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La Région Drâa Tafilalet La dynamique de désenclavement enclenchée par le Conseil du Développement et de la Solidarité


Par Taoufiq Boudchiche, économiste



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Territoires enclavés, l’addition des « moins » ou la « douleur du réel »

Sur le thème de la connectivité des territoires, une rencontre consacrée à la Région Drâa Tafilalet fut organisée le mardi 23 Octobre à l’hôtel de la Tour Hassan par le Conseil de Développement et de la Solidarité (CDS) présidé par Monsieur Mohammed Benamour en présence d’un parterre de décideurs et d’experts.

Lors de la séance inaugurale, le Président du CDS a rappelé les objectifs du CDS en tant que représentant de la société civile  qui tire sa notoriété à la fois de son indépendance, d’un cumul d’expertises et de sa force de propositions. M. André Azoulay, Conseiller de Sa Majesté le Roi, qui a rehaussé par sa présence cette rencontre a abondé dans le même sens lors de sa prise de parole. Ensuite, les interventions ont introduit les participants aux enjeux de la connectivité des territoires périphériques du Maroc lesquels cumulent comme souligné au début de la rencontre l’addition des « moins ».

Moins de services publics, moins d’éducation, moins de santé… soulevant de redoutables questionnements sur la question de l’équité territoriale. Des propos illustrés par le cas de Drâa Tafilalet dont les chiffres sont préoccupants quant à la dégradation de son indice de développement humain qui est le plus faible au niveau national et depuis 2001 par son décrochage économique que reflète la baisse de l’activité touristique dans cette Région ; laquelle pourtant a toujours compté parmi les  Régions historiques en matière de tourisme international.

Et, selon les acteurs de terrain, l’une des causes reviendrait aux nombreux déficits qui se superposent en termes de formation, de développement humain et d’infrastructures dont celui des connectivités aériennes et terrestres. Des déficits qui mettent en évidence le risque d’une migration massive des jeunes.
  
Personnalités présentes Monsieur Benamour Président du CDS
 
Le tourisme, un moteur essentiel pour arrimer la Région à la locomotive du développement national
La rencontre a été l’occasion de déceler justement les défaillances d’une telle situation à Drâa Tafilalet sur la base du diagnostic détaillé des forces et faiblesses de la Région établi et présenté par Monsieur Samir Khaldouni Sahraoui, expert en développement territorial.

La population  est  estimée à 1,6 millions d’habitants dont 70 % de ruraux répartis sur un territoire très vaste. La Région est composée des  cinq provinces de Errachidia, Ouarzazate, Tinghir, Midelt, Zagora s’étendant sur 88.836 km2 dont 78.200 km2 de zones oasiennes avec une densité parmi les plus faibles au niveau national. Elle contient 46 % des zones oasiennes du territoire qui l’érigent en haut lieu du tourisme. Ce dernier est un secteur vital pour l’économie régionale car pourvoyeur d’emplois après l’agriculture. Le tourisme fait vivre 40 000 familles. 

L’agriculture quant à elle malgré son importance avec 60 % des emplois locaux demeure une activité précaire du fait d’une très faible valorisation locale et aussi en raison de la dominance d’une agriculture vivrière qui subit fortement les contraintes du stress hydrique.  Plusieurs oasis dans la Région sont par exemple en déclin voire en voie de disparition. Plus étonnant encore est le cas du secteur minier qui représente 40 % de l’activité minière nationale mais en ne dépassant pas les 8000 emplois démontre les impacts négatifs d’une faible valorisation locale et de la non transformation industrielle sur place.

La Région abrite également le complexe solaire Noor qui est aussi peu pourvoyeur d’emplois. D’où l’importance à accorder au secteur touristique comme locomotive du développement régional.
 
Un plan « Marshall » pour Drâa Tafilalet
 
Plusieurs intervenants dont le Représentant du Conseil Régional, a plaidé pour une sorte de « plan Marshall » pour cette région frontalière de l’Algérie (450 km de frontières) qui subit en plus des contraintes évoquées plus haut, celles respectivement  d’une frontière fermée, de son éloignement des grands centres urbains comme Casablanca et Rabat ainsi que d’un enclavement terrestre dû à sa géographie marquée par des reliefs montagneux difficiles d’accès.

A cet effet, la Région a élaboré un Plan de Développement Régional (PDR 2022-2026) doté d’une enveloppe prévisionnelle de 15 milliards de DH dont la Région aux moyens très limités ne peut supporter à elle seule le poids financier. Dans ces conditions le soutien de l’Etat est nécessaire notamment pour améliorer les connectivités aériennes et terrestres. Au regard de ces données, la présentation du PDG de la Royal Air Maroc a été suivie avec la plus grande attention lequel a apporté avec force pédagogie et données chiffrées les éclairages nécessaires au  développement du transport aérien au niveau national et international à court, moyen et long terme.

