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L'histoire de l'émergence du mouvement féministe au Maroc au XXe siècle


Rédigé par le Jeudi 7 Septembre 2023

Pendant les années 1940, le féminisme au Maroc a connu une forte organisation. Sous le régime du Protectorat, les femmes étaient confrontées à un défi double : se libérer de la domination coloniale tout en remettant en question les bases d'une société patriarcale.



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Au début de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), les mouvements de libération des femmes se multiplient, et l'espoir d'un monde plus égalitaire se concrétise progressivement au Maroc. Le premier groupe féministe structuré du pays, connu sous le nom d'"Akhawat Assafâa", voit le jour en 1946. Cette organisation prend la forme d'une association affiliée au Parti démocratique de l'indépendance (PDI) et se distingue par son engagement partisan. Ses principales revendications portent sur la scolarisation des filles, souvent limitée aux études primaires.

Même si de nos jours, ce droit est considéré comme acquis, durant la période du Protectorat (1912-1956), la société a fait preuve de réticence face à cette avancée. Latifa El Bouhsini, écrivaine et chercheuse spécialisée dans l'histoire du féminisme au Maroc, souligne :«Cette époque-là est marquée par l’opposition exprimée par certains dignitaires et représentants de l’élite marocaine. Il y a eu surtout une résistance de la part de la population qui voyait d’un mauvais œil la sortie des filles en dehors du foyer.»

La lutte par la formation des filles

Face à cette opposition, l'effort pour encourager l'inclusion des filles dans l'éducation a émergé au sein du mouvement national. Tout d'abord, la princesse Lalla Aïcha a symbolisé pour le grand public un modèle de l'émancipation féminine. En 1947, alors qu'elle avait 17 ans, la fille du sultan Mohammed Ben Youssef a prononcé un discours lors de la fête des écoles pour les jeunes filles musulmanes de Tanger. Dans son discours, elle a encouragé les femmes marocaines à s'engager dans la vie nationale.

Dans le numéro 33 du journal Démocratie, daté du 19 août 1957, qui était l'organe du Parti démocratique de l'indépendance, un article met en lumière les efforts de la monarchie dans ce domaine. Il déclare : « Le Sultan a impulsé un nouvel élan au mouvement d'émancipation des femmes. Des écoles ont été établies tant en milieu urbain qu'en milieu rural, et la princesse Lalla Aïcha a consacré une part importante de ses activités à promouvoir et à organiser l'éducation des femmes, reconnaissant que l'instruction était l'un des moyens les plus efficaces de leur émancipation. » Cet article rend compte d'une conférence sur les droits des femmes présidée par la princesse.

Cette sollicitude de la monarchie, combinée aux initiatives de l'association Akhawat Assafâa et à l'aile féminine du Parti de l'Istiqlal, marque les premiers pas du féminisme marocain dans sa forme moderne. L'un des combats les plus emblématiques menés par les femmes membres de l'Istiqlal a été la lutte pour l'ouverture de l'enseignement des sciences religieuses de niveau supérieur à l'illustre Université Al Qaraouiyyine aux femmes. Cette cause revêt une symbolique particulière, étant donné que la fondatrice de cette institution était elle-même une femme, Fatima al-Fihriya.

L’affirmation des revendications

Bien que l'éducation des filles soit la principale préoccupation d'Akhawat Assafâa, d'autres aspirations sont également exprimées. L'exemple de la mixité sociale en est un bon exemple. Dans un article intitulé "Assez de conservatisme", publié dans le numéro 5 du journal Démocratie daté du 4 février 1957, plusieurs militantes du parti remettent en question la séparation physique des hommes et des femmes lors des rassemblements et des réunions politiques. Elles attribuent cette séparation au conservatisme de certains dirigeants du parti et affirment leur opposition à cette pratique, la considérant comme une forme de discrimination.

Dans le même numéro, d'autres demandes sont également mises en avant, notamment le droit de vote des femmes, qui n'était pas accessible avant 1963. Les militantes ont également plaidé pour l'abolition de la polygamie, qu'elles ont qualifiée de modèle familial obsolète et source de problèmes sociaux, ainsi que pour l'égalité en matière d'héritage. Elles ont soulevé la question du comportement paternaliste de certains hommes et ont plaidé pour l'accès des femmes à des postes étatiques tels que ministres, députées et ambassadrices.

Latifa El Bouhsini explique : «Là où les membres de Akhawat Assafâa se sont le mieux illustrés, c’est leur combat pour l’adoption des juridictions équitables dans le cadre de l’institution matrimoniale. Il s’agissait en l’occurrence, et à titre d’exemple, de revendiquer l’abrogation de la polygamie et la répudiation, en mettant en place le divorce judiciaire, l’élévation de l’âge du mariage et la lutte contre les agressions auxquelles les premières femmes dévoilées faisaient face dans la rue».

Une Moudawana insuffisante aux yeux des féministes

En 1958, le roi Mohammed V a chargé un comité d'Oulémas de rédiger le premier Code du statut personnel au Maroc. Ce comité de réflexion comprenait des personnalités telles que Mokhtar Soussi, Fqih Daoud, et Allal El Fassi, qui a été le rapporteur du projet. Le texte a été adopté au cours de cette année. Cependant, bien qu'il présente des avancées significatives dans le domaine de l'éducation, il a été critiqué par Akhawat Assafâa en raison de son orientation jugée traditionnaliste.
«Les seules réactions à ce nouveau Code sont celles qui ont été exprimées par AKS, qui se sont élevées avec virulence en mettant sur la table de nouveau le débat autour des formes diverses de la discrimination à l’égard des femmes reproduites par le texte de la Moudawana.» -Latifa El Bouhsini

Les années 1940 ont marqué la genèse de la première vague du mouvement féministe au Maroc. À partir de 1959, la question des droits des femmes a été reléguée au second plan en raison du contexte politique marqué par les conflits avec la monarchie, qui ont marqué les décennies 1960 et 1970. Pendant cette période, Akhawat Assafâa a perdu de son influence et s'est retirée de la scène associative. Ce n'est qu'au milieu des années 1980 que de nouveaux mouvements féministes se sont structurés pour former la deuxième vague du féminisme.





Salma Labtar
Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Jeudi 7 Septembre 2023

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