La Turquie ciblée


Rédigé par le Jeudi 24 Octobre 2024

Un commando terroriste, probablement kurde, a attaqué, le 23 octobre, le siège de l’entreprise turque d’industrie militaire Tusas, au moment où le président Erdogan participait au 16ème sommet des Brics en Russie.



Attaque terroriste contre le siège de l'entreprise d'industrie militaire turque Tusas
Le 23 octobre, à 15h30mn, un commando terroriste, composé d’un homme et d’une femme, a débarqué d’un taxi, dont le chauffeur a été assassiné et enfermé dans le coffre de sa voiture, et attaqué aux fusils automatiques et aux explosifs le siège de l’entreprise turque d’industrie militaire Turkish Aerospace Industries Inc (Tusas), près de la capitale Ankara.

Cinq employés de ladite entreprise ont été tués et vingt-deux autres ont été blessés lors de cet attentat. Les forces spéciales de la police turque ont, par la suite, réussi à éliminer les deux assaillants, dont les autorités d’Ankara disent qu’ils sont membres du mouvement séparatiste terroriste kurde PKK.

Cette opération s’est déroulée au moment où le président turc, Tayyep Erdogan, participait au 16ème sommet des Brics, à Kazan, en Russie. La demande d’adhésion de la Turquie, pays membre de l’Otan, au groupement des Brics a suscité de réelles inquiétudes des pays occidentaux.

Pour Ankara, ce virage de sa stratégie géopolitique est motivé par la conviction que la Turquie ne sera jamais acceptée en tant que pays membre de l’Ue, sa demande d’adhésion à cette union datant de 1999.

Le séparatisme kurde instrumentalisé

Il est intéressant de rappeler que l’un des alliés politiques du président Erdogan, le chef du parti du mouvement nationaliste (MHP), Devlet Bahceli, a proposé, un jour seulement avant l’attaque contre Tusas, au fondateur du PKK, Abdullah Ocalan, condamné à perpétuité en 1999 pour terrorisme, de prendre la parole au parlement turc pour annoncer le démantèlement du mouvement séparatiste terroriste kurde et mettre ainsi fin à un conflit qui dure depuis quarante ans.

Selon plusieurs analystes, à travers cette proposition de paix faite aux Kurdes de Turquie, Tayyep Erdogan, dont c’est le 2ème mandat présidentiel, cherche à obtenir leur soutien politique afin de modifier la constitution de son pays et pouvoir, ainsi, briguer un troisième mandat.

Quelques après l’attentat terroriste contre Tuslas, l’armée de l’air turque a bombardé 32 sites du PKK en Irak et ceux d’une autre milice kurde, le YPG, en Syrie, où ses combattants bénéficient de la protection des Etats-Unis.

La montée en puissance militaire turque

Le chasseur turque de 5ème génération KAAN
La Turquie a commencé à développer son industrie militaire et créée l’entreprise Tusas à cet effet, en 1973, quand elle a fait l’objet de sanctions portant sur les armes pour avoir envahi le Nord de Chypre, devenu depuis lors une république indépendante, mais non reconnue par l’Onu.

En 1984, la Turquie a entamé son entrée dans l’industrie militaire aérospatiale, en partenariat avec les Etats-Unis. Il s’agissait, alors, d’intégrer le chasseur américain F16 dans l’armée de l’air turque. Elle en possède actuellement 243 appareils, dont certains sont en fin de parcours, et Washington a accepté, en janvier de l’année en cours, la vente de 40 autres F16 pour un montant de 23 milliards de dollars.

Dans une volonté affichée de ne plus dépendre des fournisseurs des pays de l’Otan, les parts américaines dans l’industrie aérospatiale turque ont été rachetées, en 2005, et des projets d’avions militaires proprement turques ont été promus. 

L’ensemble des industries militaires turques ont été fusionnées au sein de Tusas, qui travaille actuellement sur le développement d’un chasseur de 5ème génération, le KAAN, avec la participation du Pakistan et de financements en provenance de pays du Moyen-Orient non-identifiés.

Tusas a été classée, en 2023, 58ème entreprise d’industrie militaire au monde. Sept autres entreprises d’industrie militaire turque ont rejoint les 100 géants du secteur à l’échelle mondiale, selon la revue américaine Défense News Top 100.

Recomposition des alliances

Il est à souligner qu’Israël, dont les industries militaires (Raphaël, IAI) font actuellement l’objet de frappes de missiles et de drones du Hezbollah libanais, voit d’un très mauvais œil l’Iran et la Turquie développer leurs propres industries et technologies militaires, au risque d’être supplantée à ce sujet à l’échelle du Moyen-Orient.

Il n’y a aucun doute qu’une guerre hybride bat son plein au Moyen-Orient, cherchant à redessiner la carte géopolitique de cette région hautement conflictuelle. Dans la conception que se font Washington et Tel-Aviv du « nouveau Moyen-Orient », non seulement aucun autre acteur de la région n’est invité à la table des décideurs, mais nombre d’entre eux sont destinés à la partition et la perte de territoires.

L’Iran vient d’annoncer le prochain déroulement d’exercices navals avec l’Arabie saoudite, une première entre ces deux pays longtemps très hostiles l’un à l’autre. Ryad semble prendre conscience où se situe le moindre mal.




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Jeudi 24 Octobre 2024
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