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Territoires enclavés, l’addition des « moins » ou la « douleur du réel »
Lors de la séance inaugurale, le Président du CDS a rappelé les objectifs du CDS en tant que représentant de la société civile qui tire sa notoriété à la fois de son indépendance, d’un cumul d’expertises et de sa force de propositions. M. André Azoulay, Conseiller de Sa Majesté le Roi, qui a rehaussé par sa présence cette rencontre a abondé dans le même sens lors de sa prise de parole. Ensuite, les interventions ont introduit les participants aux enjeux de la connectivité des territoires périphériques du Maroc lesquels cumulent comme souligné au début de la rencontre l’addition des « moins ».
Moins de services publics, moins d’éducation, moins de santé… soulevant de redoutables questionnements sur la question de l’équité territoriale. Des propos illustrés par le cas de Drâa Tafilalet dont les chiffres sont préoccupants quant à la dégradation de son indice de développement humain qui est le plus faible au niveau national et depuis 2001 par son décrochage économique que reflète la baisse de l’activité touristique dans cette Région ; laquelle pourtant a toujours compté parmi les Régions historiques en matière de tourisme international.
Et, selon les acteurs de terrain, l’une des causes reviendrait aux nombreux déficits qui se superposent en termes de formation, de développement humain et d’infrastructures dont celui des connectivités aériennes et terrestres. Des déficits qui mettent en évidence le risque d’une migration massive des jeunes.
La population est estimée à 1,6 millions d’habitants dont 70 % de ruraux répartis sur un territoire très vaste. La Région est composée des cinq provinces de Errachidia, Ouarzazate, Tinghir, Midelt, Zagora s’étendant sur 88.836 km2 dont 78.200 km2 de zones oasiennes avec une densité parmi les plus faibles au niveau national. Elle contient 46 % des zones oasiennes du territoire qui l’érigent en haut lieu du tourisme. Ce dernier est un secteur vital pour l’économie régionale car pourvoyeur d’emplois après l’agriculture. Le tourisme fait vivre 40 000 familles.
L’agriculture quant à elle malgré son importance avec 60 % des emplois locaux demeure une activité précaire du fait d’une très faible valorisation locale et aussi en raison de la dominance d’une agriculture vivrière qui subit fortement les contraintes du stress hydrique. Plusieurs oasis dans la Région sont par exemple en déclin voire en voie de disparition. Plus étonnant encore est le cas du secteur minier qui représente 40 % de l’activité minière nationale mais en ne dépassant pas les 8000 emplois démontre les impacts négatifs d’une faible valorisation locale et de la non transformation industrielle sur place.
La Région abrite également le complexe solaire Noor qui est aussi peu pourvoyeur d’emplois. D’où l’importance à accorder au secteur touristique comme locomotive du développement régional.
A cet effet, la Région a élaboré un Plan de Développement Régional (PDR 2022-2026) doté d’une enveloppe prévisionnelle de 15 milliards de DH dont la Région aux moyens très limités ne peut supporter à elle seule le poids financier. Dans ces conditions le soutien de l’Etat est nécessaire notamment pour améliorer les connectivités aériennes et terrestres. Au regard de ces données, la présentation du PDG de la Royal Air Maroc a été suivie avec la plus grande attention lequel a apporté avec force pédagogie et données chiffrées les éclairages nécessaires au développement du transport aérien au niveau national et international à court, moyen et long terme.
Concernant le désenclavement terrestre, Il a été précisé qu’il avait déjà fait l’objet d’une présentation détaillée par Monsieur Nizar Baraka, Ministre de l’Equipement, lors de la précédente rencontre du CDS tenue dans le même lieu le 17 Juillet dernier et dont les résultats sont consignés dans le document mis à la disposition des participants .
Cela aura selon lui un impact sur la démultiplication des routes aériennes avec une stratégie progressive pour développer les vols domestiques. Néanmoins, une telle stratégie, selon le PDG de la RAM exige le soutien de l’Etat et celui des Régions pour supporter les surcoûts que cela engendre pour la compagnie qui peuvent mettre en danger son « business modèle ».
Selon Monsieur Addou, c’est le marché qui dicte les stratégies à mettre en œuvre. La mise en place des contrats programmes avec l’Etat et avec les Régions au démarrage de ces programmes pourraient être une des solutions.
Son potentiel social, culturel et économique et sa riche histoire en tant que berceau de la dynastie Alaouite depuis le 17eme siècle figurent parmi ses atouts à cette fin. Ce plan d’urgence incarne l’espoir d’une nouvelle dynamique enclenchée par le CDS pour le désenclavement de la Région Drâa-Tafilalet.
Il a illustré son propos par l’exemple du fonds de solidarité interrégionale destiné à la mise à niveau des Régions démunies par des mécanismes de péréquation fiscale entre Régions riches et Régions pauvres. Ce fonds malgré son importance en tant que levier de l’équité territoriale et de lutte contre la pauvreté n’a pas encore été mis en place alors que ses principes de mise en œuvre ont été énoncés dans la Constitution de 2011.
Il a suggéré qu’il était peut-être temps de l’actionner vu qu’il a été mentionné également dans le rapport sur le Nouveau Modèle de Développement. Ce mot de clôture ouvre probablement une nouvelle perspective pour la réflexion du CDS sur les questions de la mise en œuvre de la régionalisation avancée et de la gouvernance locale.
Par Taoufiq Boudchiche, économiste