Après une dizaine d’années de mandatures PJD, avec un rôle de plus en plus étriqué des femmes, un retour à la normale s’opère peu à peu sous nos yeux. Plus de femmes en situation de responsabilité et plus d’hommes convaincus de l’égalité des genres. L’arrivée du gouvernement Akhannouch a donc été, sur ce plan, une heureuse surprise ! Mais, car il y a toujours un mais…
« Comment espérer atteindre le progrès et la prospérité alors que les femmes, qui constituent la moitié de la société, voient leurs intérêts bafoués, (…) Alors même qu'elles ont atteint un niveau qui leur permet de rivaliser avec les hommes, que ce soit dans le domaine de la science ou de l'emploi ? », disait le roi Mohammed VI dans son premier discours, le 20 août 1999… Depuis, il y a eu la Moudawana, il y a eu feue Zoulikha Nasri, il y a eu accès des femmes à des métiers religieux jusque-là réservés aux hommes.
Mais dans l’intervalle, il y a eu aussi le PJD et sa conception des femmes. On ne peut lui reprocher, c’est sa doctrine, et il a été élu pour la mettre en pratique. Résultat, un taux d’activité des femmes qui a inexorablement reculé, de 26% en 2010 à environ 21% dix ans après (HCP). Selon la Banque mondiale, en termes de taux de participation des femmes à la population active, le Maroc occupait en 2018 la 180ème place sur un échantillon de 189 pays.
Avec Aziz Akhannouch, les choses devraient changer, le nouveau chef du gouvernement étant connu pour son approche de la parité et de l’égalité. On le voyait hier dans le management de son groupe et aujourd’hui dans la direction et les responsabilités de « son » RNI, et cela se confirme encore au niveau de son gouvernement, avec 7 femmes, soit près de 30% de l’effectif, à l’inverse du gouvernement Benkirane I, où une seule femme siégeait au milieu de 30 hommes, s’occupant de la femme, de la famille et des gosses…
Les 7 dames ministres de l’équipe Akhannouch, elles, détiennent des responsabilités aussi novatrices qu’importantes : Economie et Finances, Santé et Protection sociale, Aménagement du territoire et Urbanisme, Tourisme et Artisanat, Transition énergétique et Développement durable, Solidarité et Insertion sociale, Transition numérique et Réforme administrative. Et pour 5 d’entre elles, elles ne s’occuperont que de leurs nouvelles fonctions.
Si la mairie d’Agadir, conquise par Aziz Akhannouch, peut se justifier dans l’importance récente acquise par la ville et aussi dans la symbolique de la confier au chef du gouvernement pour les cinq années à venir, celle de Taroudant s’explique moins. Pour cette cité, présidée par le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi, le problème n’est pas dans le cumul des mandats mais bien dans celui qui les cumule, qui s’occupera plus de son nombril que de sa ville.
Plus difficilement justifiables sont les mairies de Casablanca et de Marrakech. Comment Aziz Akhannouch a-t-il pu accepter un tel cumul des mandats ? Il est vrai que cela lui aurait été difficile d’exciper de cet argument, étant lui-même maire d’Agadir, mais tout de même, on le pensait homme d’autorité… Et ce faisant, il s’expose aux critiques des Casablancais et des Marrakchis qui vivent mal de voir leurs maires s’affairer dans la capitale et reléguer leurs villes en seconde zone en les confiant à des adjoints. Vous avez aimé Abdelaziz el Omari à Casablanca et Aziz Rabbah à Kenitra, vous adorerez Fatima-Zahra Mansouri à Marrakech et Nabila Rmili à Casablanca !
Le législateur a interdit le cumul des mandats de ministre et président de région et aussi des mandats de député et de maire de 13 villes importantes. Il faut sonder les méandres de l’esprit de ce législateur qui n’a pas songé interdire de cumuler la mairie d’une grande ville, dépassant le million d’habitants, avec quelque autre fonction.
Si toutes les femmes ministres en charge de départements complexes restent dans leurs domaines de spécialisation où elles ont apporté leurs preuves, les départements confiés à Mme Mansouri et Rmili semblent un peu hors de leurs compétences… Ces deux dames, membres des bureaux politiques de leurs formations respectives, PAM et RNI, étaient au cœur des tractations pour la formation du gouvernement, et savaient qu’elles allaient être ministres. Pourquoi donc s’être quand même accaparé des deux mairies, et pourquoi leur avoir accepté cette voracité de fonctions ?
Et déjà on voit se profiler l’opposition… de la société, puisque celle de la politique, classique, semble inexistante. Les réseaux pullulent de commentaires interrogatifs sur cette anomalie cumularde. Autant les Casablancais et les Marrakchis étaient heureux et fiers de voir leurs villes dirigées par des femmes, autant ils sont aujourd’hui déçus. Et ils ont raison !
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com