destruction des structures rigidifiées des circuits de distribution par des entrepreneurs ingénieux serait créatrice de prix plus abordables pour les consommateurs sur les marchés, aurait dit Shumpeter.

Mais telles les feuilles d’un oignon que l’on épluche l’une après l’autre, cette affaire en a soulevé bien d’autres. 

Quid des richesses halieutiques du Maroc, doté d’une façade maritime longue de 3.500 kms, et de la faible consommation du poisson par les Marocains, 13kgs/habitant/an, contre une moyenne mondiale de de 20kgs ?

Quid de la politique agricole du Maroc, qui privilégie les exportations aux dépens des (maigres) ressources hydriques et de la sécurité alimentaire ?

Quid du sort de la classe moyenne marocaine, socle de la stabilité sociopolitique et de la démocratie, soumise à un processus d’appauvrissement continu ?

L’appel royal à renoncer au sacrifice de l’Aïd el adha est également un appel à renoncer à des pratiques commerciales illégitimes et socialement destructrices, à des politiques publiques mal conçues dont l’échec est patent et à une mentalité de prédateur qui sape les fondements de la cohésion nationale.

Ramadan moubarak.





Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Samedi 8 Mars 2025

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