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Comment proposer un système politique démocratique performant dans une société où l’individualisme est roi et dans lequel l’espace public est galvaudé et l’incivisme débridé ? C’est la grande question que devraient se poser plus d’un dans ce pays. Oh, pas les politiques, dont la majorité ne saurait répondre à cette question, et au demeurant s’en moque… Qui alors ? Ceux qui se préoccupent réellement de démocratie et de principes.
Observons les gens durant ce mois de ramadan, et scrutons leur conduite automobile et leur conduite tout court. Le feu rouge n’est plus une ligne rouge, car il est ostensiblement et allégrement grillé par des gens que l’on pourrait avoir la faiblesse de penser civilisés. Or, brûler un feu de signalisation, un stop, la priorité aux piétons… sont des actes éminemment sauvages, n’ayons pas peur des mots… sauvages et potentiellement meurtriers. Insulter, grossièrement ou pas, invectiver, violemment ou non, constituent également des actes sauvages au pire, inciviques au mieux. A ce niveau d’incivisme, « la violence légitime de l’Etat » en deviendrait presque compréhensible…
La notion de l’espace public, commun et communautaire, se dilue dans les comportements individualistes où chacun ne reconnaît que son propre intérêt, en négation de ceux des autres. On est propre chez soi, mais on jette ses déchets dans la rue… On respecte les règles émises dans les domiciles, mais on se joue de celles édictées pour le bien commun. On est un homme, et on désire une femme, mais on refuse ce droit à sa fille, sa sœur ou même une mère divorcée ou veuve.
La loi, dans nos contrées, n’est très souvent respectée que pour l’unique raison que l’on ne peut faire autrement. Elle est également observée parce qu’on craint le gendarme qui sévirait dans le cas contraire… Qui paie ses impôts tel qu’il le doit, sans fraude ni volonté de frauder, de bonne foi et le sourire aux lèvres ? Et pourtant, tout le monde demande des miracles à l’Etat… Combien sont ceux qui déclarent leur personnel de maison, alors que c’est désormais obligatoire ? Combien respectent les femmes dans l’espace commun, sans en faire un objet public de désirs individuels ?...
Venons-en au vote. Les gens pestent contre la classe politique, la traitent de tous les noms, la vouent aux gémonies et lui refusent toute confiance. Soit, mais combien vont-ils effectivement voter le jour dit, lorsqu’il s’agit d’exprimer sa citoyenneté de manière réglementée et régulière ? Comment peut-on s’autoriser à exercer le droit de protester contre la conduite des affaires publiques quand on se refuse de se soumettre à l’obligation d’y consacrer une heure tous les cinq ans ? On ne peut critiquer un jeu auquel on ne participe pas.
Autre chose… Pourquoi tant des nôtres persistent-ils à regarder notre société à travers des prismes étrangers alors même que l’on sait le peu d’objectivité, voire les intérêts bien compris (mais pas par tout le monde) de ces « observateurs » ? Telle ONG a dit cela, tel média a affirmé ceci, tel député obscur de tel pays a dénoncé ceci ou cela… Et pire, comment peut-on s’autoriser à faire appel à des organismes/gouvernements étrangers, eux-mêmes moyennement scrupuleux, pour nous « aider » à parfaire, voire simplement essayer de faire, notre démocratie ?
Il est très difficile de construire un véritable système démocratique en se montrant incivique… Il est même amusant de penser démocratie quand on refuse l’acte élémentaire de toute démocratie, en l’occurrence voter… Il est illusoire de considérer que l’on est citoyen si on refuse les règles de base de la vie commune, de l’espace commun et du bien commun. Et il est regrettable de se poser en patriote quand au moindre problème, on requiert l’aide extérieure.
Le prélude de la citoyenneté est le civisme et la somme des deux peut potentiellement conduire à la démocratie.
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com