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A ma droite, le Dr El Othamni et l’élite ministérielle et ministrable du Pjd, dont la flexibilité idéologique n’a d’égal que l’appétit pour les maroquins. A ma gauche, M. Benkirane et la base partisane du parti islamiste, ceux là même qui ont permis aux premiers cités d’obtenir leurs postes ministériels ou d’y prétendre.
Entre les deux camps, l’opinion publique nationale est invitée à assister à un combat-spectacle du genre des vieux matchs de catch truqués pour amuser la galerie.
Seulement, voilà, le cas étrange du Dr El Othmani et de M. Benkirane, similaire à celui des protagonistes du roman de Robert Stevenson*, empêche le bon déroulé du scénario.
Quand l’un se manifeste, c’est que l’autre a dû s’éclipser pour laisser place.
Oui et non
Que s’est-il passé par la suite ? Rien ! Ou presque. La loi-cadre relative au système éducatif a été adoptée et tout le monde est resté là ou il était. Bilan de l’opération : ce qui devait être fait l’a été, mais grâce à l’artifice médiatique, les apparences ont quant même été préservées et l’« honneur » est, ainsi, sauf.
La similitude avec la récente mise en scène pjidiste sur le thème du projet de loi légalisant l’usage du cannabis à des fins médicales et industrielles est frappante. Tout le monde est d’accord pour briser le mur de l’hypocrisie.
Les agriculteurs du cannabis pourront, enfin, respirer l’air frais de la légalité. Les narcotrafiquants se verront ainsi obligés de se chercher d’autres manières, plus conformes à la loi, de gagner leurs vies.
Cerise sur le gâteau, le Maroc est désormais légitimé de rentabiliser, en vertu de la législation internationale, une plante médicinale aux effets socioéconomiques bénéfiques dont il est stupide de se priver.
Déphasage temporel
Plutôt que de schizophrénie pjidiste, il semble plus judicieux, même si cela peut être un peu vexant pour des islamistes, de se référer à une divinité de la mythologie grecque, Janus, dit « bifrons », en raison de sa représentation à deux visages, l’un regardant vers l’avenir, l’autre vers le passé. Les deux faces de cette même entité sont inséparables, allant jusqu’à se justifier mutuellement.
Depuis sa fondation par la dynastie Idrisside, il y a plus de 1.200 ans, l’Histoire du Maroc peut être représentée par une courbe sinusoïdale, les dynasties s’alternant au gré de principe de la « Assabia » si bien décrit par Ibn Khaldoun.
La durabilité de la dynastie Alaouite s’est inscrite dans sa capacité à adapter les structures politico-administratives du pays à l’évolution des contextes local et extérieur, permettant au Maroc de prétendre à une stabilité sociopolitique gage de son développement.
En cela, le Maroc tient plus du Japon que de l’Iran. Ce sont les anciennes traditions qui ont pris des formes plus modernes, et non des concepts étrangers qui ont été déguisés avec des habits autochtones anciens.
En paix avec soi
Les leaders pjidistes se sentent piégés. Ils ne peuvent évoluer sans se renier auprès de ceux à qui ils ont inculqués que l’on peut vivre selon les normes socioculturelles du 1er siècle de l’Hégire au 15ème. A l’inévitable aggiornamento doctrinal, ils préfèrent les artifices de la communication.
Alors, franchement, que le tribun M. Benkirane gèle son appartenance au Pjd et lance un Pjd-bis pour revigorer l’islamisme politique, ou que le Dr. El Othmani parvient à maintenir sous une même coupole les endoctrinés sans-rien et les pragmatiques par gourmandise, les Marocains ont besoin d’hommes d’Etat bons patriotes, en paix avec eux-mêmes et en phase avec le reste du monde.
Vous savez quel est le plus grand problème des psychiatres ? Ils ne peuvent procéder à leur propre analyse. Le temps que le Dr. El Othmani se remette en question, M. Benkirane a quitté les rangs. Impossible de briser une symbiose se manifestant par alternance contradictoire sans achever le patient.
*"L'étrange cas du Dr Jekyll et de M. Hyde" est un roman de Robert Louis Stevenson, publié en 1886