La Chambre des représentants de la Fédération de Russie, la Douma, a voté une loi, le 14 juillet, interdisant les opérations chirurgicales pour changer de sexe, sauf pour corriger des anomalies congénitales, ainsi que l’adoption d’enfant par des personnes trans-genres.

L’homosexualité n’est plus juridiquement répréhensible en Russie, depuis 1993. Elle a, cependant, toujours été rejetée par la société russe. La promotion qui en est faite dans les pays occidentaux est considérée par les Russes comme le reflet d’une dégénérescence socioculturelle aux relents sataniques.

Le peuple russe, même après sept décennies de communisme athée et son lot d’oppression antireligieuse, est toutefois resté assez attaché au Christianisme orthodoxe, qui n’a jamais atteint le degré de déchéance du Catholicisme en Europe occidentale.

Il n’y a pas de chasse aux homosexuels en Russie, mais les manifestations publiques, de ce qui est considéré par les Russes comme une déviation sexuelle, sont mal appréciées autant par les autorités que par les populations.

Le tendance à la restriction de ce que les individus Lgbtq+ considèrent comme des droits n’est pas nouvelle en Russie et semble se renforcer. En 2022, le parlement russe avait déjà interdit la « propagande pour les relations sexuelles non-traditionnelles ».

Après le déclenchement de l’opération militaire spéciale russe en Ukraine, fin février 2022, et le soutien massif apporté par les pays occidentaux aux forces armées ukrainiennes, une véritable vague de retour aux sources semble avoir saisi le peuple russe.

Même les autorités russes s’empressent de montrer leur attachement aux valeurs traditionnelles, le président Poutine prenant même plaisir à se faire filmer en prière, cierge à la main, dans des églises orthodoxes.

Le choix de ce moment précis par les députés russes pour adopter cette nouvelle législation relative aux personnes trans-genre n’est donc pas fortuit.

La guerre d’Ukraine n’est pas perçue par les Russes comme un simple affrontement armé, dicté par des considérations géopolitiques, mais comme une guerre existentielle de dimension eschatologique.

Les Russes voient leur confrontation avec les pays occidentaux, par Ukrainiens interposés, comme une bataille du bien contre le mal, d’une société conservatrice, qui refuse la culture « woke » importée d’Occident, contre ce dernier, qui cherche à imposer ses valeurs dégénérées aux autres peuples du monde.

Mieux encore, Moscou est parfaitement consciente que le refus des pays non-occidentaux de se faire recruter par Washington et Bruxelles dans leur croisade contre la Russie s’explique en partie par sa défense des valeurs traditionnelles.

Il fallait au « Reste du monde » un porte parole pour dire aux Occidentaux que leur idéologie « woke » n’est ni partagée, ni acceptable et c’est la Russie qui remplit désormais ce rôle.

Au-delà de l’exploitation par les dirigeants russes de l’adoption de cette nouvelle législation anti-Lgbtq+ pour des raisons de politique intérieure, elle revêt, également, une dimension plus géopolitique, qui ne va pas échapper au « Reste du monde ».

Le président ukrainien Zelensky, qui s’est fait connaître d’abord comme artiste comique, à qui il est arrivé de présenter ses sketchs dans des postures on ne peut plus indécentes, doit ressentir cette nouvelle loi russe comme un missile hypersonique qui a frappé au cœur de Kiev.

Ainsi présentée au « Reste du monde », la confrontation entre l’Occident et la Russie n’est plus celle des démocraties contre un régime autocratique, comme se plaisent à le répéter ad-nauseam les médias occidentaux, mais celle des promoteurs des « droits » des Lgbtq+ et de la culture « woke » contre un pays attaché aux valeurs traditionnelles.