Par Abdeslam Seddiki
La généralisation de l’indemnité pour perte d’emploi (IPE) à toutes les personnes qui disposent d’un emploi stable constitue l’un des quatre piliers de la généralisation de la protection sociale telle qu’elle a été définie par la loi-cadre n° 09-21. IL est à rappeler qu’il s’agit d’un vaste et ambitieux chantier qualifié, à juste titre, de révolutionnaire eu égard à ses retombées sur le tissu socio-économique du pays et à ses effets sur la vie des travailleurs.
Il se déroule en quatre étapes : la première étape porte sur la généralisation de l’assurance maladie obligatoire au cours des deux années 2021-2022 au profit de 22 millions de personnes ; la deuxième étape porte sur l’extension des allocations familiales en 2023 et 2024 en ciblant 7 millions d’enfants en âge de scolarité; la troisième consiste à élargir la base des adhérents aux régimes de retraie pour inclure environ 5 millions de personnes qui exercent un emploi et qui ne bénéficient d’aucune pension à l’horizon 2025 ; la quatrième et dernière étape consiste à généraliser l’IPE durant l’année 2025 pour couvrir toute personne exerçant un emploi stable.
Le coût global de ce projet est estimé, une fois mené à son terme, à 51 MMDH par an dont 28 MM sont financés par les cotisations et le reste, soit 21 MMDH, sont à la charge de la collectivité et financés par le budget. Bien sûr, la réussite de ce projet est tributaire de mesures d’accompagnement qu’il convient de prendre en parallèle et des réformes de structure à accomplir dans différents domaines dont en premier lieu la réalisation d’une réforme fiscale à même de générer des ressources pérennes, l’assainissement de l’économie à travers la lutte contre l’informel, les privilèges et les rentes de toutes sortes.
Pour ce qui est de la généralisation de l’IPE, il faut saluer le travail préliminaire réalisé par le CESE suite à une saisine du Président de la Chambre des Conseillers « Indemnité pour perte d’emploi :quelles alternatives à la lumière de la loi-cadre sur la protection sociale ? ». Dans ce rapport, le CESE a décliné la configuration de la prochaine réforme en partant de l’existant. On sait en effet que le Maroc a adopté en 2015, pour la première fois, un régime de l’IPE, faisant de lui l’un des rares à disposer d’un tel régime parmi les PVD.
L’analyse des caractéristiques du dispositif actuel de l’IPE fait ressortir trois principales raisons limitant sa portée :
-Des conditions d’éligibilités restrictives : la perte involontaire d’emploi ; la justification d’une période d’assurance au régime de sécurité sociale d’au moins 780 jours dans les trois années précédant la date d’arrêt du travail, dont 260 jours durant les douze derniers mois civils ; l’inscription comme demandeur d’emploi auprès des services d’intermédiation compétents du marché du travail (ANAPEC) ; l’aptitude au travail ; la notification à la CNSS de la perte d’emploi dans un délai de 60 jours, sauf en cas de force majeure, sous peine de perte de droit à l’IPE. Ces conditions ont fait que la moitié des dossiers présentés furent rejetés à cause notamment de l’insuffisance du nombre de jours déclarés. Depuis son instauration en 2016, un peu moins de 8OOOO personnes ont pu bénéficier de cette indemnité alors que l’objectif fixé au départ tablait sur 30000 bénéficiaires par an.
- Des niveaux de prestations insuffisants : l’IPE permet de bénéficier, durant une période n’excédant pas six mois, d’un montant mensuel égal à 70% du salaire de référence (salaire mensuel moyen déclaré au cours des 36 derniers mois) sans excéder le montant du salaire minimum légal, qui est de 2828.71 DH (janvier 2021). Elle permet en plus, le maintien du service des allocations familiales, de la couverture AMO et de la retraite pendant la période d’indemnisation.
- Un financement insuffisant et inéquitable : l’IPE est financé à travers un taux de cotisation correspondant à 0,57% du salaire plafonné à 6000 DH. Les cotisations sont versées par l’employeur, à hauteur de 0,38%, et par le salarié, à hauteur de 0,19%. Pour sa part, l’Etat s’est engagé à participer avec un fonds d’amorçage de 500 millions de dirhams, étalé sur 3 ans (250 MDH la première année, et le reliquat à verser en cas de besoin: 125 MDH la deuxième et 125 MDH la troisième). Ainsi, une première tranche de 250 millions de dirhams a été débloquée, en 2015.
