« Le Dernier Mot » reçoit l’historien spécialiste de l’histoire coloniale française, M. Alain Ruscio.
M. Ruscio a commencé par exprimer les raison derrière son intérêt pour l’histoire coloniale et pour la décolonisation. Il a ensuite défini et décrit l’empire français et les différents formats de gouvernance qu’il y exerçait, territoire, département, protectorat…
Il faut rappeler que deux faits de l’histoire ont précipité la colonisation du Maroc, la bataille d’Isly en 1844 et la guerre de Tetouan contre l’Espagne en 1860. Il y a eu également deux évènements majeurs, la conférence de Madrid de 1880 et la conférence d’Algésiras de 1906. M. Ruscio a porté son regard sur cette phase précoloniale du Maroc.
L’instauration du protectorat français au Maroc a été effectuée le 30 avril 1912, celui de l’Espagne le 27 novembre 1912, au lendemain d’évènements survenus à la suite des conférences de Madrid et d’Algésiras à savoir, l’occupation de la ville d’Oujda, le bombardement de Casablanca et l’occupation de la Chaouia. M. Ruscio a eu à s’exprimer sur la conscience lorsqu’il s’agit de colonisation ou de ce qu’il décrit dans l’un de ses ouvrages « la bonne conscience coloniale ».
En parlant de réalités coloniales, les réactions populaires au Maroc ne se sont pas fait attendre. Elles ont été menées par les chefs de tribus, notabilités, oulémas et certaines zaouïas ou confréries ainsi que d’autres milieux plus avertis de la société civile.
Il y a eu la résistance des populations de la Chaouia en 1907, les combats engagés dans le Rif par Chérif Ameziane en 1911, la bataille de Sidi Bou Othmane de Chérif Ahmed El Hiba Maouelainin en 1912, la victoire historique du Moha Ou Hammou Zayani en 1914 dans la bataille d’El Hri, la bataille d’Anoual sous la conduite de Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi.
Ensuite, d’autres batailles ont eu lieu que le protectorat français a baptisé « Campagne de pacification » notamment la bataille de Boughafer en 1933 sous la conduite de chef Assiou Bassalam, la bataille de jbel baddou en 1933 dans le Tafilalt, la bataille des tribus Ait Abdellah entre Taroudant et Tafraout en 1934...Il y a eu également le soulèvement de Boufekrane à Meknès, les manifestations de Fès en 1938…M. Ruscio a exprimé son point de vue sur cette phase de résistance et l’état d’esprit du protectorat français face à l’ampleur imprévue de la résistance marocaine.
Malgré la puissance de feu du protectorat français et la résistance désorganisée des populations, le nationalisme marocain mené par plusieurs leaders politiques a vu le jour dès le début des années 1930 pour contrer le dahir berbère qui voulait séparer les arabes et des amazighs.
A cette période, ce mouvement nationaliste a pris plus d’ampleur dans les centres urbains ouvriers de Casablanca mais aussi dans les milieux lettrés religieux de Fès, Marrakech, Rabat, Salé...
M. Ruscio a eu à donner un point de vue historique sur le présumé rôle du communisme dans l’éveil des consciences anticoloniales de tous les peuples colonisés et du peuple marocain en particulier.
L’organisation du mouvement nationaliste au Maroc a poussé le protectorat français à effectuer de manière abusive plusieurs arrestations et déportations de leaders et de chefs nationalistes.
Ce qui a mené à des tentions entre le Sultan Sidi Mohammed Ben Youssef et la résidence générale du Protectorat français. Le manifeste de l’indépendance du 11 janvier 1944 signé par certains leaders politiques en concertation avec le Sultan ainsi que sa visite et son discours historique à Tanger en 1947, ont exacerbé ces tensions.
Cela a mené à l’exile du Souverain en 1953 et l’enclenchement de la Révolution du Roi et du Peuple qui a mené au retour d’exile du Souverain en 1955 et à la reconnaissance de l’indépendance officielle du Maroc en 1956 et au démarrage du recouvrement progressif des territoires du Maroc.
M. Ruscio a présenté ce qu’il a appelé dans son livre La Décolonisation Tragique, « le nationalisme dynastique » qui a mené à la décolonisation du Maroc.
Pour finir, M. Ruscio a rappelé que malgré la folie coloniale, la France de la Troisième République a connu des hommes politiques et d’esprit courageux qui se sont opposés ardemment à la colonisation et qui ont défendu la souveraineté de ce qui fût appelé l’Empire Chérifien. Et de conclure que les relations entre le Maroc et la France ont aujourd’hui dépassé cette séquence tragique. Elles sont basées de nos jours sur le respect mutuel et les intérêts communs.