L'avenir du projet de gazoduc Afrique Atlantique ?


Rédigé par le Mardi 18 Juin 2024

Le projet de gazoduc Afrique Atlantique, une initiative ambitieuse visant à relier les réserves de gaz naturel de l'Afrique de l'Ouest et du Nord-Ouest au marché européen, est sur le point de franchir une étape majeure. La découverte du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA), situé à 115 kilomètres des côtes mauritano-sénégalaises, pourrait transformer ce projet en une opportunité stratégique majeure pour la région et au-delà. Avec des réserves estimées à 450 milliards de mètres cubes, GTA se profile comme le plus grand gisement gazier d'Afrique de l'Ouest, ouvrant la voie à une nouvelle ère de développement énergétique pour le continent.



Une nouvelle dimension pour le projet

Le champ gazier GTA, exploité par Kosmos Energy et British Petroleum (BP), devrait entrer en production d'ici fin 2024. Cette nouvelle source de gaz pourrait non seulement élargir l'envergure du projet de gazoduc, mais également réduire sa dépendance aux réserves de gaz nigérianes. En effet, le gazoduc traversera plusieurs gisements gaziers potentiels, incluant le gisement "Baleine" en Côte d'Ivoire et "Yakaar-Teranga" au Sénégal, augmentant ainsi les possibilités d'approvisionnement.

Les autorités marocaines, conscientes de cette opportunité, auraient déjà commencé à redéfinir les priorités du projet. Devant le Parlement, la ministre de l'Énergie, Leila Benali, a annoncé que la première phase du projet se concentrerait sur le tronçon Sénégal-Mauritanie-Maroc, marquant un tournant stratégique pour le projet.

Francis Perrin, expert en énergie et chercheur associé au Policy Center for the New South (PCNS), souligne l'importance de diversifier les sources d'approvisionnement. "Le gaz provenant du Nigeria restera une composante majeure, mais d'autres sources doivent être considérées pour assurer la viabilité du projet", explique-t-il chez nos conferéres de lopinion.ma

Le tracé du gazoduc, traversant de nombreux pays de l'Afrique de l'Ouest, permettra d'exploiter diverses ressources gazières, rendant le projet plus robuste et résilient face aux fluctuations du marché.

Pour garantir la rentabilité et la flexibilité du projet, Dakar et Nouakchott ont convenu avec BP de commercialiser le gaz sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL). Cette stratégie permettrait de vendre le gaz sur les marchés européens, asiatiques et sud-américains, offrant ainsi une grande marge de manœuvre en matière d'exportation. "BP vise la vente de 2,3 millions de tonnes de GNL par an pendant plus de vingt ans", précise Francis Perrin. Cette option est particulièrement avantageuse car elle permet de contourner les contraintes géopolitiques et logistiques associées aux gazoducs.

Malgré les avantages potentiels, plusieurs défis demeurent. La rentabilité économique du projet dépendra en grande partie de l'achèvement des différentes sections du gazoduc et de la demande future en gaz naturel. L'Union Européenne, principal marché cible, s'est engagée à atteindre la neutralité climatique d'ici 2050, ce qui implique une réduction progressive de la consommation de gaz fossile. "L'UE ne veut pas s'engager au-delà de 2050 pour des accords gaziers", indique Perrin, soulignant ainsi l'incertitude à long terme pour les exportations vers l'Europe.

Cependant, les promoteurs du projet, avec le Maroc en tête, envisagent également de répondre à la demande croissante en gaz naturel en Afrique de l'Ouest. Le marché intérieur ouest-africain, en pleine expansion, représente une alternative viable et prometteuse.

Le projet de gazoduc Afrique Atlantique, soutenu par des découvertes comme celle du champ GTA, a le potentiel de transformer le paysage énergétique de l'Afrique de l'Ouest. En diversifiant les sources d'approvisionnement et en privilégiant le GNL, le projet pourrait devenir un pilier de la sécurité énergétique régionale.

Toutefois, la réalisation de cette vision dépendra de nombreux facteurs, notamment la dynamique du marché global du gaz, les évolutions politiques et les engagements climatiques internationaux. Les prochaines années seront cruciales pour déterminer si cette opportunité est le fruit d'un coup de chance ou d'une stratégie savamment calculée.




Mardi 18 Juin 2024
Dans la même rubrique :