Aussi limitée soit-elle, cette mesure, qui constitue une première dans notre pays, a demandé pour son adoption et sa mise en œuvre plus de dix ans de négociations et de tractations au sein du CA de la CNSS et des autres instances. Il a fallu beaucoup de volontarisme et d’abnégation pour la libérer des arcanes de l’administration. On savait dès le départ qu’elle est insuffisante et de portée limitée. Mais l’essentiel était de démarrer en prenant l’engagement de procéder après deux à trois années à son évaluation et rectifier le tir. La perfection est l’ennemie de l’action, on ne le dira jamais assez.
Maintenant, on est dans un autre contexte. Depuis 2016, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et d’autres priorités se sont imposées à notre pays dont notamment la question sociale, la nécessité d’une croissance inclusive et d’une réduction des inégalités. .. Autant de problématiques qui ont constitué la trame du NMD.
En partant de ces insuffisances, le CESE a fait un certain nombre de propositions pouvant faire l’objet d’une plateforme sérieuse de débat. Il plaide pour une réforme systémique progressive conduisant vers l’instauration d’un système d’indemnisation de chômage.
Ainsi, pour les travailleurs salariés, il s’agit de : réduire le nombre minimum de jours de cotisations requis ; augmenter le plafond de l’indemnité en le portant à un multiple du SMIG (4 à 5 fois le SMIG) ; étendre la durée des prestations de manière proportionnelle à la durée cotisée ; améliorer le financement de l’IPE à travers l’augmentation des cotisations et une autre série de mesures exposées dans le rapport.
En revanche, pour les travailleurs non-salariés, une approche graduelle est privilégiée devant faire l’objet d’un débat et d’une concertation entre les parties concernées de manière à tenir compte des spécificités des différents métiers et de définir préalablement ce que constituerait la cessation d’activité pour ces catégories de travailleurs. Question on ne peut plus délicate comme on le voit déjà avec l’extension de l’AMO aux indépendants.
Telles sont, les idées-forces développées par le CESE. Elles ont le mérite d’exister et d’enrichir le débat national sur une question sociale de première importance pour sécuriser la vie des travailleurs menacés à tout moment de perdre leur emploi et de se retrouver sans ressources.
Par Abdeslam Seddiki
Il se déroule en quatre étapes : la première étape porte sur la généralisation de l’assurance maladie obligatoire au cours des deux années 2021-2022 au profit de 22 millions de personnes ; la deuxième étape porte sur l’extension des allocations familiales en 2023 et 2024 en ciblant 7 millions d’enfants en âge de scolarité; la troisième consiste à élargir la base des adhérents aux régimes de retraie pour inclure environ 5 millions de personnes qui exercent un emploi et qui ne bénéficient d’aucune pension à l’horizon 2025 ; la quatrième et dernière étape consiste à généraliser l’IPE durant l’année 2025 pour couvrir toute personne exerçant un emploi stable.
Le coût global de ce projet est estimé, une fois mené à son terme, à 51 MMDH par an dont 28 MM sont financés par les cotisations et le reste, soit 21 MMDH, sont à la charge de la collectivité et financés par le budget. Bien sûr, la réussite de ce projet est tributaire de mesures d’accompagnement qu’il convient de prendre en parallèle et des réformes de structure à accomplir dans différents domaines dont en premier lieu la réalisation d’une réforme fiscale à même de générer des ressources pérennes, l’assainissement de l’économie à travers la lutte contre l’informel, les privilèges et les rentes de toutes sortes.
Pour ce qui est de la généralisation de l’IPE, il faut saluer le travail préliminaire réalisé par le CESE suite à une saisine du Président de la Chambre des Conseillers « Indemnité pour perte d’emploi :quelles alternatives à la lumière de la loi-cadre sur la protection sociale ? ». Dans ce rapport, le CESE a décliné la configuration de la prochaine réforme en partant de l’existant. On sait en effet que le Maroc a adopté en 2015, pour la première fois, un régime de l’IPE, faisant de lui l’un des rares à disposer d’un tel régime parmi les PVD.
