Pour rectifier le tir, un guide a été signé depuis peu, entre le parquet général et le ministère de l’emploi, pour essayer de combler les lacunes de la loi. Ce travail Ingrat et non comptabilisé risque de passer des années encore dans le flou avant de lui trouver des solutions pérennes.
Pour plus de visibilité sur cette problématique, on a contacté Mme Hafida Ben Salah, Présidente de l’Association Neama pour le développement. C’est une association qui fait du travail domestique son champ de bataille et qui, depuis l’entrée en vigueur de la loi, accompagne et sensibilise les travailleurs domestiques sur la loi 19-12 dans dix villes du Royaume.
Dans ce cadre, l’association a procédé, avec le ministère de l’emploi, à des campagnes de sensibilisation et de formation sur la loi, au profit des travailleurs (ses), et ce, au niveau de 10 villes marocaines : Oujda, Fès, Meknès, Tanger, Agadir, Marrakech, Casablanca, Rabat, Kenitra et Ksar El Kébir.
En plus de la conscientisation sur la loi, la protection et le plaidoyer pour la promotion des droits des femmes. La société civile doit conjuguer ses efforts dans ce volet social, la loi étant progressiste par rapport à la culture sociétale dominante. Les enjeux sont grands pour une meilleure compréhension et application des 27 articles. Ce qui devrait impliquer la télévision, la radio à travers des spots de sensibilisation sachant que la plupart des travailleurs (ses) sont analphabètes.
Pour Mme Bensaleh :
La loi 19-12
« La loi 19-12 relative aux travailleurs et travailleuses domestiques était très attendue. Elle est importante dans la mesure où elle permet le cadrage de la profession et la promotion des droits humains pour une frange de la société qui a longtemps subi violences, discriminations, exclusion et marginalisation. Certes, c’est un premier pas positif pour un cadre légal qui a pris du retard (15 ans) depuis la mise en place du Code du travail en 2004. Mais on trouve qu’il y a des lacunes au niveau de cette loi et on appelle le législateur marocain à une protection optimale de ces travailleurs.
La loi a limité le nombre d’heures de travail, le salaire qui ne peut être inférieur à 60% du Smig, elle a donné le droit de vacances et le congé de maternité... Mais tous ces accords doivent se faire en entente entre les parties prenantes, à travers un contrat de Consentement mutuel. Et cette entente en elle-même peut, dans un contexte de pauvreté et de fragilité, léser certains domestiques.
Les déclarations à la CNSS sont très faibles, en deçà des espérances
« Selon les chiffres parvenus à l’association, 2228 travailleurs et travailleuses domestiques ont été déclarés par leurs employeurs à la CNSS, à travers la loi. Un nombre insignifiant qui est loin des attentes de la société civile. Notre association est la première à avoir fait des campagnes de sensibilisation sur la loi, dès sa mise en œuvre, il y a deux ans. Ce nombre montre que la loi 19-12 ne suffit pas encore et qu’elle a besoin de temps pour obliger les employeurs (ses) au respect les droits des travailleurs (ses). D’autant plus que la crise sanitaire, due à la Covid, a mis à nu tout le système sanitaire engouffré par une déclaration à la CNSS qui n’est devenue obligatoire qu’en juin 2020.
Parmi les conditions d’obligation de l’enregistrement figure la CIN, la création d’un compte bancaire …Ce qui peut constituer une entrave, surtout que ces personnes n’ont pas de ressources et qu’il faut que quelqu’un se porte garant pour créer ce compte.
Aussi, pour bénéficier de la CNSS, l’on se demande avec quelle famille sera signé le contrat pour une domestique qui travaille chez plusieurs familles (1 ou 2 jours par famille), un point qui existe dans la loi mais qui a besoin d’éclaircissements.
Un guide de travail qui pourrait combler les défaillances de la loi…
Fin septembre 2020, un guide de travail a été publié, signé entre le Ministère de l’emploi et de la Formation professionnelle et le Parquet général (Niyaba al amma), en vue d’une meilleure application de la loi avec pour but le comblement des insuffisances et manquements au niveau de la loi.
Le rôle du parquet est très important surtout pour ce qui est des conflits de travail entre les travailleurs domestiques d’une part, et les employeurs d’autre part, ou quand il y a enregistrement de plaintes auprès de l’inspecteur de travail en cas de conflit. Mais ce qui est observé sur le terrain, c’est qu’il y a tout d’abord un effectif faible d’inspecteurs de travail par rapport au nombre de travailleurs, et que le suivi des personnes enregistrées n’est pas assuré par les inspecteurs de travail.
Travail domestique des mineurs (es)
« La loi 19-22, dans son article 6 a reconnu le travail des mineurs, ce qui est intolérable pour l’association qui considère que cela enfreint la Convention onusienne des Droits de l’enfant signée par le Maroc. La loi 19-12 interdit le travail d’enfants de moins de 16 ans mais tolère le travail entre 16 et 18 ans, exigeant une phase de transition de 5 ans, donc jusqu’en 2023.
Nous considérons, au sein de l’association Neama que le travail de maison constitue une forme de travaux forcés et c’est une exploitation et violation de leur enfance. Ils ont le droit d’aller à l’école et de jouer comme les autres enfants.
On a remarqué ces jours-ci une recrudescence des crimes contre l’enfance, qui n’est certes pas un fait nouveau, mais qui a pris une ampleur particulière à travers les réseaux sociaux. Il faut aussi noter que plusieurs travailleurs domestiques subissent viols et exploitations sexuelles, de la part des chefs de famille ou de leurs enfants, et qui peuvent tomber enceintes.
D’ailleurs, toutes les études ont montré que les mères célibataires sont pour la plupart des travailleuses domestiques.