Par Aziz Boucetta
Le nouvel exécutif n’a passé qu’une vingtaine de jours sur la centaine communément admise pour évaluer les premières mesures et les premiers pas d’un gouvernement. Mais d’ores et déjà, avec le bénéfice du doute toujours de mise, des couacs apparaissent dans la communication de l’équipe Akhannouch… mais pas seulement la communication… Un grand et fâcheux flop de gouvernance.
Lundi 18 octobre en fin de journée, un communiqué tombe, annonçant la décision du gouvernement d’instaurer un pass vaccinal pour à peu près l’ensemble des activités humaines dans le royaume. L’entrée en vigueur de cette mesure est actée pour le jeudi 21, sachant que les deux jours séparant le communiqué de l’effectivité de la mesure sont fériés.
Au-delà du fond de cette décision, légitime et amplement justifiable au regard des risques sanitaires dus à la Covid-19, c’est la forme rugueuse du communiqué et l’absence des institutions d’Etat dans cette prise de décision qui heurtent.
1/ La non-concertation et la non-communication gênent. En général, quand le gouvernement d’un pays démocratique prend une décision aussi limitative des libertés individuelles et collectives, il se concerte, consulte, discute, débat, essaie de convaincre… Dans le présent cas de figure, rien de tout cela : on décide, on interdit, et puis on passe à autre chose, avec la satisfaction du devoir accompli. Interrogé sur la chose, le ministre de la Communication Mehdi Bensaïd vient à la télévision, dans une émission de grande audience, explique, s’explique, justifie et défend la mesure, mais concède que « le gouvernement est encore en rodage »… On le salue pour cela car il ne pouvait faire plus à son niveau. Son collègue Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, a préféré hiberner, ne répondant ni aux questions ni au téléphone, étant en « rodage » difficile.
2/ L’opposition change de profil et de nature. Depuis le 8 septembre au soir, et surtout depuis l’annonce de la formation de la majorité gouvernementale le 22 suivant, il était évident que le Maroc allait disposer d’une opposition fragmentée, affaiblie, déprimée, agissant en silos tant les partis qui la composent sont isolés. Ecrasés par le nombre de leurs adversaires et par le sombre horizon qui s’annonce pour eux, ces partis sont en profonde catatonie, ne disent rien ou bien n’importe quoi... Et comme la politique, à l’instar de la nature, a horreur du vide, c’est la société civile qui prend le pas, d’une manière très évoluée, qui devrait inquiéter nos gouvernants.
On n’insulte plus, ou peu, mais on argumente, on déploie des arguments juridiques, on interpelle la constitutionnalité de la décision, on s’interroge sur le statut juridique des agents vérificateurs des pass, on appelle à plus de logique et, par-dessus tout, à plus de respect. Les juristes et défenseurs des droits sont montés au créneau, les influenceurs œuvrent à influencer et les médias s’interrogent à défaut d’interroger des responsables au demeurant furtifs. Le droit est convoqué et la crainte du non-droit s’installe. L’atonie de l’opposition encourage toutes les suppositions et on a commencé à voir des manifestations, accentuant ainsi la tâche d’une police déjà surmenée et passablement saturée.
3/ Où sont les institutions de défense des droits passées ? Installés en leurs sièges rbatis, ayant pignon sur rue, la Commission Nationale de contrôle de la protection des Données à caractère Personnel (CNDP) et le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) sont pourtant ignorés par le gouvernement. Leurs responsables semblent avoir été surpris par la décision surprise de l’équipe Akhannouch. La CNDP rendra son avis cette semaine, ce qui laisse supposer que la décision qui en sera l’objet peut être illégale ou abusive. Le CNDH, « prenant connaissance de la décision », multiplie les recommandations, affiche ses préoccupations et recommande le pass sanitaire au lieu du pass vaccinal*. Aucune des deux institutions ne semble avoir été consultée avant de décider ce qui l’a été.
4/ Un communiqué d’autosatisfaction hallucinant… Hier 25 octobre, le chef du gouvernement publie une déclaration (ni datée ni signée) affichant une immense satisfaction des résultats de la pression du pass vaccinal, « sans lequel le retour à la vie normale serait impossible », ajoutant, dans une étonnante affirmation, que « les bénéficiaires de la 1ère dose devront maintenir les mesures de protection, jusqu’à la seconde dose »…
En résumé, la mesure gouvernementale du pass vaccinal, bien que nécessaire et très certainement salutaire, est impopulaire, peu réglementaire et, pour tout dire, autoritaire…. prise sans consulter personne mais impliquant tout le monde, prise pour sauver les populations mais privant une partie de celle-ci de ses droits. Il est certes exact, comme le dit M. Bensaïd, que le gouvernement est « en rodage », mais il serait très inspiré, face à des Marocains de plus en plus exigeants et conscients de leurs droits, d’éviter les ratages.
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com