Par El Montacir Bensaid
L'enfant que j'étais continue à me hanter malgré l'accumulation des années, mon obsolescence programmée, les joies et désillusions de la vie.
Il s'entête à occuper mon corps,ne rate aucune occasion de me rappeler qu'il est toujours là.
Il saute de joie quand je ris et m'amuse,il exulte quand je déconne et me défoule.
Étrange qu'il ne veuille pas me quitter malgré la distance qui nous sépare.
Quand je suis triste,j'ai l'impression qu'il se tape,de désespoir, la tête contre mon cœur.
Parfois,il remonte plus haut et me souffle dans les oreilles des mots d'encouragement,de consolation.
Il lui arrive même de me chanter des comptines perdues,oubliées ou ignorées par la maturité.
Cet enfant m'accompagne quand je roule en moto,quand je suis avec mes amis,quand je joue avec mes petits-enfants.
Pendant ces moments,il applaudit,fait des roulades et rit aux éclats.
Il jubile quand je fais des bêtises qui ne sont plus de mon âge, quand je suis sensible,quand je pleure parce que touché, quand j'aime.
Il me tape sur l'épaule et me déclare :
Là je te reconnais! Oui c'est bien toi! Toujours toi.
Souvent quand ce monde me déçoit ,que les problèmes s'accumulent,que l'avenir semble s'obscurcir,il m'apparaît assis sur une balançoire,dans notre jardin,une bande dessinée à la main,plongé dans la lecture d'une énième aventure de Blek le roc ou Capitaine Swing,heureux,silencieux,concentré.
Et j'oublie tout,me sent soulagé et remercie le Créateur de lui permettre de vivre en moi,de me donner la chance,unique,de le garder encore pour quelques années près de moi.
Il demeure comme un miroir de mon âme et comme nous le croyons et l'espérons, une âme ne vieillit pas.
Son intérêt pour moi me surprend.
Je le rejette,il s'accroche.
J'essaie de lui faire entendre raison,il réagit par une de ces pirouettes dont il a le secret et se moque de moi.
De guerre lasse,je me laisse faire.
Suis-je honnête en disant cela?
Pas si sûr !
El Montacir Bensaid