Concernant le désenclavement terrestre, Il a été précisé qu’il avait déjà  fait l’objet d’une présentation détaillée par Monsieur Nizar Baraka,  Ministre de l’Equipement, lors de la précédente rencontre du CDS tenue dans le même lieu le 17 Juillet dernier et dont les résultats sont consignés dans le document mis à la disposition des participants .
 
Feuille de route de la Royal Air Maroc 2023 à 2037
 
Monsieur Abdelhamid Addou, a souligné que la feuille de route de la Royal Air Maroc à court moyen et long terme à l’horizon 2027, 2030 et 2037 prévoit plusieurs séquences allant du soft power de la RAM à l’amélioration du service client et au doublement de la flotte aérienne afin de se positionner encore mieux en  leadership  du transport international en Afrique et dans le monde.

Cela aura selon lui un impact sur la démultiplication des routes aériennes avec une stratégie progressive pour développer les vols domestiques. Néanmoins, une telle stratégie, selon le PDG de la RAM  exige le soutien de l’Etat et celui des Régions pour supporter les surcoûts que cela engendre pour la compagnie qui peuvent mettre en danger son « business modèle ».

Selon Monsieur Addou, c’est le marché qui dicte les stratégies à mettre en œuvre. La mise en place des contrats programmes avec l’Etat et avec les Régions au démarrage de ces programmes pourraient être une des solutions. 
 
Faire évoluer le modèle économique de référence de la Royal Air Maroc pour plus d’inclusivité domestique en développant un « open sky national » décarbonné
 
Lors des échanges, il a été souligné, l’importance de rééquilibrer  le transport aérien vers le transport domestique en tant qu’approche d’avenir en faveur de l’équité territoriale et comme levier du développement du transport aérien et touristique. Une telle approche confortera en outre les membres de la diaspora, qui représente une importante clientèle touristique.  A cet effet, les échanges ont encouragé à faire évoluer le modèle économique de la compagnie aérienne nationale en développant par exemple un « opensky » national d’autant plus que le Maroc se positionne comme un futur champion de l’industrie aéronautique décarbonnée.
 
Un plan d’urgence dévoilé par Monsieur Benamour, Président du CDS pour fédérer les initiatives 
 
A la clôture de la rencontre, Monsieur Benamour a fait savoir que le CDS en tant que force de propositions et fédérateur d’initiatives avait, en préparation de cette rencontre et dans la suite des rencontres précédentes, élaboré un plan d’urgence destiné à prendre à bras le corps la question du désenclavement de la Région Drâa Tafilalet. L’objectif étant de remettre cette importante Région du Royaume sur la voie du redressement économique par le biais du secteur touristique.

Son potentiel social, culturel et économique et sa riche histoire en tant que berceau de la dynastie Alaouite depuis  le 17eme siècle figurent parmi ses atouts à cette fin. Ce plan d’urgence incarne l’espoir d’une nouvelle dynamique enclenchée par le CDS pour le désenclavement de la Région Drâa-Tafilalet.
 
Activer le fonds de solidarité régionale selon Monsieur Nabil Benabdellah au profit des régions démunies.
 
Le mot de clôture a été réservé à Monsieur Nabil Benabdellah qui a partagé avec l’assemblée quelques idées sur la régionalisation avancée en mettant l’accent sur les retards enregistrés dans sa mise en œuvre, notamment, sous l’angle des questions liées à la gouvernance locale : décentralisation,  déconcentration, capital humain...

Il a illustré son propos par l’exemple  du fonds de solidarité interrégionale  destiné à la mise à niveau des Régions démunies par des mécanismes de péréquation fiscale entre  Régions riches et Régions pauvres. Ce fonds malgré son importance en tant que levier de l’équité territoriale et de lutte contre la pauvreté n’a pas encore été mis en place alors que ses principes de mise en œuvre ont été énoncés dans la Constitution de 2011.

Il a suggéré qu’il était peut-être temps de l’actionner vu qu’il a été mentionné également dans le rapport sur le Nouveau Modèle de Développement. Ce mot de clôture ouvre probablement une nouvelle perspective pour la réflexion du CDS sur les questions de la mise en œuvre de la régionalisation avancée et de la gouvernance locale. 

Par Taoufiq Boudchiche, économiste 



Vendredi 25 Octobre 2024

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