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Par Abdeslam Seddiki
Les crises sont parfois salutaires puisqu’elles nous permettent de voir notre réalité en face. Elles se transforment en opportunités historiques pour procéder aux réformes sociétales nécessaires qui se heurtent aux résistances multiples en période « normale ». C’est pour cela que ce qui relevait il y a quelques années du rêve, telles que la généralisation de la protection sociale et l’aide directe aux ménages pauvres, devient de nos jours une réalité. Autrement dit, dès lors qu’il y a une volonté politique pour aller de l’avant et apporter des solutions aux problématiques épineuses, on trouvera les moyens nécessaires.
Où en sommes-nous au niveau de la concrétisation de cette mesure de ciblage des ménages pauvres à travers l’attribution d’une aide sociale directe ? Il est prévu, comme cela a été annoncé par la plus haute autorité du pays de démarrer cette opération à partir de ce mois de décembre. Pour ce faire, une course contre la montre est engagée.
Le gouvernement a préparé dans la foulée deux projets de loi : l’un est relatif au régime de l’aide sociale directe ; l’autre porte sur la création de l’Agence Nationale d’aide sociale. Les deux textes se trouvent à leur phase finale du processus législatif. En outre, il est prévu dans ledit projet de loi l’adoption par voie réglementaire d’un certain nombre de textes d’application.
Il va sans dire que les retombées de ce chantier sont multiples. Elles sont d’abord d’ordre humain. Ainsi, avec l’aide sociale directe, les personnes concernées, qui vivent dans le dénuement et la détresse, vont sentir leur « existence » pour ainsi dire et leur appartenance à une communauté que constitue la patrie.
Elles sont ensuite d’ordre sociétal, en ce sens qu’une telle mesure va sûrement renforcer la cohésion sociale en réduisant l’exclusion sociale et les inégalités territoriales sachant que l’écrasante majorité de la population pauvre habite dans le monde rural et les régions montagneuses comme on l’a vu récemment avec le séisme qui a frappé le Haouz et le Haut-Atlas. Elles sont enfin d’ordre économique : désormais, les personnes bénéficiaires se transformeront en consommateurs.
Ce qui est susceptible de donner un coup de pouce à la demande intérieure et au marché local. Et par conséquent à stimuler l’investissement créateur de richesse et d’emplois dont pourraient bénéficier les personnes bénéficiaires. Au-delà de ces effets apparents, le Maroc va connaitre à moyen et long terme une dynamique sociale intergénérationnelle et intragénérationnelle.
A ce montant s’ajoute les 10 MM DH consacrés à la prise en charge de l’AMO pour les personnes nécessiteuses (ex-Ramédistes). Soit au total la bagatelle de 40 MM DH qu’il faudra mobiliser annuellement.
Sur cette base, Il a été procédé au montage financier suivant : 20 MM proviennent des ressources propres de l’Etat au cours des trois prochaines années ; 6 MM proviennent des contributions dans le cadre de la solidarité nationale ; 15 MM proviennent de l’agrégation et de la réaffectation des fonds accordés aux différentes programmes de soutien en vigueur dont la Caisse de Compensation ; 9 MM DH inscrits dans le Fonds de la cohésion sociale en 2024.
Pour assurer la pérennité de financement, le Maroc se doit de mener à bien la réforme fiscale en mettant à contribution tous les Citoyens en fonction de leurs capacités : améliorer le recouvrement, intégrer le secteur informel, combatte l’évasion et la fraude fiscales...Le potentiel fiscal à mobiliser est estimé entre 9% et 12% du PIB, soit plus de 150 MM DH !
Par ailleurs, il faut voir le problème dans sa dynamique. Pour l’heure, on privilégie le ciblage et l’aide directe. A terme, il faut se préparer à des solutions meilleures où l’inclusivité doit se réaliser par le travail et la contribution de tout un chacun à l’effort national. L’assistanat n’est bénéfique pour personne. D’où la nécessité pour notre pays d’accélérer son développement en créant suffisamment d’emplois décents pour tous les citoyens en âge de travailler et passer progressivement d’un système d’assistanat à un système d’autonomisation de chaque citoyen.
Le développement d’un pays devrait se traduire nécessairement par la réduction du nombre de pauvres et des laissés pour compte. Autrement, on ne fera qu’institutionnaliser la pauvreté, ce qui serait dommageable pour notre pays.
Notons enfin que la réussite de ce chantier dépend de la mobilisation du peuple marocain dans son ensemble. Ce peuple qui a donné à travers l’histoire la preuve de son attachement aux valeurs de solidarité. C’est un atout de taille qu’il convient de fructifier et une valeur qu’il faut absolument sauvegarder et transmettre aux générations futures.
Rédigé par Abdeslam Seddiki