L’analyse des caractéristiques du dispositif actuel de l’IPE fait ressortir trois principales raisons limitant sa portée :
-Des conditions d’éligibilités restrictives : la perte involontaire d’emploi ; la justification d’une période d’assurance au régime de sécurité sociale d’au moins 780 jours dans les trois années précédant la date d’arrêt du travail, dont 260 jours durant les douze derniers mois civils ; l’inscription comme demandeur d’emploi auprès des services d’intermédiation compétents du marché du travail (ANAPEC) ; l’aptitude au travail ; la notification à la CNSS de la perte d’emploi dans un délai de 60 jours, sauf en cas de force majeure, sous peine de perte de droit à l’IPE. Ces conditions ont fait que la moitié des dossiers présentés furent rejetés à cause notamment de l’insuffisance du nombre de jours déclarés. Depuis son instauration en 2016, un peu moins de 8OOOO personnes ont pu bénéficier de cette indemnité alors que l’objectif fixé au départ tablait sur 30000 bénéficiaires par an.
- Des niveaux de prestations insuffisants : l’IPE permet de bénéficier, durant une période n’excédant pas six mois, d’un montant mensuel égal à 70% du salaire de référence (salaire mensuel moyen déclaré au cours des 36 derniers mois) sans excéder le montant du salaire minimum légal, qui est de 2828.71 DH (janvier 2021). Elle permet en plus, le maintien du service des allocations familiales, de la couverture AMO et de la retraite pendant la période d’indemnisation.
- Un financement insuffisant et inéquitable : l’IPE est financé à travers un taux de cotisation correspondant à 0,57% du salaire plafonné à 6000 DH. Les cotisations sont versées par l’employeur, à hauteur de 0,38%, et par le salarié, à hauteur de 0,19%. Pour sa part, l’Etat s’est engagé à participer avec un fonds d’amorçage de 500 millions de dirhams, étalé sur 3 ans (250 MDH la première année, et le reliquat à verser en cas de besoin: 125 MDH la deuxième et 125 MDH la troisième). Ainsi, une première tranche de 250 millions de dirhams a été débloquée, en 2015.
Aussi limitée soit-elle, cette mesure, qui constitue une première dans notre pays, a demandé pour son adoption et sa mise en œuvre plus de dix ans de négociations et de tractations au sein du CA de la CNSS et des autres instances. Il a fallu beaucoup de volontarisme et d’abnégation pour la libérer des arcanes de l’administration. On savait dès le départ qu’elle est insuffisante et de portée limitée. Mais l’essentiel était de démarrer en prenant l’engagement de procéder après deux à trois années à son évaluation et rectifier le tir. La perfection est l’ennemie de l’action, on ne le dira jamais assez.
Maintenant, on est dans un autre contexte. Depuis 2016, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et d’autres priorités se sont imposées à notre pays dont notamment la question sociale, la nécessité d’une croissance inclusive et d’une réduction des inégalités. .. Autant de problématiques qui ont constitué la trame du NMD.
En partant de ces insuffisances, le CESE a fait un certain nombre de propositions pouvant faire l’objet d’une plateforme sérieuse de débat. Il plaide pour une réforme systémique progressive conduisant vers l’instauration d’un système d’indemnisation de chômage.
Ainsi, pour les travailleurs salariés, il s’agit de : réduire le nombre minimum de jours de cotisations requis ; augmenter le plafond de l’indemnité en le portant à un multiple du SMIG (4 à 5 fois le SMIG) ; étendre la durée des prestations de manière proportionnelle à la durée cotisée ; améliorer le financement de l’IPE à travers l’augmentation des cotisations et une autre série de mesures exposées dans le rapport.
En revanche, pour les travailleurs non-salariés, une approche graduelle est privilégiée devant faire l’objet d’un débat et d’une concertation entre les parties concernées de manière à tenir compte des spécificités des différents métiers et de définir préalablement ce que constituerait la cessation d’activité pour ces catégories de travailleurs. Question on ne peut plus délicate comme on le voit déjà avec l’extension de l’AMO aux indépendants.
Telles sont, les idées-forces développées par le CESE. Elles ont le mérite d’exister et d’enrichir le débat national sur une question sociale de première importance pour sécuriser la vie des travailleurs menacés à tout moment de perdre leur emploi et de se retrouver sans ressources.
Par Abdeslam Seddiki